Combien de morts dans les années qui viennent à cause de Fukushima et des éléments radio actifs qui ont été rejetés dans l’atmosphère ou dans la mer ? Il y a un désaccord profond sur cette question entre les partisans de l’utilisation civile du nucléaire et ses adversaires, en particulier autour de la question de l’impact des faibles doses.
Les mesures de protection sont construites autour de l’hypothèse qu’il y a une relation linéaire entre les doses reçues et le nombre de cancers mortels déclarés (qu’ils soient soignés et guéris ou non). En bref, si pour une dose D, 1% des personnes irradiées développent un cancer mortel, pour une dose 2*D, c’est le cas de 2% des personnes irradiées. « Le taux de proportionnalité retenu par le CIPR est de 5% par sievert dans le cas des cancers mortels résultants d'une exposition. »
Les partisans du nucléaire défendent celui-ci en montrant qu’avec cette hypothèse le nombre de cancers liés au nucléaire civil est extrêmement faible. Mais certains ajoutent que cette hypothèse est pessimiste pour les faibles doses, et que donc le nombre de cas pourrait être nul.
Etudions ces deux questions, en commençant par la seconde, celle de l’impact des faibles doses.
On trouve sur le site de Greenpeace France tout un chapitre sur le nucléaire et ses dangers, avec notamment une fiche thématique intitulée « la radio activité en 10 questions », où on peut lire sous la question 4 :
Les radiations nucléaires peuvent détruire les molécules, notamment celles du corps humain. Lorsque les molécules d’ADN des cellules sont détruites, il existe un risque de développement d’un cancer. Ces radiations sont donc cancérigènes. Contrairement aux autres substances cancérigènes (les substances chimiques, par exemple), il n’existe pas de « dose inoffensive » pour la radiation, c’est-à-dire une valeur minimale en deçà de laquelle les radiations n’ont aucun effet.
Sur le site radioactivité.com, on peut lire au chapitre « effet des faibles doses » :
Les doses d'irradiation n'auraient pas d'effets au-dessous d'un certain seuil, les risques sanitaires n'apparaissant qu'au-delà.
On ne dispose encore que de peu d'indications sur la valeur d'un tel seuil. Beaucoup de biologistes pensent qu'il serait d'une centaine de milli sieverts
En fait, le site admet « qu’il est concevable que l'effet cancérigène de faibles doses ne soit pas nul mais très petit et qu'il s'accroisse rapidement avec la dose ». en bref, on serait très en deçà de la relation linéaire utilisée pour définir les normes. Il est à noter que les expériences menées sur les animaux confirment l’existence d’un seuil. Certaines expériences ont même montré des effets bénéfiques, de la même manière que beaucoup de produits sont bénéfiques à faible dose et toxiques à forte dose
Wikipédia consacre un long article à cette question qu’il signale comme polémique, en donnant les arguments des partisans de l’effet linéaire sans seuil, de ceux qui pensent qu’il y a un seuil, et de ceux qui mettent en avant des effets bénéfiques à faibles doses (effet d’Hormèse)
Signalons pour expliquer l’existence du débat, que la courbe linéaire est principalement le résultat des observations sur les survivants aux deux bombes jetées sur le Japon en 1945. Les personnes concernées ont été bien suivies, ce qui fait que l’on a bien mesuré les impacts des irradiations. Par contre, la valeur des irradiations reçues par chacun est estimée, aucune des personnes ne portant évidemment de dosimètre au moment de l’explosion ! La courbe est donc une estimation dont la précision n’est pas suffisante pour savoir ce qui se passe aux faibles doses.
Avec la relation linéaire sans seuil, la radio activité naturelle en France (2.5 mSV en moyenne) serait la cause de 6000 (ou 7000 selon les sources) cancers mortels par an D’après les calculs présentés dans un article précédent, la radio activité liée à Fukushima serait actuellement 500 fois plus faible que cette radio activité naturelle, et sera 2500 fois plus faible d’ici un an.
Cela signifierait, toujours si on admet la relation linéaire, un impact de 12 cancers mortels (mais éventuellement guérissables) la première année, et 1 par an ensuite. Au niveau mondial, il faudrait multiplier ces chiffres par 100 pour tenir compte de la part de la France dans la population mondiale. Bien entendu, de tels effets sont trop faibles pour être mesurables.
Si la population mondiale était distribuée de manière homogène sur toute la planète, la relation linéaire sans seuil permettrait de calculer l’impact des fuites indépendamment de la répartition de la radio activité. Dit autrement, un risque supérieur à proximité de la centrale serait compensé par un risque plus faible ailleurs.
Il faut noter la position de la Commission internationale de protection radiologique : elle défend la relation linéaire sans seuil comme règle parce que c’est la meilleure approche pratique et en vertu du principe de précaution. Par contre elle « estime qu’il est inapproprié, pour les besoins de la santé publique, de calculer le nombre hypothétique de cas de cancers ou de maladies héréditaires qui pourraient être associés à de très faibles doses de rayonnement reçues par un grand nombre de personnes sur de très longues périodes. »
S’il y a un effet de seuil (et on ne voit pas pourquoi il n’y en aurait un pour les substances chimiques mais pas pour la radio activité), les valeurs ci-dessus peuvent être diminuées très fortement. Et on observera qu’en réalité c’est dans les zones les plus contaminés que l’on recherche et suppose des impacts.
Il est difficile aujourd’hui de connaître le risque dans les régions proches de la centrale. On sait que les doses sont faibles à Tokyo et qu’il faudra établir une carte de la contamination avant d’autoriser le retour de ceux qui habitaient à moins de 20 km de la centrale.
Mais peut on prendre pour argent comptant la valeur de 6000 cancers mortels pour la radio activité naturelle, citée par radioactivité.com ? C’est le premier sujet de désaccord entre ce site et celui de Greenpeace, désaccord qui s’illustre à propos de l’évaluation des conséquences de Tchernobyl.
Un rapport de l’AIEA ( Agence Internationale de l’Energie Atomique) paru en 2004 fait état de 4000 morts liés à Tchernobyl (et de 9300 en comptant les morts futurs). Greenpeace juge ce nombre fantaisiste et a publié en 2006 un rapport faisant état de 200 000 décès. Il cite aussi des études de chercheurs russes publiées en 2009 par l’Académie des sciences de l’Etat de New York et évaluant les victimes de l’accident entre 600 000 et 900 000.
Le site radio activité.com note en réponse que le rapport de l’AIEA est « le résultat d’un forum auxquels ont participé, de 2003 à 2005, des organismes aussi respectés et compétents que l’OMS (organisation mondiale de la santé), l’UNSCEAR, l’AIEA et la FAO. » Il rappelle que ce calcul est basé sur l’échelle linéaire sans seuil et que la réalité pourrait être beaucoup plus faible, le nombre de morts avérés (parmi les liquidateurs) étant d’une cinquantaine. Le site poursuit :
Les morts de Tchernobyl sont des morts calculés et non comptabilisés comme lors d’ouragans, de tsunamis ou d’inondations. Les chiffres mis en avant, parfois sincèrement, reflètent davantage des passions que la réalité.
Par exemple, les 9300 décès du rapport de l’AIEA sont calculés en appliquant la règle dont il a été question plus haut dite de la relation linéaire sans seuil. La même règle appliquée à la France prédit que 7200 français meurent chaque année des suites de la radioactivité naturelle et 3000 des suites des radiographies et scanners. Une telle mortalité est loin d’être établie, mais si l’on multiplie par 10 les morts de l’AIEA (de 9300 à 93000) comme le fait Greenpeace, la logique voudrait que l’on multiplie par 10 les effets de la radioactivité naturelle et des examens médicaux : 72 000 français décèderaient chaque année des premiers et 30000 des seconds.
Enfin, quelques données que l’on peut chercher à recouper !
Il y a plus de 300 000 cancers déclarés chaque année en France, et environ 150 000 décès pour cette cause. 7200 décès par an, c’est trop peu pour être vraiment visible, mais 72 000 pour la radio activité naturelle, ce serait la cause principale donc forcément observable, d’autant que celle-ci varie selon les régions.
D’après le document qui m’a été envoyé par le webmaster de RMN, la radio activité naturelle varie selon les régions, avec un maximum de plus de 140 nSV/h en Auvergne et de moins de 80 dans le Nord Pas de Calais, l’Aquitaine et la région PACA. Le Limousin et la Corse sont à plus de 120.
Le rapport sur la situation du cancer en France en 2009 donne page 25 une carte de l’incidence du cancer (l’apparition de nouveaux cas) selon les régions. Trois régions sont dans les taux les plus élevés pour les hommes comme pour les femmes : le Nord Pas de Calais, la Picardie et la Haute Normandie. L’Auvergne est dans la moyenne pour les hommes et dans les régions à faible incidence pour les femmes. En Bretagne, les hommes ont une forte incidence et les femmes une faible.
En réalité, la carte régionale des cancers ne montre absolument pas de lien avec la radio activité naturelle. Celle des hommes fait par contre furieusement penser à la carte de la consommation d’alcool…
Sur la base des remarques du site radioactivité.com, et de ce qu’il y a sur son propre site, Greenpeace exagère très largement les impacts des accidents nucléaires.
Pour ce qui concerne Fukushima, les fuites radio actives ne sont pas assez importantes pour que leur impact sur la santé des humains soit observable. Il en serait de même si on avait un voire 10 Fukushima chaque année !
Les connaissances scientifiques actuelles ne nous permettent pas de dire si l’impact sera en France de 1 cancer par an, s’il sera nul ou même si l’exposition subie par les habitants de la région pourrait leur être bénéfique !
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