Une explosion a frappé la centrale nucléaire de Fukushima, au Japon, à la suite du tsunami qui a frappé le pays. Pour beaucoup d’intervenants invités par les médias, cet événement prouve le risque de la filière nucléaire et les responsables du PS sur l’environnement fustigent les propos « technico lénifiants » des autorité françaises
Hier soir, sur ARTE, le journal d’information donnait la parole à un responsable de « Sortir du nucléaire » qui voyait dans l’événement la preuve de la nécessité absolue de son combat. Sur TV5 monde, la journaliste donne la parole à Stéphane Lhomme, président de l’Observatoire du nucléaire, qui se garde bien d’explique ce qui se passe mais avance qu’il s’agit d’un des pires accident nucléaire de l’histoire, ce qui donne sur You Tube « vraisemblablement le pire accident nucléaire de l’histoire en cours ».
Ce n’est certes pas avec de tels militants anti nucléaires, dont le seul objectif est d’agiter la peur, qu’on va comprendre ce qui se passe. Ce n’est pas non plus avec les propos du PS, qui critique les propos technico lénifiants des autorités françaises, sans doute pour les remplacer par des propos émotionnellement catastrophistes !
Alors, risquons quelques explications !
Ces explications porteront sur le contexte général pour comprendre de quoi on parle : les informations sur la situation au Japon sont forcément partielles et provisoires, et il ne pourra être tiré d’enseignements sérieux que plus tard, ce qui n’empêche évidemment pas les idéologues d’en tirer immédiatement !
C’est d’ailleurs exactement ce qui a été dit par NKM à la radio : elle a expliqué q’on n’avait pas toutes les données, les autorités nucléaires japonaises étant occupées à gérer la situation. Le journaliste lui ayant demandé si on pouvait rassurer les populations du Pacifique sur l’absence de risque, elle a répondu que non, qu’actuellement il n’y avait rien qui les menaçait mais qu’on ne pouvait pas préjuger de ce qui pouvait se passer dans les heures ou les jours qui viennent. En bref, une attitude nettement plus responsable que celle de ceux qui crient à la catastrophe ou celle de ceux qui voudraient nier l’existence d’un problème
Le spécialiste d’AREVA présent a noté qu’en utilisant de l’eau de mer pour refroidir le réacteur, le Japon prenait le risque de rendre celui-ci inutilisable, ce qui montrait la gravité de la situation.
Des éléments radioactifs comme l’uranium se décomposent, soit spontanément, soit parce qu’ils sont entrés en collision avec un neutron. Cette décomposition donne vie à un ou plusieurs éléments moins lourds, parfois stables, parfois également radioactifs, à des neutrons et à de l’énergie (beaucoup d’énergie en réalité).
Les neutrons ainsi émis, s’ils rencontrent d’autres corps radio actifs, provoquent une nouvelle désintégration, qui produit des neutrons, qui eux-mêmes… C’est la réaction en chaîne. Si chaque désintégration produit plus d’un neutron et qu’une part suffisamment importante de ceux-ci rencontrent à leur tour des éléments radio actifs (ce qui suppose un nombre important d’éléments et qu’ils soient suffisamment proches les un des autres), le nombre de désintégrations augmente dans le temps, c’est l’effet multiplicateur de la réaction en chaîne.
Comme ces phénomènes se produisent dans des durées très brèves ( par exemple un milliardième de seconde), la réaction en chaîne peut se traduire par une explosion : c’est ce qui se passe dans une bombe atomique A, du type de celle utilisée à Hiroschima. L’énergie produite par une seule désintégration étant très élevée (c’est la fameuse équation e=mc2), une telle explosion est extrêmement puissante.
Un autre phénomène possible est la fusion nucléaire, qui consiste non pas à produire deux atomes à partir d’un seul lourd , mais un seul à partir de deux légers. C’est ce qui se passe dans le soleil et dans une bombe de type H. Comme il faut beaucoup d’énergie pour démarrer la fusion nucléaire, on utilise une bombe A pour démarrer la fusion au sein d’une bombe H.
Dans une centrale nucléaire, la réaction en chaîne est contrôlée de manière à ce que le coefficient multiplicateur reste égal à 1 (voir comment dans cet article).
Utiliser des matériaux radio actifs présente donc un risque d’explosion dans certaines conditions que l’on sait maîtriser, mais aussi des risques liés à la radio activité proprement dite : l’exposition trop importante à la radioactivité peut tuer, notamment en provoquant des cancers. A Hiroshima, l’explosion a tué une centaine de milliers de personnes immédiatement, les radiations en ont tué d’autres dans les années qui ont suivi. Marie Curie et sa fille Irène sont toutes deux mortes d’une leucémie, respectivement à 66 et 58 ans, suite à de nombreuses manipulations de matières radio actives
Il y a en permanence au sein du réacteur nucléaire d’une centrale des éléments radio actifs. En cas de problème, ceux-ci peuvent s’échapper, ce qui peut être plus ou moins grave selon le volume en cause et sa composition.
Les centrales sont équipées pour arrêter dans un temps très bref la réaction en chaîne. Par exemple dans les centrales de l’ancienne filière graphite gaz (celle dont on parlait quand j’étais à l’école !), des barres de graphite sont situées au dessus et entre les barres à combustible et elles sont lâchées en cas de problème (par exemple arrêt du courant) diminuant immédiatement et fortement la part des neutrons produits qui rencontrent des éléments radio actifs et donc stoppant la réaction en chaîne. Au Japon, les réacteurs ont été arrêtés immédiatement.
Cependant "Même si le réacteur est mis à l'arrêt, l'activité des produits de fission continue de produire de la chaleur. La puissance de cette chaleur résiduelle correspond environ à 6% de la puissance thermique nominale à l'instant de l'arrêt de la réaction nucléaire en chaîne, elle diminue ensuite et disparait en l'espace de quelques jours" C'est ce problème auquel sont confrontés les centrales japonaises
Le réacteur primaire, celui qui contient les matières fissiles, contient un circuit d’eau qui transporte la chaleur vers un échangeur, dans lequel est produite la vapeur qui va servir à produire l’électricité hors du réacteur. Le circuit d’eau primaire a un effet auto stabilisant sur la réaction en chaîne dans les réacteurs à eau pressurisée (la filière la plus courante)
Si la chaleur produite par la réaction nucléaire n’est pas évacuée, les matières fissiles peuvent monter à une température telle qu’elles vont fondre : quand on parle de fusion d’un réacteur, il ne s’agit pas de la réaction nucléaire de fusion mais de passage des matières fissiles de l’état solide à l’état liquide, avec les conséquences sur le déplacement de ces matières que l’on imagine. C’est ce qui s’est passé à Three Mile Island en 1979. Il semblerait qu’il y ait eu à Fukushima un début de fusion. Cependant, l’accident a été classé pour l’instant au niveau 4, contre 5 pour l’accident de Three Mile Island
L'échelle INES (merci Denys) de classement des incidents et accidents parle d'accident pour le niveau 4 (incident grave pour le niveau 3) avec endommagement important du coeur du réacteur (ou mort d'un travailleur) et rejet mineur : exposition du public de l'ordre des limites prescrites
Le fluide de refroidissement (normalement de l’eau) peut avoir du mal à évacuer la chaleur émise par les matières fissiles. L’eau peut se transformer en vapeur et la pression déjà élevée (dans les réacteurs à eau pressurisée) augmenter, avec un risque de faire exploser les parois. La production de zones « vides » (en fait contenant du gaz) peut conduire à des difficultés de conduite et à des déformations. L’eau peut être hydrolysée, c'est-à-dire séparée entre se deux constituants hydrogène et oxygène, conduisant à d’autres transformations chimiques, comme ce fut le cas à Tchernobyl. Les explosions de lundi matin seraient des explosions d'hydrogène
Il semble que les japonais ont été confrontés à un problème de manque d’eau et de montée de la pression, ce qui les a amené à dégager de la vapeur à l’extérieur pour baisser la pression. La vapeur dégagée était porteuse de matière fissile : on a parlé d’une teneur 1000 fois supérieure à la normale, mais en fait on ne dispose pas vraiment d’éléments.
Apparemment, le dégagement n’a pas été suffisant pour qu’on mesure de la radio activité une fois le jet de vapeur réparti dans l’atmosphère. Si je dégage un mètre cube de vapeur à une teneur 1000 fois supérieur à la normale et qu’elle se répartit dans un volume de 1km sur 1 km sur 1 km, je divise la teneur par 1 000 000 000 et je ne mesure plus rien du tout : la teneur dans le volume de 1 km3 est de 1,000001 fois la normale
A Tchernobyl, les réactions chimiques à l’intérieur du réacteur ont conduit à une explosion de celui-ci. En l’absence de structure de confinement, tout ce qui était gazeux est parti dans l’atmosphère et le réacteur a continué à envoyer des gaz toxiques jusqu’à ce que le site soit enfermé dans une chape de béton.
A Three Miles Island, 50% de la masse du cœur a fondu et 20% ont coulé au fond de la cuve, mais celle-ci n’a pas cédé. D’après Wikipédia, « l’enceinte de confinement est restée intègre ; le relâchement de produits radioactifs dans l’environnement est ainsi resté faible. Il est cependant difficile de trouver des chiffres fiables pour le quantifier (car ils n'ont pu être mesurés sur le moment). » Apparemment, il n’y a pas eu de conséquences sur les hommes.
Toujours d’après Wikipédia, la centrale de St Laurent à filière graphite a connu deux incidents de ce type en 1969 et en 1980
Pour l’instant, l’accident du Japon ne semble pas plus grave pour les hommes que celui de Three Miles Island, même si on ne sait pas exactement quel est le bâtiment qui a été victime d’une explosion, ce qui explique ma réaction vis-à-vis des prophètes de malheur. S’il y a catastrophe, c’est pour les finances du propriétaire de la centrale.
Mais bien entendu, on ne peut rien assurer tant que l’incident n’est pas terminé.
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