A l’instar de celui qui a été finalement élu, les candidats arrivés juste derrière lui s’étaient faits remarquer par leurs prises de position sur la sécurité. Et chacun avait mis l’accent sur une des grandes préoccupations de la population, avec il faut bien le dire, des propositions plus populistes qu’ayant des chances de résoudre le problème
Nicolas Sarkozy avait fait de la question de la sécurité un point clé de son programme, proposant dès 2005 de passer une cité au Karcher. Ségolène Royal, réputée pour sa capacité à sentir les attentes de ses concitoyens, avait pour sa part proposé de confier les jeunes délinquants aux militaires, provoquant pour le moins la surprise dans les rangs socialistes. Enfin, François Bayrou, auréolée de la claque administrée à un gamin lors de la campagne précédente, proposait de sanctionner les jeunes dès la première incartade et de rétablir la présence de l’Etat dans les cités.
Le président élu avait en priorité ciblé la question de la récidive et multiplié les lois pour réduire ces cas dont raffolent les médias, oubliant au passage que le risque zéro n’existe pas et que toutes les lois du monde n’empêcheront pas le scandale, à partir du moment où une mort sur 500 000, causée par un délinquant sexuel apparaît déjà trop ! Et on voit bien ce que cela donne aujourd’hui
Mais les mesures envisagées par les deux autres candidats sur d’autres registres n’étaient pas plus crédibles.
Comprenant l’inquiétude d’une partie notable de la population face au chômage persistant, Ségolène a proposé pendant la campagne, et a répété plusieurs fois depuis, qu’il fallait interdire les licenciements aux entreprises qui font des bénéfices.
Tous ceux qui ont pu examiner les aides accordées lors de licenciements aux salariés de riches entreprises et celles accordées aux salariés d’entreprises moins favorisées ont compris que tant qu’à faire de se faire licencier, il vaut mieux l’être par une entreprise qui fait des bénéfices. L’examen des mouvements de main d’oeuvre montre également que pour 45 sorties annuelles par 100 salariés, il y en a moins d’une qui est liée aux licenciements économiques Quand on sait que la plupart des départs réalisés dans le cadre d’un PSE fait par une entreprise riche se font dans le cadre du volontariat, on comprend à quel point la proposition de Ségolène royal est inadaptée à la réalité.
De son coté, François Bayrou, qui avait sans doute compris que beaucoup de français ne sont pas satisfaits de la manière dont la démocratie est vécue en France a fait de ce sujet une de ses principaux cheval de bataille. Le score qu’il a réalisé en 2007, le nombre de personnes qui ont adhéré au Modem dans la foulée montre à quel point le diagnostic était juste. Si les tribulations du Modem montrent que son président est plus fort pour parler de démocratie que pour la pratiquer, l’idée mise en avant à l’époque qu’une part de proportionnelle changerait fondamentalement la situation ne parait pas avoir les vertus d’une baguette magique !.
Sécurité, emploi, démocratie, de vrais questions, mais forcément complexes : comment peut on imaginer les régler par une réponse simple, tenant en quelques mots ?
Bien sûr, les candidats sont obligés de tenir compte des contraintes de la communication politique, qui, à l’heure de la télévision, oblige à faire toujours plus court. Et maintenant que sur Internet Twitter limite le nombre de caractères autorisés dans un message, les choses ne vont pas en s’améliorant !
Il est vrai aussi qu’au delà de la mesure phare affichée, les candidats avaient probablement dans leur escarcelle des propositions complémentaires. Mais quand celle qui est affichée en tête n’est déjà pas convaincante….
Sous les couleurs d’Energies Démocrates, j’avais fait campagne en 2002 avec un programme restreint, qui, lui aussi faisait appel à des mesures phares, par exemple l’interdiction du cumul des mandats, révélateur du fait que dès 2002, certains trouvaient notre démocratie malade. Christian Blanc n’avait pas encore développé dans le détail ses idées sur la croissance, qui feront ensuite l’objet du rapport sur l’écosystème de la croissance. Il a fallu plusieurs dizaines de pages pour expliquer pourquoi et comment mettre en œuvre une politique que l’UE avait auparavant développée sous le terme de stratégie de Lisbonne et qui consistait à augmenter la recherche et développement. L’apport de Christian Blanc concernait essentiellement l’organisation des relations entre recherche publique et entreprises, de manière à ce que la recherche débouche sur de l’innovation.
Tout cela pour dire qu’un slogan court peut renvoyer d’une part à des idées sérieuses et efficaces, et s’appuyer d’autre part sur une réflexion approfondie et cohérente. Encore qu'en l'occurence, la solution de la stratégie de Lisbonne est vraiment complexe à mettre en oeuvre dans le contexte français.
Ni Ségolène Royal, ni François Bayrou ne m’avaient à l’époque convaincu, mais je n’ai compris pourquoi que deux ans plus tard, en lisant un article de Pierre de Rosanvallon dans mon journal préféré, celui que je critique à longueur de blog pour son ignorance des chiffres, mais qui reste irremplaçable.
Pierre Rosanvallon expliquait à l’époque que dans une démocratie évoluée, on ne pouvait se prévaloir de la légitimité d’une élection pour ignorer pendant cinq ans les résultats des élections intermédiaires ou des sondages, l’expression des corps intermédiaires ou des manifestants. Son propos visait bien sûr le gouvernement en place, mais au passage, il notait qu’au moment de l’élection, on savait ce que celui pour qui on votait aller faire, et qu’en suite, les événements conduisaient forcément l’élu à prendre des orientations correspondants à des nouvelles contraintes, d’où la nécessité évoquée plus haut de dialoguer avec les citoyens et leurs représentants de toutes sortes.
En lisant cela, je me suis fait la réflexion que je ne savais pas ce qu’auraient fait Ségolène Royal ou François Bayrou s’ils avaient été élus, et en,core moins ce qu’ils auraient fait dans le crise financière arrivée assez peu de temps après l’élection. Et finalement, avec le recul, je me dis que c’est la principale explication au fait qu’ils ne m’avaient pas convaincu, même si probablement et dans un premier temps du moins, c’est ce qui leur a permis de ratisser large.
Quelles leçons tirer de tout cela ? Je crains d’être assez pessimiste sur le sujet. Les leaders politiques sont tellement pris par les logiques électorales et la lutte politique qu’on a l’impression qu’ils n’ont plus le temps de penser. Je lisais encore hier dans le Monde de samedi, Vincent Peillon, pourtant agrégé de philosophie, aligner ainsi les âneries sur lesquelles il est sensé construire le programme du PS !
Les Français ne sont guère satisfaits de leur classe politique. Mais les critiques externes au système, de Besancenot à Marine le Pen en passant par Mélenchon sont finalement considérés comme anciens. Les Français souhaiteraient sans doute des têtes nouvelles, mais le système ne permet pas d’en faire émerger une à ce niveau de responsabilité. Ce qui peut se faire au niveau local, comme l’ont montré avant hier l’exemple d’un Borloo à Valenciennes ou d’un Fromentin à Neuilly ne peut exister au niveau national. Quoiqu’on puisse faire, il n’y aura pas de candidat à la fois électoralement crédible et nouveau en 2012 à la présidentielle. Il va falloir faire avec ce qu’on a aujourd’hui, et il faut dire que ce n’est pas enthousiasment !
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