Faire remarquer à un populiste de gauche que son discours ressemble beaucoup à celui d’une populiste de droite est un bon moyen de s’attirer une réaction indignée, mais qui ne peut effacer les ressemblance, depuis l’usage permanent de l’insulte, jusqu’à l’appel à sortir les sortants, tous pourris.
Un merci à Radical Chic d’avoir attiré mon attention sur la réaction de Jean Luc Mélenchon à un dessin de Plantu le rapprochant de Marine le Pen, même si je ne partage pas du tout l’avis de Guillermo sur le sujet, comme je me suis empressé de l’écrire sur son blog..
Plantu observe dans son dessin que le discours des deux futurs ( ?) candidats à la présidentielle tournent autour de l’idée « tous pourris » et titre avec l’ascension des néo populistes.
Jean Marie Le Pen fut élu député en 1956, à l’âge de 27 ans, sous l’étiquette de l’UFF, le parti de Pierre Poujade dont le slogan pour cette élection était « sortez les sortants » ; depuis, avec les attaques permanentes de ce qu’il se plait à appeler l’UMPS, il a continué sur la même veine, et sa fille n’est pas en reste.
Jean-Luc Mélenchon a sorti en octobre 2010, pour conforter sa recherche de nomination comme candidat du front de Gauche à la présidentielle, un livre dont le titre est « qu’ils s’en aillent tous ». Il faut évidemment avoir l’esprit très dérangé pour faire l’amalgame avec « sortez les sortants », et Plantu s’est donc contenté du « tous pourris »
Le dessin de Plantu fait aussi l’accusation de populisme, et les défenseurs du député européen s’indignent qu’on puisse reprocher à un homme politique de vouloir s’adresser au peuple.
C’est l’occasion de préciser que les populistes ont une conception très particulière du peuple. Quand la constitution de notre pays démarre son préambule par les mots «Le peuple français proclame solennellement. », eux considèrent qu’il faudrait exclure de ce peuple français une partie des citoyens, ceux qui détiennent le pouvoir politique ou financier. C’est exactement ce qu’écrit Mélenchon pour présenter son livre, et les Le Pen ne fonctionnent pas autrement. .
Exclusion et haine de ceux que l’ont veut exclure font d’ailleurs de la même manière les délices des populistes de tous bords. Il est vrai que la liste de ceux qu’il faudrait exclure n’est pas identique, mais elle commence par le même groupe : ces puissants à qui il faut prendre le pouvoir.
Pour en faire quoi ? Ce n’est souvent pas précisé : comme le fait remarquer un commentateur quelque part, les populistes insistent souvent beaucoup plus sur leur diagnostic (ces salauds à exclure nous ruinent) que sur leurs propositions, souvent inexistantes ou qu’ils savent totalement inapplicables. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que le gouvernement actuel, qui pratique le populisme dans les grandes largeurs sur le sujet de l’insécurité, est si peu clair sur les solutions qu’il passe son temps à revoir les lois qu’il édicte sur le sujet.
J’ai déjà noté dans un article récent une autre caractéristique des tribuns populistes, comme le sont Jean Marie Le Pen et Jean Luc Mélenchon, l’appel à la foule et à ses émotions, plutôt qu’à la raison des citoyens. Qu’il me suffise ici de rappeler un de mes billets analysant un article de Mélenchon sur les retraites.
Dans son communiqué sur le dessin de Plantu, l’ancien sénateur socialiste s’insurge : Stupide politiquement, ce dessin amalgame deux programmes et traditions politiques diamétralement opposés. On se demande bien pourquoi il serait nécessaire de s’indigner à ce point si la stupidité politique et la différence des traditions et programmes étaient si évidentes que cela.
Un petit point sur l’histoire de l’extrême droite s’impose donc.
Au début du 20ème siècle, l’extrême droite française est représentée par l’Action Française. Elle est nationaliste et contre révolutionnaire, antisémite et anti parlementaire et prône une monarchie traditionnelle. Charles Maurras en sera un représentant tellement connu qu’on parlera de la tradition maurassienne. Bruno Gollnisch me parait se situer dans ce courant, et il faut observer qu’il a réuni sur sa candidature à la direction du FN un tiers des voix, ce qui donne à penser sur l’importance de ce courant au sein du FN.
Après la première guerre mondiale vont apparaître dans plusieurs pays des forces politiques de droite s’adressant non plus au nobles, à la petite ou grande bourgeoisie et aux paysans propriétaires de leur petit lopin, mais aux « masses laborieuses urbaines ». Ces partis, se revendiquent socialistes comme les nazis en Allemagne ou viennent de la gauche comme les fascistes de Mussolini, qui fut directeur du quotidien socialiste l’Avanti à partir de 1912 et fut exclu du parti parce que favorable à l’entrée de l’Italie dans la guerre de 1914.
Plus tard, en France, Jacques Doriot, à la tête des jeunesses communistes puis député de la Seine St Denis est concurrent de Maurice Thorez pour la direction du parti communiste. Partisan de l’union de la gauche pour lutter contre le fascisme mais ayant sur ce point le tort d’avoir raison trop tôt, il est exclu en 1934. Il va ensuite fonder le Parti populaire français, considéré par les historiens comme la forme de parti la plus proche du type fasciste qui ait existé en France, d'autres historiens, allant plus loin, estiment qu'on peut qualifier le PPF de véritable parti fasciste.
En allant à Lens puis à Hénin Beaumont, dans des circonscriptions très ouvrières, pour chercher à se faire élire sur les ruines d’un parti communiste jadis puissant, Marine le Pen se situe beaucoup plus dans la ligne de Doriot que de Maurras.
Voilà pour la tradition, Mr Mélenchon !
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