Le numéro de décembre de « La Recherche » titre sur le sujet en affirmant que la science n’a pas besoin de la religion pour expliquer l’univers, et fait s’exprimer un physicien, une philosophe et une historienne des sciences pour expliquer une position qui « s’est installée depuis quatre siècles »
Ma première réaction a été de hausser les épaules : pourquoi reposer une question qui paraît résolue ? Je n’ai donc pas acheté le journal, tout juste jeté un coup d’œil, pour comprendre que sont notamment visés les créationnistes. Un débat pour les américains, donc.
A la réflexion, je me suis rappelé la question posée récemment par un ami, à propos de mon opinion sur l’astrologie dont il voulait savoir ce que j’en pensais avant d’en dire du mal(parfois, rester ami passe par quelques marques d’attention !). J’avais répondu que j’étais un scientifique, et il avait bien compris ce que signifiait ma réponse : en tant que scientifique, j’attends que ceux qui prétendent donner des explications sur le comportement humain par les astres (ou la graphologie, ou les nombres, ou la morphologie…) adoptent des méthodes d’études scientifiques pour appuyer leurs prétentions, ce qu’ils ne font évidemment pas.
J’en avais profité pour raconter à la femme de mon ami une histoire que j’adore. Aux USA, une enquête scientifique a été menée pour étudier la valeur de la graphologie. 500 volontaires ont accepté de soumettre leur écriture puis de juger la validité de l’analyse qui leur a été fournie en réponse. Le taux de personnes trouvant l’analyse plutôt bonne ou très bonne, était proche de 90% .
En fait, la même réponse avait été communiquée à tout le monde. Elle était rédigée avec suffisamment d’habileté et de prudence pour que que chacun puisse s’y retrouver. L’enquête servait à démonter les mécanismes utilisés par les charlatans de toute espèce.
Pour revenir à Dieu et la religion, une de mes collègues m’a demandé il y quelques temps si le fait qu’une partie de ce qui dit la bible est faux ne remettait pas en cause ma foi. Il n’en est rien, au contraire ! Comme je le lui ais expliqué, prendre les histoires racontées par la bible comme reflétant la réalité historique est le meilleur moyen de passer à coté de l’objectif d’origine de ces histoires, qui est théologique. Ce serait comme si en lisant « le loup et l’agneau », on croyait au caractère historique de la fable, tout en ignorant la morale proposée par La Fontaine.
Prendre les textes de la Bible comme historiques, c’est passer à coté de tout ce que nous révèle l’exégèse depuis deux siècles, et qui nous fait mieux comprendre d’où viennent et à quoi correspondent les croyances chrétiennes.
Il me semble qu’aujourd’hui pour un catholique, la séparation de la pensée scientifique et de la pensée religieuse n’est pas du tout un problème, au contraire : ne pas chercher dans la religion une explication matérielle de l’univers conduit à se centrer sur l’essentiel de la réflexion sur Dieu et sur l’homme. Il n’en est peut être pas de même pour certaines sensibilités religieuses. D’où un combat entre des religions qui se sentent menacées par la science et une science qui se sent menacée par ces religions. Je ne peux que souhaiter la victoire de la science (mais dans ces domaines, une victoire est rarement définitive, elle n’empêchera pas que se créent de nouveaux discours d’illuminés demain)
Deux de mes amis de Lieu Commun ont publié récemment des articles sur des sujets religieux, et je profite d’avoir abordé ce sujet aujourd’hui pour réagir.
Koz faisait cette semaine l’éloge du pape actuel. Je serais sans doute moins dithyrambique que lui, mais je le rejoins en partie. Le cardinal Ratzinger a souvent été présenté en France comme un horrible réactionnaire, pour ne pas dire un facho. Pourtant, il était considéré comme un progressiste lors du concile Vatican II. En réalité, il était un réformateur, de ceux qui ont considéré que Vatican II avait répondu à leurs attentes, et qui se sont opposés ensuite à ceux qui considéraient que le chemin parcouru n’était que partiel et qu’il fallait aller plus loin.
Ceux qui n’ont pas accepté Vatican II au point de critiquer vertement les papes et pour certains de quitter l’Eglise, faisaient un reproche essentiel, celui de l’abandon de la prétention de détenir la Vérité. Ceux là ne voient pas la différence entre affirmer que Jésus est la Vérité et affirmer que ses disciples la détiennent. Il est évident pour ceux qui lisent objectivement ce qu’écrit Benoît XVI que, sur ce point, le pape est dans la droite ligne de Vatican II, de même qu’il est du coté des exégètes et non pas de ceux qui veulent lire la Bible de manière littérale.
Mais c’est bien cette prétention de détenir la Vérité qui a conduit certains et en conduira d’autres, à dénier aux scientifiques le droit de remettre en cause des lectures littérales de leurs textes sacrés.
C’est donc comme adepte d’une démarche scientifique que je contesterais cette phrase récente de l’ami Hughes « les juifs pratiquent la circoncision depuis 5571 ans". Ce chiffrage est évidemment issu d’une lecture littérale de la Bible. La recherche scientifique, à partir de l’étude critique des textes et de l’archéologie, nous montre que le peuple juif est apparu en tant que porteur d’une pratique religieuse spécifique vers 1200 avant Jésus Christ. La partie la plus ancienne de la Bible, issue de traditions orales, n’a été mise par écrit qu’au 7ème siècle avant Jésus Christ. Les archéologues ont montré une absence de restes de porc dans les villages de la Palestine d’alors pendant environ 500 ans avant cette date, preuve qu’il y avait là un peuple qui avait fait le choix de certaines pratiques. Affirmer que l’histoire du peuple juif a environ 3200 ans et non pas 5771, ne me paraît cependant pas de nature à remettre en cause la conception qu’ont les juifs de leur relation avec Yahvé.
Vive la science !
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