Nous sommes en train de vivre une révolution dans la vie de l’humanité, comme elle n’en a connu que quatre ou cinq dans son histoire. Les changements importants que nous connaissons depuis la révolution industrielle voient leur apothéose avec un changement majeur des âges de la vie et de la place des femmes.
On ne sait pas très bien quels sont les transformations physiques et culturelles qui ont fait s’éloigner nos ancêtres australopithèques de la lignée des autres grands singes. Par exemple, la place respective des représentants des deux sexes a changé.
Plus tard (il y a 500 000 ans ?) la maîtrise du feu représente une nouvelle révolution. Au delà de ce que cela représente en matière de sécurité par rapport aux grands prédateurs, le cuisson des aliments économise une grande partie de l’énergie consacrée à mastiquer et à digérer, énergie qui pourra servir à nourrir un cerveau de plus en plus grand et donc grand consommateur.
Puis vient l’homo sapiens (il y a 200 000 ans ?), lequel va progressivement envahir toute la terre, d’où disparaît sont cousin de Neandertal.
Enfin arrive la révolution du néolithique, avec la domestication de certains animaux et certaines plantes, faisant de l’homme un agriculteur et un sédentaire. Avec cette révolution arrivent des communautés de plus en plus grandes, donc un changement majeur dans le lien social et dans la culture, puis enfin l’écriture qui selon Jack Goody tel qu’il est présenté ce mois dans la revue Sciences Humaines introduit « deux grandes conséquences sur les processus cognitifs et l’accroissement des savoirs : la simultanéité et le cumul. La mise en liste ou en tableau fait surgir les contradictions, permet la réflexion et la réorganisation des contenus. Le cumul autorise la comparaison, d’où une facilité accrue de critique de commentaire, de précision. Il faut y ajouter les capacités d’abstraction, de logique et de calcul ». La nouvelle société est inégale (les capacités sont différentes d’un individu à l’autre) mais aussi inégalitaire (la taille des sociétés conduit à l’existence de dirigeants et la fonction est partiellement héréditaire).
Nous vivons aujourd’hui une nouvelle transformation. La révolution industrielle a donné l’abondance, dont une conséquence directe est aujourd’hui l’augmentation de la taille moyenne des humains. L’invention de l’imprimerie et toutes les inventions qui ont suivi font que la lecture n’est plus réservée à quelques élites, mais que la plupart des humains y ont accès. D’autres médias suivent, les étranges lucarnes de Mac Luhan nous mettent en contact avec l’ensemble de notre village – Terre.
La formidable augmentation de l’espérance de vie transforme radicalement les âges de la vie. Il y a quelques centaines d’années au plus, la vie adulte commençait peu après la puberté, les femmes commençaient à enfanter vers 15 ans. Il y a moins de 100 ans dans notre pays, les hommes entraient dans la monde du travail à 14 ans.
Aujourd’hui l’espérance de vie atteint ou dépasse les 80 ans dans la plupart des pays développés, et surtout, l’âge de la mère à la naissance du premier enfant est de 30 ans
La période d’apprentissage entre la naissance et le moment où on donne à son tour vie à une nouvelle génération a donc quasiment doublé ! Comment ce doublement pourrait il ne pas transformer ce que sont chacun de ces adultes et l’ensemble de la société ?
La transition démographique nous a fait passer d’une forte natalité et une forte mortalité à une faible natalité et une faible mortalité. Une conséquence majeure concerne la vie des femmes : alors qu’elles passaient l’essentiel de leur vie d’adulte à enfanter et allaiter, voici que ces activités deviennent des parenthèses dans leur vie d’adulte. Du coup, elles prennent une place de plus en plus en plus importante dans la société, un changement aussi majeur que celui qui a marqué notre éloignement de la famille des grands singes.
La révolution informatique transforme la contrainte inégalitaire née du néolithique : l’information devient accessible à tous et le fonctionnement en réseaux peut remplacer en partie le fonctionnement hiérarchique.
Autre caractéristique nouvelle, la part du 3ème âge : un quart des français ont plus de 65 ans, et ce sera le cas d’ici peu d’un tiers d’entre nous. La société, notre manière de vivre ensemble en seront forcément affectés.
Les hommes et femmes titulaires d’un bac plus cinq se comptent aujourd’hui par millions dans notre pays, quand ce niveau était celui d’une infime minorité il y a cent ans (en 1900, 2% d’une classe d’âge atteignait le bac).
Quelle conséquence auront les divers changements dont je viens de donner quelques exemples qui me paraissent fondamentaux ? C’est évidemment très difficile de le dire. Mais ils sont suffisamment radicaux pour faire que l’humain du 21ème siècle soit assez différent de ses ancêtres du 14ème siècle, sur les plans culturels et sociaux. Et la culture et les liens sociaux ne sont ils pas des caractéristiques essentielles de ce qui fait l’humanité ?
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