L’émission de France Inter victime collatérale de la loi sur la représentativité syndicale ? C’est une explication possible à un événement sur lequel il est difficile de se faire une opinion tant elle semble reposer sur des points de vue
Ce matin,
la radio publique annonce que Didier Adès et Dominique Dambert ne ferons plus
leur émission hebdomadaire, pour cause de licenciement pour faute grave,
Brigitte Jeanperrin reprenant une émission économique à la même heure.
Internet doit
nous aider à comprendre. Le premier clic débouche sur 20 minutes qui, cite Le
Point : "La direction de Radio France leur reproche un comportement de
"harcèlement moral", étayé par des témoignages répétés sur plusieurs
années. Un fait générateur plus récent avec une assistante aurait déclenché la
procédure»,
On passe donc à l’hebdomadaire qui explique que les deux responsables de l’émission ont demandé vainement à rencontrer Philippe Val, directeur d'Inter, ou Jean-Luc Hees, patron de Radio France. En fait le dossier a été traité directement par le DRH Patrice Papet, «cet homme, respecté des syndicats, ne passe pas pour un coupeur de têtes ». Le Point donne alors son avis : "il cherche toujours à trouver une solution de conciliation. Pour qu'il en vienne à prononcer un licenciement pour faute... "
En continuant la recherche, on trouve un papier de Libération ce
matin, qui reprend les propos du Point et une dépêche de l’AFP qui donne la
parole aux licenciés : «A aucun moment, et malgré nos demandes
répétées, nous n’avons été reçus par Jean-Luc Hees (PDG de Radio France),
Philippe Val (directeur de France Inter», assurent les deux journalistes,
qui se disent «choqués» par les méthodes utilisées.
Avec ces informations, on
pencherait donc pour des faits particulièrement graves, la demande de rencontre
des dirigeants donnant alors le sentiment que les deux licenciés n’ont pas
voulu rester sur le terrain des faits et du droit social.
Et puis, nouvel éclairage avec un
article du Monde nettement plus ancien, puisqu’il date du 29 mars On y apprend
que les journalistes ont eu en décembre 2009 des démêlés avec leur nouvelle
assistante, permanente syndicale CGC pendant 10 ans et battue aux élections
professionnelles de novembre
Le journal du soir s’étonne que l’assistante ait pu être harcelée en si
peu de temps : elle obtient deux arrêtes de maladie successifs à peine
arrivée. Après un avertissement écrit en décembre, les animateurs de Rue des
entrepreneurs reçoivent une convocation pour un entretien en vue de licenciement
quelques jours avant l’article du Monde. Le journal publiera le 6 avril un
appel en faveur de l’émission et de ses animateurs.
Qu’en conclure ?
On peut déjà supposer qu’il y a
eu une transaction entre les deux journalistes et la direction, une fois la procédure
de licenciement lancée et l’entretien préalable réalisé. Il est probable que
France Inter a payé cher, en raison de l’ancienneté des animateurs et de leur
capacité de « nuisance ». S’il y a bien eu transaction, pas de
prud’hommes et probablement des déclarations limités des licenciés (cela fait
certainement partie de la transaction) : ce que je lis pour l’instant va
plutôt dans ce sens là, mais on le saura assez vite
Le montant de la transaction
dépend aussi de ce qu’il y a dans le dossier, des faits que peuvent avancer
les deux parties.
Quelle est la réalité ?
C’est toujours difficile à dire, d’autant plus que la notion de harcèlement
moral est plus difficile à cerner qu’une faute consistant à casser l’épaule de
son voisin.
On peut imaginer deux situations extrêmes et tous les intermédiaires :
La première possibilité, c’est
que les deux journalistes sont devenus avec le temps insupportables. On notera
que le Point parle de faits répétés depuis plusieurs années. Dans ce scénario,
il y a eu d’autres conflits et la direction les a éteint en changeant de poste
les assistantes concernées. La nouvelle assistante étant une ancienne déléguée
a refusé de se laisser faire de la même manière.
Télérama donne des éléments dans
ce sens : « Le duo qui proposait pourtant une émission
d'une rare qualité, ne s'entendait pas. D'ailleurs il ne s'en
cachait pas. Leurs désaccords créaient un insupportable malaise dans leur
équipe. Aussi brillants soient ils, travailler pour eux était devenu mission
impossible »
L’autre scénario se cible sur la dernière assistante
qui aurait très mal vécu la perte de son mandat et qui n’aurait pas accepté de
se trouver en situation de subordination, alors qu’elle était autonome depuis
10 ans et avait pris l’habitude de critiquer la direction à tous moments.
Dans
ce cas, le DRH apprécié des syndicats a préféré sacrifié les animateurs pour
acheter la paix sociale. L’émission ayant déjà 28 ans et ses animateurs n’étant
plus tout jeunes, elle aurait de toutes manières du disparaître un jour pas si
lointain.
Quelque soit la réalité sociale, une bonne émission disparaît !
J’ai eu l’occasion il y a plusieurs années de passer
dans cette émission, je crois sur le thème des seniors. J’avais été contacté
par l’intermédiaire de mon entreprise et je m’étais retrouvé à Radio France,
pour trouver, dans les bureaux pleins d’archives des deux animateurs, une
assistante qui m’avait emmené au studio d’enregistrement. J’avais croisé à l’entrée du studio une
personne que j’avais déjà rencontré à la tribune dans des colloques.
A mon
étonnement, il n’y avait eu pratiquement aucune préparation avec les deux
journalistes. L’enregistrement a duré un gros quart d’heure environ, et je me
suis efforcé de répondre clairement aux questions posées.
Le samedi suivant, j’ai écouté l’émission jusqu’à ce
qu’à dix minutes de la fin on entende ma voix pendant une petite minute (peut
être moins).
Je me souviens avoir sur le moment eu l’impression
que Didier Adès était le leader du duo, mais ce n’est qu’une impression.
Bonne route à tous les deux.
PS du 5 mai :
Un article du Point.fr qui développe le point de vue de Didier Adès et où on apprend que ce dernier a 65 ans et Dominique Dambert 60
Un article de Miroir social qui répond au précédent et défend le point de vue de la déléguée CG
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