Nous passons en moyenne un peu plus d’une heure par jour dans les transports, du moins pour l’immense majorité des français, ceux qui se déplacent régulièrement, notamment pour aller travailler. A cette mobilité physique, les moyen de communication modernes ont ajouté la mobilité virtuelle, toujours plus fréquente et lointaine.
Les dossiers de Sciences Humaines
donnent sur ce sujet la parole à un sociologue, Eric Le Breton, auteur de
« domicile-travail, les salariés à bout de souffle ». Celui ci distingue
trois catégories de population : les ubiquistes, les navetteurs et les
insulaires.
Les ubiquistes voyagent beaucoup, en train, an avion et en voiture, pour leur travail comme pour leurs vacances. Ils sortent de l’espace régional plusieurs fois par semaine, n’hésitent pas à déménager. Certains sont même bi résidentiels, avec un second logement principal pour le travail de la semaine. Bien sûr, ils usent et abusent du téléphone et d’Internet. On les trouvent essentiellement chez les cadres.
Les navetteurs ont un mode de vie
rythmé par les allers retours quotidiens. 73 % des actifs travaillent en dehors
de leur localité de résidence, contre 42 % en 1982. Les distances moyennes
parcourues sont passée dans le même temps de 13 à 20 km : il faut donc la voiture
(85% des déplacements) ou des transports collectifs (pour les 15% restants).
Depuis l’ère du métro/ boulot/
dodo, les déplacements ont changé : l’heure de pointe est beaucoup plus
étalée et les déplacements se font vraiment dans tous les sens.
Comme les ubiquistes, les navetteurs voyagent pour d’autres raisons que le travail (en général moins loin), passant de l’île travail à l’île domicile et à l’île loisir.
La troisième catégorie n’a qu’une
seule île, dans laquelle elle est comme enfermée. Ce sont les insulaires, qui
vivent à l’échelle de la proximité piétonne, faute de moyens suffisant pour
avoir un véhicule, mais aussi parce qu’ils ne sont pas à l’aise dans le monde
complexe des transports, ses signaux, son système d’information finalement compliqué
pour les non habitués, parce qu’ils préfèrent aussi rester dans leur
environnement proche où ils ne sont pas stigmatisés comme le pauvre qui passe.
Cette catégorie regroupe environ 6 millions de personnes.
Les différences de mobilité correspondent bien aux catégories socio professionnelles. Elles créent aussi des différences d’horizon de sociabilité, de tailles numériques et géographiques de réseaux de relations.
Les pratiques de mobilité créent
aussi un apprentissage ou une absence d’apprentissage pour les enfants, qui
vont acquérir (ou pas) des compétences d’appropriation de l’espace qui seront
fort utiles pour les études ou la recherche du premier emploi.
La mobilité a créé de nouveaux groupes au delà des travailleurs (touristes, internautes) et des outils de services (location de voitures, agence de voyage, GPS…). Elle transforme en profondeur notre manière de vivre et d’être en relation.
Un tableau commenté des temps de déplacement montre que contrairement à une idée reçue, les temps de déplacement n’augmentent pas en moyenne. Ils ont légèrement baissé pour les habitants des grandes agglomérations et augmenté pour les autres pour devenir très proches (68 et 64 minutes par jour), les deux populations étant à peu près de taille égale.
La description faite par le
sociologue est assez parlante et correspond à ce qu’on peut constater.
Quatre remarques cependant.
D’abord l’étalement des heures de
pointe et la multiplicité des sens de déplacement, on peut la constater à Paris
avec un périphérique bouché presque à toute heure de la journée, mais pas dans
le métro ou le RER, où l’heure de pointe est toujours plus difficile, avec de
nombreuses lignes saturées.
Sur les insulaires ensuite. Cela
a été un étonnement de ma femme de rencontrer dans le centre social où elle
travaille des personnes, surtout des femmes, qui ne sortent jamais de leur
quartier et qui, habitant Paris, n’ont jamais vu la Seine. Une femme lui
expliquait ainsi être perdue dans le métro parce qu’elle ne sait pas lire.
Ensuite sur les enfants. Deux de
mes jeunes collègues ont passé une partie de leur scolarité dans un pays
étranger et fait une période de stage de plusieurs mois dans un pays d’Asie.
Toutes les deux ont eu l’occasion de voyager très régulièrement quand elles
étaient jeunes, ce qui leur a manifestement facilité ces aventures. Comme quoi,
la reproduction sociale passe par des éléments culturels très variés !
Enfin, comme me le fait remarquer ma femme, toujours pleine de bon sens, il y a de nombreuses personnes qui ne rentrent pas dans les trois catégories du sociologue. Et de me citer une amie dentiste dont le cabinet se trouve à son domicile, mais qui n’est pas une insulaire pour autant, dans ses loisirs et ses vacances. Ou une autre, qui habite l’hôtel qu’elle dirige. Ce qui montre qu’il faut utiliser une typologie pour ce qu’elle doit être : une aide à la compréhension et à la réflexion, pas un système de cloisonnement et d’enfermement de la pensée !
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