Le SMIC préserve les salariés peu qualifiés de la pauvreté, du moins s’ils sont à temps complet et ont un travail. Par contre, il est probable que son niveau relativement élevé (au regard du salaire moyen) ait provoqué une intensification du travail telle que les salariés français concernés sont plus insatisfaits que leurs collègues chez nos voisins européens.
Les Dossiers de Sciences Humaines donnent cette fois la parole à deux économistes, Eve Caroli et Jérôme Gautié, qui ont participé à une enquête internationale comparative sur la qualité des emplois les moins qualifiés.
Les auteurs commencent par montrer que la France est, après le Danemark, très bien positionnée en ce qui concerne la rémunération de ses travailleurs : seulement 10% ont des bas salaires, c’est à dire un taux de salaire horaire inférieur aux 2/3 du salaire horaire médian, contre 17,6% aux Pays Bas, 22,7% en Allemagne, et 25% aux USA.
On notera ici que les salariés à temps partiel peuvent ne pas être concernés et que la norme pour le calcul du niveau de pauvreté est de 60% du revenu médian. Le dossier fait un encart pour expliquer le calcul et note qu’il est indispensable aux comparaisons internationales mais aussi pour évaluer la place dans la hiérarchie nationale des rémunérations.
Ce bon résultat français s’explique par l’existence du SMIC (qui n’existe pas au Danemark et en Allemagne où la négociation entre partenaires sociaux régit les minima salariaux) et son niveau relatif élevé (il est beaucoup plus bas aux USA et aux Pays Bas).
Les auteurs notent ensuite que la protection de l’emploi est la plus forte en France, mais que l’indicateur utilisé ignore certains contrats de travail très précaires utilisés dans des secteurs particuliers (agroalimentaire et restauration par exemple).
Mais ils pointent surtout la question des conditions de travail, et en particulier celle de l’intensité du travail, qui est allée croissant depuis 20 ans : si la pénibilité physique a eu tendance à diminuer, elle a été remplacée par une pression mentale forte, notamment pour des objectifs de qualité, générant un stress important.
Les auteurs considèrent que la différence sur ces points avec les pays voisins est entre autres une conséquence du niveau élevé du SMIC, qui a poussé les entreprises à intensifier le travail.
Le résultat est que les travailleurs français peu qualifiés ne sont que 36% à se considérer comme correctement payés pour le travail effectué, contre 47 % en moyenne dans l’Union Européenne à 15, 54% au Danemark et 58% en Allemagne. Ce résultat qui peut paraître surprenant au regard des rémunérations plus fortes en France, illustre le fait que quand le travail est insupportable, sa rémunération est toujours trop basse, quelque en soit le niveau.
Les auteurs notent qu’il y a beaucoup de règles censées protéger les travailleurs mais qu’elles sont peu contrôlées et peu appliquées. Ils concluent qu’il vaut mieux bien réguler que trop réglementer et pointent la faiblesse du contre pouvoir syndical dans notre pays. A noter pour comprendre cette remarque que les plus bas salaires se trouvent dans les P.M.E., qui ont généralement un taux de syndicalisation très faible.
Un article intéressant, dont le contenu pour une fois ne m’a pas fait sursauter mais qui m’a appris des choses que je ne savais pas.
Le livre de Eve Caroli et Jérôme Gautié : Bas salaires et qualité de l’emploi : l’exception française ? éd. Rue d’Ulm, 2009
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