Le président Nicolas Sarkozy s’est fait élire sur un important programme de réformes et il s’est depuis beaucoup dépensé sur de très nombreux sujets. Le résultat n’est sans doute pas à la hauteur du programme, certains projets n’ayant pas abouti et d’autres réformes étant en trompe l’œil. C’est du moins ce qu’affirment dans un livre paru en 2009 Pierre Cahuc et André Zylberberg.
Les dossiers de Sciences Humaines
consacrent donc 2 pages au sujet et développent la thèse des auteurs. Il faut
noter au préalable que ces derniers, tout deux économistes, ont été les auteurs
de rapports dans le domaine social qui préconisaient des réformes qu’on
qualifiera de libérales pour simplifier. Cahuc est aussi l’auteur avec Algan de
« la société de défiance ».
La thèse des deux auteurs est
assez simple : la méthode employée pour faire les réformes a aboutit soit
à l’enterrement de celles ci, soit à des compensations tellement
importantes pour ceux qui étaient censé
y perdre que le résultat est contre productif. Le plus bel exemple de cette
situation est la réforme des régimes spéciaux de retraite. Les compensations à
l’alignement de la durée de cotisation sur celle du privé, en terme de prise en
compte de primes et autres rend l’opération financièrement négative pour les
deniers de l’Etat.
Pour les deux économistes, outre
la méthode utilisée, les raisons de ces échecs tiennent à des syndicats peu
représentatifs et ne s’intéressant qu’à leur situation institutionnelle et à
des parlementaires plus préoccupés par leur mandat local que par leur travail
de législateurs, les mettant plus à l’écoute des lobbies qu’à celui de
l’intérêt général.
Je partage en partie la déception
des deux auteurs : trop de réformes lancées ont été ensuite enterrées dans
les sables. Mais il faut aussi admettre qu’ils poussent le bouchon un peu loin,
qu’ils exagèrent, sans doute pour que leur cri d’alerte soit entendu.
Prenons donc deux exemples parmi ceux cité dans l’article de
Sciences Humaines : celui des régimes spéciaux et celui de la réforme du
marché du travail.Effectivement, pour faire passer
la réforme des régimes spéciaux, le gouvernement a lâché des compensations. Je
ne sais pas si celles ci étaient d’un montant tel que le bilan financier soit
négatif. Il faut ici rappeler que la menace contre ces régimes avait engendré
les grandes grèves de 1995, que la réforme Fillon de 2003 s’est traduite par de
longues semaines de grèves dans l’Education Nationale. On comprendra bien que
pour réussir après tout cela, face aux salariés d’EDF et de la SNCF, le
gouvernement Fillon a forcément lâché du lest, même s’il profitait de l’état de
grâce après la présidentielle.
Il reste, et Pierre Cahuc est bien placé pour le savoir, que l’une des difficultés majeures du problème des retraites est la multiplicité et les différences entre systèmes. Les français sont réticents à prolonger leur durée de cotisations, mais ils sont d’autant moins prêts à accepter des efforts qu’ils ont le sentiment que le système est profondément injuste. Et ce sentiment d’injustice se focalise sur les régimes spéciaux et sur celui des parlementaires. Supprimer les particularismes des régimes spéciaux en terme de durée de cotisation était un passage obligé pour toute réforme de retraites, celle justement qui est au programme de l’année 2010.
Deuxième exemple, les auteurs
écrivent que « en janvier 2008, les partenaires sociaux ont soi disant
modernisé le marché du travail en permettant le départ en retraite à 57
ans ». Cette phrase sibylline vise très probablement l’institution de la
rupture conventionnelle d’emploi, qui permet un départ à la demande du salarié
avec indemnités de chômage à la clé.
J’avais écrit alors, et je persiste, que
si cette mesure correspond à un vrai besoin (et elle est maintenant souvent
utilisée), il y avait un grand risque qu’elle se traduise par des départs de
fait en préretraite financée par les ASSEDICS.
Visiblement, nos économistes partagent mon avis.
Le risque a cependant été
fortement atténué par la suppression de la Dispense de Recherche d’Emploi
(DRE). Le fait que celle ci apparaissait à 57.5 ans explique l’âge cité par les
auteurs. Il n’y a qu’à lire les commentaires aux deux articles que j’ai
consacré au sujet pour comprendre que cela dérange beaucoup de gens, en
particulier qui ont fait une rupture conventionnelle à 56 ou 57 ans. Il est
difficile d’estimer l’impact de cette suppression sur la rupture
conventionnelle. On se contentera de constater que l’âge de fin de carrière est
en augmentation, malgré la crise.
Pierre Cahuc et André Zylberberg ont publié « Les réformes ratées du président Sarkozy » en 2009.
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