La crise économique actuelle, qui succède à de multiples autres moins généralisées ces 30 dernières années, pourrait être l’occasion d’une profonde mutation du capitalisme. C’est du moins l’avis d’un chercheur en économie, André Orléan, qui proposait un décryptage dans le Monde du 30 mars.
Cet économiste dont j’avoue n’avoir jamais entendu parler n’est pas le premier venu, puisqu’à 60 ans il est directeur de recherche au CNRS depuis 1987 et a été membre du conseil scientifique de la Commission des opérations de Bourse (devenue depuis l’autorité des marchés financiers).
Dans son article, il ne se situe ni comme un contempteur du néo libéralisme, ni comme un adversaire implacable du capitalisme (il n’en pense peut être pas moins, à noter que son dernier ouvrage publié l'a été avec Aglietta), mais comme un observateur qui constate que ce qu’il appelle le capitalisme patrimonial est arrivé en bout de course, et qu’il faut donc inventer une nouvelle régulation,
Il commence par rappeler que le
néo libéralisme s’est construit parce que le système précédent, celui des
trente glorieuses, était à bout de souffle. Après avoir conduit à
l’exceptionnelle prospérité des trente glorieuse et à une période sans aucune
crise bancaire, le régime fordien est entré en crise dans les années 70 avec
le phénomène de la stagflation, combinant inflation et croissance faible.
Il explique ensuite que si l’instauration
du néo libéralisme doit beaucoup à l’arrivée au pouvoir de Reagan et Thatcher,
c’est la politique monétaire menée par Paul Volcker à la tête de la Réserve fédérale
qui fonde le changement de mode de régulation, en se donnant comme priorité la
lutte contre l’inflation, ce qui se traduit par une forte montée des taux
d’intérêt, qui atteignent 20 % en juin 1981.
Cette politique change
radicalement le rapport de forces entre créanciers et débiteurs, aux dépens de
ces derniers. Ce sont désormais les marchés financiers qui contrôlent les
droits de propriété, qui imposent leur logique et leur politique. La
gouvernance d’entreprise change, les dirigeants basculent du coté des
actionnaires pour rechercher la « création de valeur pour
l’actionnaire », c’est à dire
l’augmentation de la valeur des actifs financiers. Ceux ci représentent en 2006
au niveau mondial 3.5 fois le PNB annuel contre 110 % en 1980.
La crise de 2008 prouve pour l’auteur qu’on est arrivé aux limites d’un système : l’expansion financière qui au début a participé à la croissance est devenu disproportionnée. Depuis 15 ans, aux USA, le marché financier ne finance plus le développement de l’économie mais les actionnaires. La rentabilité de 15 % exigée montre la démesure du marché. En 2007, le secteur financier s’approprie 40 % des profits totaux américains, contre 10 % en 1980.
L’économiste donne ainsi
plusieurs exemples des déséquilibres engendrés par le système, déséquilibres
qui ont débouché sur la crise actuelle. La croissance des dettes publiques et
la masse des liquidités à gérer ne peuvent qu’aboutir demain à une nouvelle
étape de la crise.
Une crise du capitalisme qui débouchera probablement comme les précédentes sur un nouveau modèle, mais lequel ? L’économiste ne se risque pas à le dire, au moins dans l’article. Ce qui me paraît sûr, c’est que cela ne passera pas par un retour au système précédent !
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