Le gouvernement a mis en chantier, à la suite du rapport du comité Balladur, une réforme des collectivités territoriales, dont le pouvoir a été notablement accru par les lois de décentralisation sous Mauroy puis sous Raffarin.
Les dossiers de Sciences Humaines consacrent deux pages au sujet, sous la plume d’un chercheur en sciences politiques, auteur du « pouvoir local en France », Stéphane Cadiou.
Sous le titre « Gouverner à l’ère de la décentralisation » il montre que l’imbrication des pouvoirs entre les différents niveaux de l’organisation territoriale oblige les élus à la coopération sur beaucoup de projets.
En effet, la reconnaissance d’une clause générale de compétences permet de fait à chaque niveau territorial d’intervenir sur la plupart des sujets qui concernent leur territoire, et les conduit donc à devoir se concerter avec les autres intervenants.
Cette situation explique en partie le cumul des mandats, mais aussi les modes de fonctionnement clientéliste au sein de chaque parti. Les jeux de pouvoir deviennent compliqués et l’auteur souligne dans son sous titre que l’obligation de coopération exacerbe de fait les rapports de force et les logiques de concurrence.
La réforme lancée par le gouvernement s’axe autour de la création d’un conseiller territorial, à la fois membre du conseil régional et du conseil général. L’auteur craint que cela ne génère qu’un peu plus de confusion et pense que de toute manière les membres du Parlement, presque tous élus locaux, « sont sans doute peu disposés à bousculer, voire réduire, leurs libertés acquises ».
Le diagnostic de l’auteur est malheureusement sans doute exact, et la gouvernance des collectivités territoriales risque de ne pas s’améliorer.Or, le rapport Pébereau a montré que le mille feuilles territorial coûte cher. De plus, il est devenu très lourd, l’exemple classique est qu’un maire n’a pas le temps en un seul mandat de 6 ans de décider de la construction d’une piscine et de l’inaugurer.
L’idéal serait qu’on supprime un voir deux niveaux territoriaux, ou qu’à défaut on spécialise chaque niveau, mais manifestement, on n’en prend pas le chemin.
Un exemple pour illustrer la lourdeur du système. Il peut exister des offices HLM au niveau municipal, intercommunal et départemental. La récente réforme de leur gouvernance les a doté à partir d’une certaine taille d’un conseil d’administration pléthorique de 27 administrateurs ( !).
Il faut constater aujourd’hui que beaucoup d’offices n’ont pas la taille critique d’une part pour avoir en leur sein les compétences dont elles ont besoin (juriste, directeur financier, DRH, spécialiste du patrimoine…) d’autre part pour fournir les capitaux nécessaires aux opérations immobilières de construction ou de rénovation énergétique. Le gouvernement les pousse à se regrouper, mais cette impulsion se heurte au mauvais vouloir des élus locaux qui veulent pouvoir écrire à leurs administrés qu’ils ont pu se voir attribuer un logement sur leur territoire (dans le même temps, on veut bien sûr que les commissions d’attribution statuent sur des critères impartiaux !)
Il faudra bien un jour, pour une simple question de moyens, simplifier tout cela : malheureusement, il semble qu’on n’y soit pas encore prêt ! Et malheureusement, dans l'affaire, les élus font passer leur intérêt personnel avant l'intérêt général; On retrouve ainsi la même déviance que celle qui était reprochée aux syndicalistes dans un article précédent du dossier de Sciences Humaines
Stéphane Cadiou a écrit « le Pouvoir local en France », en 2009
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