En 1959 André Malraux devenait ministre des affaires culturelles. Son action a été renforcée en 1981 par Jack Lang, à la tête d’un ministère dont le nom avait un peu changé. C’est qu’en France, la culture est affaire d’Etat et le budget qui y est consacré enjeu politique. Pour quels résultats ?
Les dossiers de Sciences Humaines donnent la parole sur ce sujet à une économiste, Sylvie Pflieger, qui a publié en 2009 un livre sur la politique culturelle.
Elle commence l’entretien en
expliquant la politique menée depuis 50 ans, avec ses deux objectifs affirmés
dès le départ par Malraux et poursuivis ensuite : rendre accessibles au
plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité et offrir aux artistes un
environnement favorable à l’émergence et à la création de nouvelles œuvres.
Elle montre que l’arrivée de Jack Lang a surtout conduit à élargir les champs
de la culture vers des domaines proches des loisirs, et à avancer l’idée que la
culture peut être source de création d’emplois.
Le bilan qu’elle fait est
mitigée : l’existence du ministère a permis une création artistique
vivante et il est difficile de savoir ce qui se serait passé sans lui. Mais la
place de la France, sur le marché de l’art ou dans les festivals de cinéma a
plutôt rétrogradé.
L’économiste met aussi l’accent
sur les limites d’une politique tournée vers la valeur esthétique de l’œuvre et
les satisfactions artistiques qu’elle crée. La tendance n’est plus aujourd’hui
à une culture bien délimitée dans son secteur, mais à créer des liens avec les
loisirs, l’éducation, l’économie…comme le montre l’exemple du design. La
politique culturelle est donc appelée à «s’alimenter d’autres objectifs que
l’art pour l’art ».
Le dossier fait aussi un zoom sur l’irruption du numérique et d’Internet dans les pratiques culturelles. Entre 1997 et 2008, le nombre de ménages possédant un ordinateur est passé de un à deux tiers des français et celui des accédants à Internet de 1 à 50 % !
Le responsable de ces enquêtes,
Olivier Donnat, montre que l’utilisation des équipements culturels (musées,
bibliothèques, théâtres etc.) est le fait d’une petite moitié des français
seulement. Il propose une typologie des comportements à partir d’une distinction des milieux socioculturels
(défavorisé, moyen et favorisé), des générations et du sexe. Il distingue
ainsi :
Ceux qui ont cumules tous les
modes d’accès : ce sont essentiellement les milieux favorisés, à
l’exception des plus âgés parmi eux
Ceux qui sont centrés sur la
télévision (plus de 4 heures par jour) à l’exclusion des autres médias :
ce sont les milieux défavorisés de plus de 45 ans
Ceux qui ont une « culture
d’écran » (plus de 5 heures par jour entre télévision et
ordinateur) : un monde essentiellement masculin (mais on trouve aussi les
jeunes filles de milieu défavorisé) de milieu social moyen ou défavorisé, à
l’exception des plus âgés.
Ceux qui combinent lecture et
télévision, les femmes des milieux et âges précédent
Ceux enfin, décalés et éparpillés
dans tous les milieux, âges et sexe, qui fréquentent plutôt des espaces
culturels, mais peu la télévision, l’ordinateur et les livres.
Ce qui est le plus frappant dans
cette typologie, c’est la distinction par sexe, avec cette culture d’écran
essentiellement masculine. On peut supposer que les contenus peuvent être très
variables, depuis ceux qui passent du temps à des jeux en ligne en passant par
les passionnés de Facebook et à ceux qui regardent des films sur Internet pour
arriver à ceux qui sont accros à leur forum préféré.
Et on peut se demander comment
cela va évoluer. L’accès à Internet étant récent, on peut imaginer que cette
culture d’écran va continuer à se développer.
On comprend à cette lecture que
les hommes continueront probablement à être largement dominants dans les
métiers de l’informatique !
Pour revenir sur les propos de
notre économiste, on rappellera que les grands espaces parisiens (Louvre, BNF,
Orsay, Beaubourg et Versailles) pèsent lourd dans le budget de la culture. Qui
les fréquentent, en dehors des touristes étrangers ? Sont ils vraiment des
leviers de démocratisation de la culture ? Où sont ils fréquentés de fait
par une catégorie intellectuelle, peut être assez large, mais évidemment
minoritaire ? Ce qui pose encore la question forcément difficile de la
démocratisation de la culture.
Je suis par tempérament assez méfiant vis à vis de ce financement d’artistes parfois autoproclamés et qui n’intéressent qu’une petite poignée de lecteurs de Télérama. Je préfère donc ne pas commenter plus loin cet article, je ne serais sans doute pas très objectif !
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