Peut on considérer les condamnés, y compris ceux qui ont commis les pires crimes, comme nos frères en humanité ? C’est finalement un peu la question que posait une ancienne aumônière de prison samedi lors d’une réunion à laquelle j’assistais.
La conférencière a présenté quelques exemples des détenus qu’elle a pu rencontrer dans son activité en prison : pédophiles incestueux, petits voyous ou grands criminels. Religieuse, elle a expliqué sa réticence au départ à accepter cette fonction alors qu’elle se sentait plutôt du coté des victimes, mais que la conviction que Jésus est venu pour les pêcheurs l’a emporté.
La
discussion a fait ressortir deux questions essentielles, pour le chrétien comme
pour le citoyen ordinaire
La première concerne cette idée
que le Dieu des chrétiens aime les criminels, même les plus endurcis.
L’évangile de ce dimanche 14 mars, celui du fils prodigue, renforce cette idée
puisqu’il s’ouvre sur le reproche fait par les pharisiens et les scribes à
Jésus « cet homme fait bon accueil aux pêcheurs et il mange avec
eux ».
Pour celui qui admet contre JJ
Rousseau que l’homme ne naît pas bon, mais avec la tentation du bien comme du
mal, il est possible de comprendre qu’en venant pour les pêcheurs, Jésus est
venu pour tous les hommes sans exception. Et il faut accepter de reconnaître
que nous avons en nous même des tentations de faire le mal.
Notre réaction de rejet des
criminels procède probablement à la fois de réactions saines venues du plus
profond de nous même, qui font que certains actes nous font horreur, ce qui
nous empêche de les faire, mais aussi de notre peur de cette part d’ombre
enfouie en nous même.
Reconnaître les criminels comme
nos frères en humanité, c’est aussi porter l’espoir qu’il est possible qu’ils
écoutent un jour la tentation du bien qui est aussi en eux.
La deuxième question a porté sur
le fait que les criminels ont choisi de l’être, comme l’a affirmé un
intervenant. Il est vrai, comme la conférencière l’a rappelé, que les condamnés
ont généralement été jugés comme responsables de leurs actes par un psychiatre
(sinon ils vont en asile psychiatrique).
Mais il est tout aussi vrai
qu’ils portent très généralement un très lourd passé, une enfance qui les a
démoli. La plupart (pas tous, notamment dans les délits sexuels) sont dans une
grave misère éducative, culturelle, affective et bien sûr économique.
Ce constat ne peut qu’inciter la société à tout faire pour réduire ces situations de misère. Se contenter de dire qu’ils ont choisi leur méfait, c’est se dédouaner des efforts à faire pour lutter contre cette misère.
Par contre, il est important de
reconnaître que cette liberté de choix existe encore aujourd’hui, que ces
condamnés peuvent changer. En sachant que pour cela, ils ont très généralement
besoin d’être accompagnés, ce qui nous renvoie à la manière dont nous gérons
nos prisons.
Pour finir, la conférencière nous
a lu le texte ci-dessous, que j’ai trouvé sur le site de l’association des
chrétiens pour l’abolition de la torture. Ce texte, écrit dans un camp de
concentration, sans doute par un juif, demande au Seigneur de ne pas juger les bourreaux sur le mal qu’ils
ont fait, mais de compter en leur faveur le bien fait par leurs victimes.
Paix à tous les hommes
Paix à tous les hommes de mauvaise volonté ! Que cessent toute vengeance et tout appel au châtiment. Les crimes dépassent toute mesure, il y a trop de martyrs...
Aussi, ne mesure pas
leurs souffrances au poids de ta justice, Seigneur, et ne laisse ces
souffrances à la charge des bourreaux, pour leur faire payer une terrible
facture. Que tout soit payé d’une autre manière.
Inscrits en faveur des
bourreaux, des délateurs, des traîtres et de tout homme de mauvaise volonté, le
courage et la force spirituelle des autres, leur humilité, leur dignité, leur
lutte intérieure constante et leur indicible espérance, le sourire qui étanche
leurs larmes, leur amour, leurs cœurs brisés qui demeurent fermes et confiants
à la mort même, oui, jusqu’aux moments de la plus extrême faiblesse...
Que tout cela soit
déposé devant Toi, ò Seigneur, pour le pardon des péchés, comme rançon pour le
triomphe de la justice. Que le bien soit compté, non le mal !
Et que les victimes restent dans le souvenir de ceux qui les persécutent, non comme un cauchemar, non comme des spectres attachés à leurs pas, mais comme des soutiens dans leur propre effort pour réduire la furie de leurs passions criminelles.
Nous ne demandons rien
de plus.
Et quand tout cela sera
fini, donne aux victimes de vivre, Seigneur, hommes parmi les hommes, et que la
paix revienne sur notre pauvre terre, paix pour tous les hommes de bonne
volonté et pour tous les autres
Cette prière a été trouvée dans les archives d’un camp de concentration en Allemagne
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