Dans ce monde où la corruption des valeurs morales étend chaque jour davantage son empire, les recommandations politiques faites par des scientifiques, experts économiques ou climatiques, peuvent elles être contredites par ceux qui n’ont pas leur expertise ?
Michel, dans un commentaire sur
mon article précédent, note que « Le GIEC a eu le Nobel de
la paix, mais pas celui de physique. Même si ses membres sont des scientifiques
sérieux, ce qui est demandé au GIEC n'est pas de la science, mais une expertise
scientifique sur un sujet précis. De plus, cette expertise doit être faite dans
l'urgence pour que des décisions politiques puissent être prises. Dans ces
conditions, les recommandations du GIEC ne peuvent être considérées comme des vérités
scientifiques. »
Un examen le plus objectif
possible de la réalité me parait un préalable indispensable à toute réflexion
sur les solutions : cela m’a souvent amené à pointer les biais
idéologiques de certaines analyses ou affirmations.
On peut, tout en acceptant les
données de l’analyse, ne pas adhérer au diagnostic, qui est une interprétation,
une mise en perspective de certains faits par rapport à d’autres. Mais surtout,
le diagnostic, s’il conduit à écarter certaines solutions manifestement inadaptées,
laisse généralement ouvert le champ d’un certain possible, à l’intérieur duquel
il n’implique pas telle solution plutôt qu’une autre.
Pour répondre à l’augmentation du nombre de personnes âgées, on peut augmenter l’âge de la retraite, mais on peut aussi diminuer les pensions ou augmenter les cotisations : l’expertise ne conduit pas à un choix obligatoire, elle peut juste aider à définir les contours de tel ou tel choix. Et surtout, elle limite les solutions parmi lesquelles choisir : l’augmentation du nombre de personnes âgées est un incontournable, à moins de recourir à l’euthanasie à grande échelle.
Il est toujours tentant de
couvrir ses choix de la légitimité de l’expertise. Si on reprend les termes de
Michel, de faire croire que les recommandations ont le même statut que le
diagnostic, ce qui n’enlève rien à la qualité qu’elles peuvent avoir.
Une de mes collègues me disait
ainsi que son père, psychiatre, avait renoncé à réaliser des expertises
judiciaires, d’une part parce qu’on ne lui laissait pas les moyens réels en
temps pour le faire, d’autre part et surtout car les décideurs se contentaient
de se ranger à son avis, déplaçant la responsabilité de la décision. On
comprend cependant qu’il est difficile quand on n’est pas spécialiste de juger
d’une expertise psychiatrique.
Le président Giscard, en
présentant Raymond Barre comme le meilleur économiste de France, voulait faire
croire que ses choix étaient techniques et non politiques. Il est vrai que cela
changeait de tous les responsables politiques prêts à mettre en œuvre des politiques
que les économistes tenaient comme de vraiment mauvaises solutions !
Tout en dénigrant ce qu’ils appellent « la pensée unique », certains n’hésitent pas à essayer de se couvrir d’une légitimité scientifique pour soutenir leurs opinions.
Je me souviens ainsi d’une personne arguant de l’affirmation du « professeur machin » pour dire que les économistes disaient n’importe quoi. Le dit professeur enseignait une toute autre discipline, la citation de son titre n’était qu’un moyen de donner de la légitimité à des dires qui en manquaient cruellement. Le Monde Diplomatique use d’un procédé semblable en truffant ses articles de références souvent universitaires mais qui n’en sont pas moins très discutables !
Les écologistes ont aussi leur pensée unique et essaient de justifier des positions souvent extrêmement conservatrices dans un discours mélangeant appel à l’émotion et références scientifiques. Pourtant, là aussi, si l’examen sérieux de la réalité limite fortement le champ des possibles, il ne le réduit pas à une solution unique et incontournable.
Dit autrement et pour conclure, la politique ne peut ni refuser la science, ni s’en contenter.
Les commentaires récents