La RDA, Etat socialiste souhaitait établir le communisme comme norme pour la société et se définissait comme profondément antireligieux. La pensée de Karl Marx « La religion est l’opium du peuple » imprégnait le système étatique et l’univers mental des dirigeants. Ceux-ci avaient imaginé un système économique, dans lequel chacun verrait ses besoins comblés, où les inégalités seraient gommées, et où des organisations comme l’Eglise seraient superflues.
L’Eglise, qui par le passé avait malheureusement souvent soutenu les puissants, et exigé, au nom de la religion, l’obéissance des opprimés en les faisant patienter par l’espérance d’une vie après la mort, ne devait plus avoir aucune influence. Le peuple ne devrait plus jamais avoir besoin de cet opium. Ceci était la théorie de Marx.L’influence positive de l’Eglise, sa contribution à la culture et l’art, ainsi que ses mouvements progressistes étaient tout simplement ignorés.
Un mode de vie antireligieux fut imposé par la mise en place d’un tabou sur tous les apports religieux dans la vie publique. Même en cours d’histoire, on s’efforçait d’ignorer la grande influence de l’Eglise dans l’histoire du monde, de ne pas la nommer, ou même de laisser certains thèmes complètement de côté. L’Eglise fut bientôt forcée de se limiter à la stricte sphère privée.
Etre chrétien en RDA faisait de nous des marginaux. On ne pouvait vivre sa religion que dans le cadre de sa paroisse. Il n’y avait plus d’écoles privées religieuses. Seules quelques écoles maternelles subsistaient. Pour l’orientation à l’université, il était clair que le choix de certaines études, comme le droit, occasionnerait des conflits de conscience chez les chrétiens.
L’accession aux positions dirigeantes de tout le secteur public dépendait de l’appartenance au parti unique, le SED, et de l’adhésion au système politique. Mon oncle était directeur adjoint d’une VEB (entreprise d’Etat) d’appareils électroménagers. Il était en conflit constant avec le parti et l’appareil d’Etat qui intervenaient dans la gestion de l’entreprise.
Bien qu’il soit très compétent et alors qu’il aimait son travail et que, même avec une mauvaise situation économique son entreprise fonctionnait bien, il du quitter son travail au bout de cinq ans. Il avait été prévenu : il devait rejoindre le SED et s’éloigner de la religion chrétienne. La compétence professionnelle était secondaire dans ce système, la fidélité à la ligne du parti était décisive. Ingénieur diplômé en électronique , il se recycla donc dans … la boulangerie
Un autre exemple est celui de mon père. Il était professeur d’allemand et d’anglais dans une Oberschule (EOS, équivalent d’un lycée. Voir sur Wikipedia, le système scolaire est allemand) dans la zone frontalière touchant la RFA. Cette zone était un territoire de 5 km à l’intérieur de la RDA, et seuls les habitants de cette zone avaient le droit d’y pénétrer. Les entrées et les sorties de ce secteur étaient très étroitement surveillées par les forces gouvernementales. Aucune personne étrangère à cette zone ne pouvait y entrer, seules les familles proches (parents, enfants et frères et sœurs) des habitants pouvaient y pénétrer.
Une seconde zone fut par la suite définie à l’intérieur de ces 5km : elle s’étendait sur 500m à partir de la frontière. La famille proche avait le droit de venir sur présentation d’un laissez-passer, et les habitants de la zone des 5 km avaient aussi besoin d’une autorisation pour y pénétrer. Ils ne pouvaient y venir que s’ils avaient de la famille résidant dans ces 500m. Cette règle était aussi valable pour des allemands de l’Est voulant pénétrer dans la zone de 5 km.
Mon père était aussi lecteur à l’église pendant la messe. Plusieurs fois, le directeur de son école la convoqua pour lui demander d’arrêter de s’investir dans l’Eglise en raison de ses fonctions d’enseignant. C’est à la suite de ces fortes pressions qu’il abandonna l’enseignement. Cet exemple montre aussi que les cultes, comme toutes les activités sociales étaient surveillées, les participants espionnés et même persécutés.
Personnellement, j’ai fortement ressenti l’influence de la RDA lorsque j’avais 14 ans, et que je voulais entrer au lycée (EOS) après le collège (POS). Dans chaque classe, deux élèves pouvaient en général continuer leurs études au lycée. Le critère de choix de ces deux élèves était normalement le relevé de notes de la demi année précédente.
Or, chaque année était organisée une cérémonie de consécration de la jeunesse qui s’adressait à tous les jeunes de 14 ans. Au cours de cette cérémonie, chacun prêtait allégeance à l’état socialiste1. On comprend facilement que le fait de devoir prêter serment à un état qui rejetait et combattait la religion représentait pour nous, chrétiens, un conflit absolu.
J'ai donc refusé de participer à la Jugendweihe, qui était une condition essentielle pour accéder au lycée en RDA. Mon refus de participation m’a créé beaucoup d'ennuis.Soudain dans mon bulletin scolaire, sans que mon travail n’ait diminué, mes notes devinrent brusquement plus mauvaises que le semestre précédent dans trois matières (histoire, instruction civique, sport, matières enseignées par des enseignants fidèles à l’Etat). Le résultat fut que je n’avais plus la moyenne et je n’ai pas pu entrer au lycée. J’ai pu passer plus tard le bac en suivant des cours du soir.
Une conséquence de cette politique a été de renforcer la cohésion des chrétiens face à l’hostilité de l’Etat. Nous avions pour ainsi dire un adversaire commun et nous étions fiers de faire un peu de résistance, dans la limite de nos possibilités, tout en sachant que cela ne serait pas sans conséquences pour nous.
Steffi
Christof et Steffi habitent dans la banlieue de Berlin avec leurs trois enfants. Lui est ingénieur, elle est enseignante. Tous deux sont nés en Allemagne de l'Est en 1961 où ils ont vécus jusqu'en 1989. Catholiques engagés dans leur paroisse, ils nous racontent le quotidien de la vie en RDA dans sa grisaille du quotidien et la répression envers ceux qui ne sont pas dans la ligne officielle
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