Le Monde a publié dimanche dernier un portrait des catholiques de France qui montre que ce courant de pensée continue à reculer dans notre pays. La sur représentation des femmes et des retraités n’est pas une surprise, ni la préférence plus facilement donnée à la majorité actuelle par les catholiques que par les autres français. Plus surprenant est la place donnée aujourd’hui par les catholiques au Front National.
L’IFOP qui a réalisé le sondage, distingue l’ensemble des catholiques (c'est-à-dire ceux qui s’affirment comme tels) et ceux qu’elle appelle selon le cas les messalisants (c'est-à-dire qu’ils vont à la messe régulièrement, en général au moins une fois par mois dans ce genre de sondage) ou les pratiquants, terme que l’on gardera ci-dessous.
On s’aperçoit que les préférences partisanes des catholiques non pratiquants ne sont guère différentes de celles de l’ensemble de la population française. Ce n’est guère étonnant. En réalité, ces catholiques non pratiquants peuvent être extrêmement éloignés de l’Eglise et n’avoir qu’une idée très vague de la profession de foi chrétienne, comme ces fiancés se préparant à un mariage religieux et qui ne savaient pas que les chrétiens affirment que Jésus est Fils de Dieu. Ceux là baignent dans un monde extrêmement déchristianisé, où domine l’ignorance de ce qu’est le christianisme, à l’instar d’une de mes collègues de 40 ans qui m’a expliqué avoir découvert à l’occasion d’un enterrement que Pâques est le jour de la résurrection du Christ. Ces non pratiquants peuvent ne mettre les pieds dans une église que tous les 10 ans à l’occasion d’un baptême d’un mariage ou d’un enterrement, occasions où ils restent très externes à une cérémonie qu’ils ne comprennent généralement guère.
Les pratiquants occasionnels ou réguliers représentent environ un quart des catholiques, soit environ 15% de la population. Les messalisants ne représentent que 4 à 5% des français. Le sondage reprend l’ensemble des pratiquants occasionnels ou réguliers. Les catholiques sont plus souvent proches de l’UMP que l’ensemble des français (30.6% contre 25.1%) et c’est encore plus vrai pour les pratiquants qui se situent à 38.9%. Ce résultat est dans la ligne d’une tendance très ancienne qui veut que la religion soit un meilleur élément explicatif du vote que l’appartenance sociologique. On notera que ce n’est pas une particularité française : rappelons que l’Europe a été construite à droite par les chrétiens démocrates et à gauche par les sociaux démocrates.
L’extrême droite regroupe dans le sondage le Front National et les amis de Philippe de Villiers. Cet ensemble bénéficie de l’adhésion de 10.3% des français, 11.3% des catholiques non pratiquants et 13.8% des pratiquants. Ce résultat représente un changement profond, que le Monde situe à 2002 : avant cela, les catholiques pratiquants étaient moins favorables au Front National que le reste des français. Ce rejet du Front National s’appuyait sur de nombreuses déclarations des évêques français. Il était probablement une des raisons importantes de la volonté de l’UMP de ne pas faire alliance avec l’extrême droite (quand la gauche a une posture beaucoup plus ambiguë vis-à-vis de l’extrême gauche), les catholiques pratiquants occupant des places importantes au sein du mouvement, comme militants, cadres ou élus.
On sait qu’une aile intégriste des catholiques soutient le Front national ou Philippe de Villiers. Mais cette aile, très remuante, est en réalité très minoritaire, du moins en ce qui concerne le Front National. En général, le rejet du discours raciste du Front national est assez fort chez les catholiques les plus actifs dans les paroisses.
Le renversement de la tendance peut s’expliquer de plusieurs manières. D’abord par le regroupement du FN et des Villièristes, ces derniers étant plus acceptables par les chrétiens les plus traditionalistes. Ensuite par la baisse de l’adhésion au Front National, qui a peut être moins touché ceux des catholiques qui adhéraient à ce parti.
D’autres explications sont possibles, et notamment une attitude de repli de la part de certains catholiques qui peuvent avoir le sentiment qu’ils sont fortement et injustement dénigrés par la société, à l’image de ce que disent les médias de Benoît XVI. La peur de l’Islam, pour qui les médias ont une attitude ambiguë (rejet des manifestations intégristes mais respect de la religion dont le catholicisme ne bénéficie pas de la même manière aux yeux de certains) peut jouer un rôle : c’est certainement ce qu’a cru P De Villiers : à tort apparemment si on en juge sur ses derniers résultats.
En conclusion, le résultat du sondage concernant cette préférence politique m’étonne, car il ne correspond pas à ce que je peux voir autour de moi. Il m’inquiète encore plus. L’évolution possible des catholiques pratiquants pourrait contribuer à expliquer le choix sarkozyste d’une politique répressive vis-à-vis des délinquants et des étrangers.
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