Une véritable justice suppose que les règles soient les mêmes pour tout le monde, même si leur application peut tenir compte du contexte, pour éviter que la justice soit aveugle. Dans notre pays hélas, il arrive trop souvent que les pratiques policières ou judiciaires tiennent d’abord compte de l’origine des personnes aux dépens de ceux qui n’ont pas la peau bien blanche.
L’Open Sociéty, création de Georges Soros, a récemment publié un rapport qui constate dans plusieurs pays, dont la France, des profilages sur des critères ethniques ou communautaristes et alerte d’une part sur l’inefficacité de ces choix, d’autre part sur leurs conséquences néfastes sur la vie sociale dans le pays.
Le profilage consiste à rechercher les catégories dans lesquelles la caractéristique qui intéresse celui qui fait le profilage est plus présence. C’est une méthode classique de Marketing. Si je veux proposer un abonnement à Notre Temps, magazine qui s’adresse aux plus de 60 ans, je vais cibler en priorité les personnes qui portent un prénom très répandu chez les personnes de cet âge. Bien sûr avec cette technique, je vais tomber parfois chez des enfants de 10 ans et je vais rater des personnes âgées ayant un prénom plutôt porté par les générations suivantes. Mais je vais avoir dans ma cible une proportion de plus de 60 ans bien supérieures à celle de la population.
Dans le domaine de la sécurité, le profilage peut conduire à constater que la délinquance est plus importante chez les garçons que chez les filles et à contrôler davantage les premiers. La riposte à cette pratique a consisté à utiliser en priorité des filles, pour faire circuler des papiers à l’époque de la Résistance, ou pour faire passer de la drogue aujourd’hui.
La police française se comporte comme si elle pensait que ceux qui ont en apparence des origines arabes ou africaines, ceux qui sont jeunes, ceux qui sont habillés comme dans les « quartiers », étaient plus délinquants que les autres ce qui l’amène à les contrôler plus systématiquement, en faisant ainsi une catégorie discriminée et développant un sentiment d’exclusion.
Ce que montre l’étude de la fondation Soros, c’est que ces pratiques sont en plus inefficaces pour leur objet premier. Une étude sur les douanes le montre bien. Une pratique courante consiste en effet à contrôler le véhicule sur des critères de profilage classique (nationalité du conducteur, âge, etc. Les résultats sont assez peu convaincants. Une autre méthode a consisté à choisir les véhicules à contrôler selon le comportement du conducteur et des passagers. Le nombre de véhicules contrôlés a baissé mais le nombre de contrôles positifs a augmenté. D’autres exemples autour d’autres pratiques délinquantes ont donné le même résultat.
Une de mes nièces accompagnait dernièrement un groupe d’élèves pour assister à une audience dans la région parisienne. Vint un prévenu adulte, bien blanc et bien habillé. Il était accusé de conduite en état d’ivresse (pour la troisième fois) et d’insultes et crachats sur représentants de la force publique pendant sa garde à vue. Cela n’a pas empêché le procureur d’insister sur le fait qu’il était bien considéré dans son voisinage qu’il était installé comme propriétaire de son logement, qu’il n’était pas comme les prévenus qu’on rencontrait d’habitude pour conclure en demandant une simple amende. Qu’aurait il dit face à un jeune maghrébin ? Apparemment la présidente de la cour ne l’a pas suivi, allant jusqu’à le reprendre en public puis à donner une peine de prison avec sursis. Mais pour les jeunes de banlieue venus découvrir la justice au quotidien, quelle leçon ! Les choses seraient elles à ce point restées semblables à celles que décrivait La Fontaine dans « les animaux malades de la peste » ?
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