Les résultats d’Air France et leurs causes illustrent à merveille la crise qui secoue l’économie mondiale. Les mesures prises pour y faire face comme les derniers éléments de marché publiés dernièrement donnent aussi des indications sur ce qui va se passer dans notre pays sur les plans économiques et social.
Air France - KLM avait jusqu’à présent échappé aux pertes qui touchait de nombreuses autres compagnies aériennes. Les résultats de l’exercice qui se terminait au 31 mars de cette année sont cette fois ci négatifs, avec une perte de 814 millions d’euros, soit 3,4% du chiffres d’affaires, contre un bénéfice de 756 millions pour l’exercice précédent.
Le résultat du premier trimestre de l’année 2009 (et dernier de l’exercice) est particulièrement mauvais puisqu’il se situe à – 505 millions, soit 10 % du chiffre d’affaire, ce qui est considérable. Curieusement, il est moins mauvais que le résultat du premier trimestre 2008, où une perte de 534 millions avait été enregistrée.
Mais ces deux trimestres se ressemblent beaucoup moins que l’énoncé du montant des pertes pourrait le faire croire. Il y a un an, le déficit était directement lié au prix du kérosène : on e souvient que le baril est monté jusqu’à près de 150 $ à la mi 2008. Depuis, il a dégringolé pour être divisé par 3 par rapport à son plus haut. Les couvertures prises l’an passé font que la compagnie aérienne ne bénéficie pas encore complètement de cette baisse (elle espère économiser 1.9 milliards sur ce budget dans le prochain exercice !), mais la raison des pertes est ailleurs.
La crise a fait baisser nettement le trafic tant passager que fret. Cela se traduit dans le chiffre d’affaires, qui entre le premier trimestre de 2008 et celui de 2009, a baissé de 12,2%. Or une compagnie comme Air France a des coûts fixes importants, liés à l’achat (et donc l’amortissement) de ses avions et à ses effectifs. Une partie des coûts d’entretiens et d’achats divers varient avec le nombre de vols et de kilomètres parcourus. Les dépenses de carburants, qui représentent une part notable des coûts (22% au premier trimestre 2009) dépendent essentiellement du nombre de vols et de kilomètres, mais aussi de l’avion utilisé.
Les coûts pour un vol et un avion donné dépendent très peu du nombre de passagers : un bon taux de remplissage (qui a un impact direct sur les recettes) est donc un objectif économique majeur. Pour s’adapter, Air France a donc diminué son offre, de manière plus importante pour le fret que pour les passagers.
La deuxième adaptation consiste pour Air France a réduire son programme d’investissement : initialement prévu à 2.9 milliards pour l’exercice qui vient de démarrer, il a été réduit à 1.4 milliards, ce qui représente une baisse de plus de 50%. Toutes les entreprises n’ont pas pris des mesures aussi drastiques, cela dépend de leur santé et de leur secteur, mais on comprend à travers cet exemple pourquoi l’investissement diminue et par voir de conséquence l’activité industrielle. Les activités d’équipement sont particulièrement touchées, et EADS, maison mère d’Airbus a annoncé récemment une forte baisse de ses résultats.
Un autre adaptation porte sur les effectifs. La diminution de l’offre de vol diminue automatiquement les besoins en personnel naviguant. L’entreprise annonce ne pas vouloir procéder à des licenciements. L’entreprise a supprimé 2700 emplois et compte en supprimer encore 3000 cette année. Sur un effectif de 103 000 salariés, cela représente un peu plus de 2.5 %. Une entreprise comme Air France pratique de fait l’emploi à vie et a un turn-over quasiment nul en dehors des départs en retraite. Avec une pyramide des âges normale, une telle entreprise diminue ses effectifs d’un quarantième par an à peu près, soit 2.5% (puisque les salariés restent environ 40 ans dans l’entreprise).
Les effectifs diminuent donc moins vite que le chiffre d’affaires, ce qui entraîne une baisse de la productivité et une hausse des coûts par vol. Si la crise est durable, c’est un handicap par rapport aux compagnies qui auront ajusté plus vite leurs effectifs. Par contre, cela peut être positif pour le climat social (à condition que les salariés se rendent compte que ce choix politique a un coût). Si la crise est relativement courte, cela aidera Air France a profiter plus vite que ses concurrents de la reprise. Il n’est en effet pas si facile que cela de trouver un former le personnel nécessaire. C’est particulièrement vrai pour le personnel d’entretien des avions et les pilotes, pour qui il faut une longue formation technique.
On comprendra aussi qu’une telle politique sociale favorise ceux qui sont déjà là, et qui bénéficient de fait d’une garantie d’emploi, au détriment de ceux qui arrivent sur le marché du travail, qui doivent attendre la reprise de l’embauche.
Mais on notera aussi que la courbe des effectifs va être en décalage avec celle du chiffres d’affaires, à la baisse comme à la hausse. Les effectifs baissent aujourd’hui moins vite que le chiffres d’affaires. Quand celui ci se stabilisera, les effectifs continueront à baisser, probablement pendant plusieurs trimestres. Et l’embauche (donc la fin de la décroissance des effectifs) ne reprendra vraiment que quand la croissance de chiffres sera bien installée, c’est à dire quand elle aura déjà plusieurs trimestres et qu’elle apparaîtra vigoureuse et durable.
Appliqué à notre pays tout entier, cela signifie que si le PIB se stabilise disons au troisième trimestre 2009, et que la reprise commence début 2010 pour être vigoureuse au second semestre 2010, l’emploi pourrait ne se mettre à croître qu’à ce moment là, ce qui signifie que le chômage pourrait augmenter jusqu’à la fin 2010, avec bien sûr un rythme en diminution progressive.
On notera cependant que toutes les entreprises n’on pas les moyens d’Air Franvce pour supporter un sur effectif et que beaucoup s’adaptent rapidement en réduisant le personnel précaire et/ où un turn-over beaucoup plus fort que celui d’Air France.
Dernier point très important. La direction de l’entreprise note que la baisse du trafic, forte du 1er janvier au 15 mars, a pris fin. Ce qui ne signifie pas qu’il y a une reprise, mais que le trafic s’est stabilisé depuis 6 semaines, tant du coté du fret que des passagers.
Si le trafic aérien est un bon signe avancée de l’état de l’économie, cela signifierait que les fortes baisse de PIB sont maintenant derrière nous. Le rythme de la récession pourrait être nettement plus faible dans notre pays au deuxième et au troisième trimestre 2009 qu’il ne l’a été au dernier trimestre 2008 et au premier trimestre 2009, trimestres à vrai dire assez terribles.
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