La lecture il y a quelques jours du blog d’Eolas rebondit sur une discussion fraternelle du week-end à propos du positionnement des blogs en général et du mien en particulier : faut il différencier les articles (ou les blogueurs) qui expriment une opinion et ceux qui restent dans l’expertise, ou, comme le prétend un lecteur d’Eolas(le commentaire n°9), le recours à la technique cache t-il mal un jugement en réalité politique ?
En théorie, on peut distinguer le journalisme d’information voire d’investigation et le journalisme d’opinion, un journal pouvant utiliser les deux mais distinguant les articles d’exposé des faits et les éditoriaux reflétant le point de vue du journal. On sait bien sûr que le choix des sujets et de ce qu’on y expose n’est jamais neutre, mais on peut utiliser des méthodes de recherches d’information et d’exposé des faits qui tendent vers l’objectivité et font l’effort de ne pas déformer la réalité.
Mais laissons les journalistes à leur déontologie et à leur difficultés à l’appliquer et intéressons nous aux blogueurs ou plutôt à quelques blogueurs que je lis, par exemple ceux de Lieu Commun ou ceux de ma blog liste.
Parmi ceux-ci, il y en a qui ont clairement un positionnement d’éditorialiste, qui délivrent effectivement une opinion, ce qui ne les empêchent pas de faire appel à la raison et de s’efforcer d’analyser lucidement la situation. Il me semble qu’on peut ranger Koz, Versac (maintenant Meilcour), Authueil, Radical chic ou Hughes dans cette catégorie.
A contrario, il y a des blogueurs qui se situent clairement dans le camp de l’expertise, qu’elle soit juridique ou économique. C’est le cas d’Econoclaste ou Mafeco en économie, de Frédéric Rolin ou Eolas en droit. Ce qui ne les empêche pas de défendre une opinion dans le cadre de cette expertise.
On peut cependant identifier des articles dont le but est purement explicatif (par exemple pour expliquer comment se déroule une audience ou le rôle du juge d’instruction) et d’autres clairement engagées, comme la lettre d’Eolas à Gilles de Robien dans l’affaire Garfield.
Dans le cas que j’évoquais au début de ce billet, Eolas reprochait à un ministre (en l’occurrence celui de l’immigration Eric Besson) de mentir sur un sujet juridique. Au lieu de contester le fond de l’article, un lecteur accusait Eolas de cacher son positionnement politique derrière la technique juridique. Selon ce lecteur « la technique est secondaire, elle est au service de la politique ».
C’est avec ce genre d’argument qu’on fait du politiquement correct et qu’on déforme les faits pour qu’ils vous arrangent. Comprendre ce qui se passe restreint certes les choix politiques (cela ne conduit effectivement pas à faire n’importe quoi !) mais cela n’empêche pas de choisir des priorités. Contrairement à ce que pensent les théoriciens de la pensée unique, il y a par exemple plusieurs choix possibles en économie, compatibles avec ce que l’histoire et l’analyse du passé nous ont appris dans ce domaine. Mais il reste que l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest, de même que les 2 Corées, ont montré qu’une des deux politiques menées avait des résultats radicalement plus défavorables que l’autre. Faut il l’oublier sous prétexte de mettre la technique au service de la politique ?
Contrairement à ce qu’affirme son contradicteur, Eolas n’a pas un positionnement politique partisan, au sens où il l’entend, c’est- à dire en l’occurrence à gauche (mais d’autres l’accusent d’être de droite). Cela ne l’empêche pas d’avoir défendu farouchement le oui à la constitution en 2005 et d’écrire qu’on ne peut pas à la fois défendre l’Etat de droit et considérer qu’il y a des lois qu’on ne respecte pas parce qu’elles ne sont pas bonnes. Ces positions fondamentalement politiques (mais pas dans le sens partisan habituel) ne l’ont pas empêché d’écrire début 2007 qu’on pouvait voter légitimement pour N Sarkozy, S Royal ou F Bayrou.
Choisir de regarder la réalité en face est aussi un choix politique, mais celui-ci ne me dit pas s’il faut voter pour la gauche ou la droite. Je considère que tenter d’expliquer sur ce blog ce que je comprends des phénomènes économiques, politiques et sociaux, en acceptant la contradiction sur le fond, est uni choix politique, celui de la démocratie, car donner aux citoyens les moyens de comprendre le monde, c’est bien contribuer au bon fonctionnement de la démocratie.
Pour ces raisons, il peut m’arriver de tire des conclusions de ce que j’expose, comme il peut m’arriver de ne pas le faire, laissant le lecteur tirer ses propres conclusions. Il m’arrive aussi, et je le ferais sans doute encore, d’exposer et défendre mes choix. Ce sont des choix, qui peuvent s’appuyer sur une analyse technique mais ne sont pas justifiés par elle. Pour reprendre une remarque de mon frère s’agaçant que je présente régulièrement Christian Blanc comme détenteur de la Vérité, il s’agit là d’un choix. S’il repose sur quelques réussites incontestables du personnage, elles s’appuient aussi sur des proximités de convictions, par exemple dans le domaine de l’organisation et de la conduite du changement.
Et pour être complètement honnête avec mon lecteur, j’essaierai prochainement d’exprimer mes convictions profondes, que je ne pense pas avoir cachées mais que j’ai sans doute exposées au hasard d’un article et non pas de manière construite.
Les commentaires récents