L’accord intervenu en Guadeloupe est il viable ? C’est la question qu’ l’on peut se poser à partir des informations parcellaires sur son contenu que l’on peut lire dans la presse métropolitaine. L’impact des décisions dépend évidemment de la situation économique de la zone, sans doute assez atypique
Précisons avant d’aller plus loin que le problème n’est pas en soi l’augmentation des salaires mais le montant élevé de cette augmentation sur une très courte période. Dans une économie dynamique, qui réalise des progrès de productivité, la répartition des gains se fait dans le temps sous de multiples modalités, y compris la grève (les plus favorables aux salariés étant souvent les tensions sur leur marché du travail) et notamment la répartition capital/ salaire varie assez peu autour d’une moyenne. Ici, il est question d’une évolution brutale.
Dans l’hypothèse la plus optimiste, la forte revalorisation des bas salaires et les mesures de baisse de prix vont réduire les détournements réalisés par une poignée de « profiteurs ». La consommation étant stimulée par l’augmentation du pouvoir d’achat, beaucoup de petites entreprises vont voire croître leur chiffre d’affaires et l’économie sera gagnante dans son ensemble. Un scénario keynésien en quelques sortes, qui repose sur l’hypothèse d’une situation déséquilibrée actuellement par la puissance de quelques patrons. A vrai dire, l’enquête réalisée par Le Monde il y a quelques semaines sur les « békés » montrait surtout des petits entrepreneurs très actifs. Quelle est la réalité ?
Deuxième hypothèse, s’appuyant sur les discours sur le manque de concurrence sur l’Ile : celle-ci permettra aux entrepreneurs de répercuter la hausse des salaires sur les prix. L’accord générera « simplement » une forte inflation qui avantagera ceux qui ont des crédits sur le dos et spoliera ceux qui ont de l’argent à la caisse d’épargne. Évidemment, cette inflation accentuera le manque de compétitivité externe des produits locaux. Normalement, cela devrait déboucher sur une dévaluation (comme après mais 68 ou mai 81) mais le rattachement à la France ne le permet pas. C’est la capacité de croissance à moyen terme qui sera affectée.
Troisième hypothèse, c’est en fait la métropole qui paye : les habitants auront réussi à détourner vers eux une part plus grande de l’argent public. L’augmentation est artificielle mais elle peut être durable. Évidemment, la Guadeloupe devient de moins en moins capable d’avoir un développement autonome.
Quatrième hypothèse, les augmentations de salaire sont supportés par les entreprises. Celles-ci voient leur capacité de résister et d’investir diminuer ; A terme, ce sont les emplois qui diminuent, en particulier les moins qualifiés, puisque ce sont ceux là dont le salaire a augmenté le plus vite en proportion ; C’est le scénario de ce qui s’est passé en France dans les années 75/85, jusqu’à ce que le plan Delors Mauroy remette les pendules à l’heure. Cela avait coûté 1.5 millions de chômeurs à notre pays, dont l’économie en 1995 était sans doute plus solide que celle de la Guadeloupe….
Il est probable que la réalité sera un mélange des quatre hypothèses décrites plus haut, selon des proportions qu’on ne peut estimer qu’à partir du contenu précis de l'accord et de la situation économique locale. Mais on ne le saura qu’à terme. Et il sera alors toujours possible d’accuser Pierre Paul ou Jacques…
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