Alors que le nombre de logements en construction ne cessait d’augmenter depuis 10 ans, le marché s’est brutalement retourné, la crise financière accélérant une tendance déjà présente. Et pourtant, il y a toujours un manque de logements, notamment dans la région parisienne.
Le Parti Socialiste, qui voulait porter à 120 000 le nombre annuels de construction de logement sociaux, propose maintenant d’en construire 300 000 dans les deux ans, pour à la fois répondre à un besoin social et contribuer à la relance économique. Il faut resituer cette proposition dans le contexte global de construction
Après être monté jusqu’à 500 000 logements dans les années 70, le rythme de construction annuel n’a cessé de baisser, passant sous la barre des 300 000 dans les années 90, avant de repartir au début des années 2000.
En pratique, la forte baisse des taux d’intérêts à la fin des années 90 a permis aux ménages d’emprunter de plus fortes sommes pour un même niveau de paiements annuels. Ils ont donc acheté plus, ce qui a fait monter les prix de l’ancien. L’indice des prix est ainsi passé de 85 à 100 entre fin 1998 et fin 2000, pour continuer à augmenter très fortement ensuite : 133 en fin 2003 et 207 fin 2007, soit plus qu’un doublement en 7 ans.
Le logement ancien devenant cher, il est redevenu rentable de construire. Le nombre de logements commencés dans l’année est ainsi passé de 302 637 en 2002 à 426 520 en 2007, l’essentiel de la croissance s’étant faite sur les premières années. Ce mouvement s'est arrêté en 2008, avec 358 329 logements commencés seulement, le dernier chiffre mensuel (décembre) étant le plus bas depuis avril 2001.
Cette augmentation de la construction a entraîné de fortes tensions sur le marché du travail, les emplois qualifiés du BTP étant ceux qui connaissaient les plus grandes difficultés de recrutement. Curieusement, l’impact sur les salaires de base ouvrier est assez faible : depuis 2000, ils augmentent dans la construction d’environ 0.5% plus vite que dans la moyenne de l’ensemble des secteurs. Il est vrai que la tension ne porte pas sur les manœuvres non qualifiés mais sur les ouvriers qualifiés, ainsi que les techniciens et cadres.
L’augmentation des prix de la main d’œuvre n’est donc pas la seule raison de l’augmentation des prix à la construction. Celle-ci est pourtant forte :depuis 5 ans, elle est de 32% quand l’indice des prix globaux n’a augmenté que de 10% ! Il est vrai que la construction a subi l’impact de l’évolution des prix sidérurgiques, et des matières premières en général.
La construction de logements sociaux a participé au mouvement général d’augmentation, avec notamment la loi SRU qui oblige les communes à avoir au moins 20% de logements sociaux et surtout avec la loi Borloo sur la ville et le financement des opérations ANRU de rénovation urbaine.
Pour 2008, le gouvernement annonce 102 000 logements financés. Et il veut engager un programme de 100 000 logements sociaux supplémentaires pour 2009 et 2010, avec l’objectif d’engager les travaux le plus tôt possible, dans le cadre de son plan de relance.
Il n’est pas sur que les chiffres annoncés par le gouvernement et par le PS correspondent. Tout dépend en effet de la manière d’intégrer ou non les programmes dits intermédiaires ou le programme exceptionnel d’acquisition en vente en état futur d’achèvement (VEFA) à des promoteurs. C’est ainsi qu’un bon connaisseur du sujet m’annonçait il y a quelques jours que le mouvement HLM avait un programme de construction de 79 000 logements pour 2008 et qu’il ne l’avait pas atteint.
Trois freins peuvent en effet se produire quand un organisme HLM veut construire : le financement bien sûr, le foncier et les fournisseurs.
Les programmes ANRU ont assuré un volume important de financement et le plan de relance va dans le même sens. Mais la forte augmentation des prix à la construction peut rendre irréaliste un projet à priori financé.
Deuxième difficulté, le foncier, en particulier dans la région parisienne. Au moins dans la petite couronne, il n’est plus guère possible de construire en dehors d’opérations de rénovation, c'est-à-dire avec des destructions. Par nature, ces opérations prennent du temps.
Troisième difficulté, les fournisseurs. La tension sur le marché était telle ces derniers temps qu’il n’était pas rare d’avoir des appels d’offres infructueux, les entreprises de bâtiment ayant un carnet de commandes trop chargé pour répondre aux appels d’offres des organismes d’HLM, ou du moins au prix attendu.
Le retournement de conjoncture a modifié les freins un et trois. Deux directeurs d’organismes HLM avec qui je discutais récemment du sujet me disaient l’un qu’il n’avait plus d’appel d’offres infructueux, l’autre que les prix offerts étaient en baisse de 10 à 15%..On notera que ce dernier phénomène peut s’expliquer en partie par la baisse des prix des produits intermédiaires.
Ces organismes bénéficient aussi de l’arrivée sur le marché du travail de spécialistes de la construction et de la gestion de programmes immobiliers, qui quittent les promoteurs privés dont la charge de travail a baissé. Il y avait là aussi un frein important à l’effort de construction sociale
Bref, les moyens pour augmenter la construction de logements sociaux sont là, ce qui ne veut pas dire que cela ira très vite (il faut du temps pour préparer et lancer un programme) ni que l’augmentation sera importante. Dans ce domaine, l’objectif proposé par le PS (300 000 logements sur 2 ans) ne me parait guère atteignable. Le même responsable estimait probable que le mouvement HLM atteigne cette fois l'objectif de 79 000 logements par an.
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