Les Français ne comprennent pas ce qui se passe aujourd’hui dans un monde économique qui leur semble fonctionner de manière aussi illogique qu’illégitime. Au-delà des difficultés sociales, le risque de crise sociale souligné par les observateurs provient probablement encore plus de cette incompréhension et des inquiétudes et de la colère qu’elle génère.
Faute d’avoir aidé ses concitoyens à mieux comprendre ce qui se passe, Nicolas Sarkozy n’a guère convaincu lors de son dernier passage à la télévision.
Il est vrai que ce qui se passe n’est pas simple et qu’il est difficile, même pour ceux qui ont quelques notions d’économie, de comprendre la crise.
Alors, à défaut de donner une explication d’ensemble, examinons les événements à travers quelques mots clés comme déséquilibre, bulle, confiance, déstockage, relance.
Les déséquilibres entre les revenus et les dépenses de certains pays ou de certaines personnes sont patents. Mais ce n’est pas forcément une anomalie, les excédents des uns compensant les déficits des autres. La Chine prête de l’argent aux USA pour que les américains puissent lui acheter ses produits, ceux qui épargnent prêtent de l’argent à ceux qui empruntent pour consommer.
Les banques ont pour métier d’être des intermédiaires entre ceux qui ont de l’argent à placer et ceux qui ont besoin d’emprunter. La bourse joue le même rôle en mettant en relations ceux qui ont des capitaux à apporter ou à prêter et ceux qui en ont besoin, entre ceux qui ont des biens mobiliers ou des créances à vendre ou à acheter. C’est la fluidité apportée par ces acteurs qui permet de faire fonctionner une économie moderne. Mais on peut dire que la nécessité de l’échange date du paléolithique avec le spécialisation de ceux qui fabriquent les outils et que la nécessité de stocker des biens à consommer plus tard date de l’invention de l’agriculture au néolithique. Nous avons simplement sophistiqué les processus !
Le fait qu’une personne ou un pays soit en déficit ou en excédent n’est donc pas une anomalie. Cela peut durer très longtemps : le principe d’une retraite par capitalisation consiste à épargner pendant disons 40 ans, puis à consommer cette épargne le reste de sa vie. Cette situation ne peut cependant pas être éternelle. Il y a bien un moment où l’on doit rembourser sa créance, un moment où on dépense ses excédents.
Si on accumule les déficits, on peut finir par avoir une dette telle qu’il devient impossible de la rembourser : ce sont les mécanismes bien connus du sur endettement. Au-delà d’un certain niveau de dette, le risque de ne pas être capable de rembourser est tel que vous ne trouvez plus de créancier potentiel pour vous prêter de l’argent supplémentaire et que vos créanciers exigent le remboursement de ce que vous leur devez le plus vite possible.
Si j’ai un revenu de 2000 euros mensuels et que je dépense 2500 euros par mois, il faut que j’emprunte 500 euros par mois, généralement à des établissements bancaires. Si je le fais de temps à autre, qu’il y a des mois d’excédents et des mois de déficits (par exemple à cause des vacances ou d’achats particuliers), la possibilité d’emprunter me donne de la souplesse.
Mais il est possible que les 2500 euros représentent en réalité mes dépenses moyennes par mois. Si je continue ainsi pendant quelques années, mettons 4 ans, je vais me retrouver avec une dette de 24 000 euros, soit un an de mes revenus. Si ma banque refuse de me prêter plus et que les autres établissements font de même, je vais d’un seul coup devoir passer de 2500 euros de dépenses à 2000 euros, voire moins si la banque exige et obtient que je rembourse par exemple 200 euros par mois. On imagine assez bien la brutalité du processus.
Mais ce qui est vrai pour les particuliers l’est aussi dans le cas des pays. A un certain niveau d’endettement et de déficit, il n’est plus possible d’emprunter. Et donc, le pays qui empruntait régulièrement x % de son PIB, va devoir d’un seul coup réduire son train de vie extérieur du même montant, ce qui représente un effort considérable. Comme il doit trouver à toutes fins des capitaux à l’extérieur, il le fera à des taux d’intérêts élevés et sa monnaie sera dévaluée. Cette dévaluation va l’aider à vendre plus de produits à l’extérieur et poussera à acheter en interne plutôt qu’en externe, du moins pour les produits et services que le pays peut réaliser (allez produire du café en Norvège ou du pétrole dans le Massif central !). Mais elle va aussi mécaniquement accroître le poids de sa dette.
Dans ces situations difficiles pour un citoyen français, la Banque de France va réunir une commission de surendettement et convenir d’un étalement des remboursements susceptible de laisser des moyens au citoyen (qu’il ne doive pas rembourser 1500 euros par mois dans l’exemple précédent). Le rôle du FMI serra assez semblable pour les pays. Le FMI va prêter de l’argent au pays concerné, alors que plus personne ne veut le faire, lui permettant de continuer à fonctionner et de réduire son train de vie progressivement. Mais évidemment, ces prêts sont conditionnés à la réduction du train de vie ! Les exigences du FMI sont la conséquences des excès précédents.
A quel moment les déficits et les endettements sont ils excessifs ? C’est là que réside toute la difficulté : la ligne jaune n’est pas marquée. Et de fait elle dépend des situations. Normalement, les banques qui prêtent à un particulier ou à une entreprise définissent une limite.
La capacité de définir une limite au bon niveau est un des savoir faire du banquier pour limiter le risque qu’il a de ne pas être remboursé. Si l’emprunteur possède des biens, ces biens constituent une garantie de remboursement. La banque peux donc lui prêter plus. Elle risque toujours de ne pas être remboursée (et en plus sur une forte somme), par exemple si le bien en question (par exemple une maison) se révèle sur évalué (par exemple parce que l’usine de la région vient de fermer). Il vaut donc mieux pour la banque répartir les risques (selon les régions voire les pays) et encore mieux les partager avec d’autres (c’est comme cela qu’on invente les subprimes et la titrisation…).
Ce n’est pas plus facile pour les pays que pour les particuliers ou les entreprises. C’est pour cette raison que le traité de Maastricht prévoit une limite pour le déficit des organismes publics (fixée à 3% du PIB) et pour la dette de ces mêmes acteurs (fixée à 60% du PIB).
Le monde a connu depuis 30 ans plusieurs crises liées à des pays trop endettés : crise mexicaine, puis asiatique, puis russe. A chaque fois, des capitaux à court terme sont venus dans un pays, où ils ont permis de répondre à un besoin, mais où ils ont pu aussi faire monter artificiellement la bourse, attirant d’autres capitaux tout aussi volatils. Jusqu’au jour où le système a craqué. Du coup, les pays émergents sont devenus méfiants et cherchent à se constituer des réserves : se sont les pays les plus pauvres qui accumulent des richesses et qui prêtent aux pays riches pour que ceux-ci consomment plus ! Cette fois ci, c’est l’Estonie et l’Islande qui recevaient massivement des capitaux et vivaient sur un train de vie artificiel.
Il est probable que la hausse du prix du pétrole dans les deux chocs de 1974 et 1979 soit à l’origine de déséquilibres importants, les pétro monarchies (Arabie saoudite, Koweït, Norvège etc.) se trouvant à la tête de revenus dont ils n’avaient pas l’usage, et ce pour très longtemps.
Mais le principal déséquilibre durable est ailleurs et bien connu : entre la Chine et les USA, l’une, devenu atelier du monde, prêtant à l’autre pour qu’il continue à acheter. On se gardera cependant de se laisser obnubiler par les balances commerciales : les pays échangent certes des biens mais aussi des services. Si les allemands nous vendent plus de biens qu’ils ne nous en achètent puis viennent dépenser leurs euros sur la Cote d’Azur, le système peut rester équilibré.
Il était de notoriété publique que le niveau de déficit des USA (en % du PIB) aurait été inacceptable de manière durable pour tout autre pays. Il fallait que cela éclate un jour, il se trouve que cela s’est fait sous la forme de la crise des subprimes. Le problème est que si on a là l’explication essentielle (ce qui n’est pas forcément vrai), la relance des dépenses américaines est elle la solution ?
Il faudrait au contraire que les pays excédentaires (Chine, Japon ou Allemagne, mais aussi beaucoup de pays émergents) relancent leur consommation et que les pays déficitaires (USA, mais aussi un peu la France) relancent plutôt leurs investissements (ce qui est aussi une dépense dans un premier temps mais permet des recettes à terme).
A suivre !
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