Dans une conjoncture détestable parce que les acteurs de l’économie sont quasiment tous dans une posture de très grande prudence, la réussite d’un plan de relance tient autant sinon plus à son caractère convaincant ou non qu’aux mesures réellement mises en œuvre. De ce point de vue, le plan de relance annoncé le 4 décembre à Douai n’était pas simple car il devait répondre à des préoccupations contradictoires des différents acteurs.
Relancer l’économie, c’est trouver le moyen d’augmenter la consommation, l’investissement ou l’exportation. On comprendra bien que l’exportation ne dépend probablement pas de mesures conjoncturelles, du moins celles qui sont prises dans notre pays (nous allons profiter des plans de relance de nos voisins, comme ils vont profiter du notre).
Dans une opération de relance, un gouvernement est confronté à 3 difficultés principales.
Premièrement, il n’est pas suffisant de distribuer de l’argent pour qu’il soit dépensé : il peut en effet être épargné, si les consommateurs n’achètent pas par crainte de l’avenir et non par manque de moyens. Une solution consiste à cibler les distributions financières sur les plus pauvres, dont il est probable qu’ils n’épargneront pas. Alors que diminuer les impôts sur les plus grandes tranches risque de ne bénéficier qu’à la Bourse !
Dans ce domaine, le gouvernement a décidé de verser en mars 2009 une prime de 200 euros aux 3.8 millions de personnes éligibles aux minima sociaux. Cette dépense est donc très bien ciblée. Mais elle représente un montant assez faible puisque le total fait 760 millions d’euros soit seulement 3% du montant total affiché du plan. Si on y ajoute la prime à la casse pour les voitures (chiffrées à 220 millions) on arrive à peine à 4%. L’opposition considère que la mesure est très largement insuffisante, tant du point de vue social qu’économique.
La deuxième difficulté est de maintenir un caractère conjoncturel aux dépenses du plan de relance. Contrairement à ce que veulent croire certains, les principes keynésiens ne consistent pas à faire systématiquement du déficit, mais à augmenter les dépenses de l’Etat quand les autres acteurs ne veulent pas le faire. La conséquence, c’est qu’il faudra de nouveau diminuer les dépenses de l’Etat quand les autres acteurs se sont remis à dépenser. Dit autrement, il faut que les dépenses du plan de relance restent conjoncturelles. Il vaut mieux que l’Etat distribue une prime de Noël ou fasse des travaux que d’embaucher des fonctionnaires qu’il va garder 40 ans !
Cette contrainte explique sans doute pourquoi le gouvernement n’a que peu agi sur les revenus des ménages par de la distribution. Il a aussi cherché à agir pour favoriser l’investissement, ce qui correspond mieux à son analyse globale à long terme, selon laquelle notre pays souffre plus d’un problème d’offre que de demande.
La troisième difficulté consiste à agir vite, pour que la dépense supplémentaire se produise pendant la phase de récession et n’arrive pas après la bataille, quand la reprise est déjà là . C’est tout le problème des dépenses d’investissement.
Imaginons que pour renforcer le BTP, je décide de faire construire un TGV entre Bordeaux et Lyon (avec l’espoir de désenclaver le Massif Central par la même occasion). Le temps de faire les études, de faire les enquêtes d’utilité publiques, d’exproprier les propriétaires de terrain, et de lancer les appels d’offres, les grosses dépenses se produiront dans 5 ou 7 ans, avec un peu de chances au moment de la prochaine récession !
Il faut au contraire arriver à réaliser ces dépenses dans les tout prochains mois, au plus tard en tous les cas dans l’année 2009, mais avec une partie suffisamment conséquente dans le premier semestre. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement donne la priorité à des investissements déjà organisés mais gelés faute de financement et s’appuie sur toutes les structures publiques ou para publiques : collectivités territoriales et entreprises publiques. Malgré tout, il considère que les deux tiers des 10.5 milliards prévus seront dépensés en 2009. On peut donc penser que des dépenses plus importantes n’auraient guère changé l’effet de relance sur 2009 et risquaient d’arriver après la bataille (il n’est sans doute pas possible de limiter entièrement la dépense à 2009 : s’il faut 18 mois pour construire un hôpital, le choix de sa construction ne peut aboutir à une dépense concentrée sur un an !).
Tout ceci étant dit, le plan de relance gouvernemental n’est pas un plan de relance classique. C’est un plan qui reste basé sur l’analyse que la crise économique actuelle est d’abord une crise de liquidités. Cette crise, qui se traduit par la frilosité des banques à prêter de l’argent , affecte directement
les entreprises en général qui ont beaucoup de mal à obtenir les facilités de trésorerie dont elles bénéficiaient avant la crise,
l’automobile , les trois quarts des achats de neufs étant faits à crédit
et enfin le bâtiment, les banques devenant beaucoup plus exigeantes pour prêter à long terme (elles ont notamment baissé la durée maximale de prêt, repassée de 30 à 20 ans).
Cette analyse se traduit par trois lots de mesures complémentaires, ciblés sur les secteurs précédents
D’abord les entreprises : l’Etat compte rembourser ou payer par anticipation certaines sommes qu’il doit aux entreprises (crédit impôt recherche, crédit TVA etc.) pour un montant de 11.5 milliards ce qui allègera leur besoin de trésorerie. Ces mesures ne sont pas reproductibles et n’ont pas de conséquences budgétaires directes. Il s’agit simplement d’un changement de date de paiement dans la même année : elles coûteront en paiement d’intérêt pour probablement quelques centaines de millions
Ensuite l’automobile : le gouvernement renouvelle avec la prime à la casse les mesures connues en leur temps sous le nom de Balladurette et jupette, du nom des premiers ministres qui les ont mis en œuvre. Ces mesures avaient conduit à anticiper les achats et avaient conduit à un creux de vente pour les constructeurs dans la période qui a suivi leur fin. Le risque est ici plus faible : il ne s’agit pas de faire avancer les achats mais d’éviter qu’ils ne soient retardés par la crise. On peut cependant craindre une petite déprime du marché début 2010. La mesure est bien ciblée dans le temps puisqu’elle fait effet jusque fin 2009.
Enfin le bâtiment. Il est prévu d’une part de doubler le montant du prêt à taux zéro et d’autre part de faire construire 70 000 logements sociaux supplémentaires. Si l’idée parait bonne, il n’est pas sur que sa mise en œuvre soit simple et rapide : les organismes HLM n’ont pas forcément les moyens internes d’assurer rapidement un tel accroissement de leur activité. Et il y a toujours le problème du manque de foncier en région parisienne…
Deux remarques pour finir : il est prévu d’augmenter le montant de l’indemnisation du chômage partiel. C’est une bonne nouvelle pour les salariés concernés comme pour les commerçants des bassins concernés : les usines automobiles qui font du chômage technique ont généralement renoncé à l’essentiel de leurs intérimaires, ce qui affecte fortement l’environnement économique proche. Il est aussi prévu une aide à l’embauche des smicards dans les TPE. Je n’ai pas d’avis sur cette question mais je crains les effets pervers.
En conclusion, je trouve que ce plan est bien ciblé. Je ne sais pas s’il sera suffisant pour débloquer des situations. Son montant est en effet assez faible : pour certains le fait que l’impact sur le budget de l’Etat est limité est une bonne nouvelle pour d’autres c’est le contraire.
Rappelons deux autres événements qui ont un impact important : la baisse des taux décidée par la BCE (moins 0.75 d’un coup, du jamais vu) et la baisse du prix du baril.
La baisse des taux est favorable aux achats d’investissements, de la part des ménages comme des entreprises.
En 2007, les dépenses totales des ménages sont de 76.6 milliards pour l’énergie (hors électricité) et de 43.7 milliards pour les combustibles et carburants. L’augmentation du prix du baril jusqu’à près de 150 dollars en juillet était une sérieuse ponction sur leur pouvoir d’achat, cela a été souligné. La baisse de ce prix, passé aujourd’hui en dessous de 40 dollars , représente une aide à la consommation qui dépasse probablement largement les 10 milliards.
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