Vu de chez nous, les événements violents qui agitent la Grèce, sont difficiles à décrypter, et on compte donc sur les journalistes pour nous aider à comprendre. C’est faire là preuve de beaucoup d’idéalisme ou de naïveté, au moins pour ceux qui, comme moi, sont des lecteurs assidus du Monde.
On peut trouver au premier abord quelques ressemblances entre ce qui se passe ces jours ci à Athènes et ailleurs, et ce qui s’est passé il y a quelques temps chez nous du coté de Villiers le Bel. Dans les deux cas, une mort d’adolescent tué par des policiers déclenche des émeutes chez des jeunes qui haïssent la police d’une part, se vivent sans avenir possible d’autre part.
En deuxième approche, il y a de grosses différences. A Villiers le Bel, les deux jeunes concernés faisaient des âneries (rouler sans permis et sans casque) mais ne cherchaient noise à personne. Il se trouve que la voiture qui les a percuté était tenue par des policiers, mais il s’agissait bien d’un accident de circulation, comme il en arrive malheureusement tous les jours.
A Athènes, l’adolescent tué était en train d’attaquer avec d’autres jeunes un véhicule de police, à coup de pierres et d’autres projectiles. L’un des policiers est sorti et a tiré avec son arme de service.
La suite des événements est décrite dans les journaux : émeutes violentes un peu partout dans le pays (y compris dans les petites villes), menées par les étudiants, destruction massives de commerces de banques ou de voitures.
L’article du Monde de ce soir évoque ce qui se passe chez les étudiants, fatigués de combattre et / ou de manifester, réfugiés pour beaucoup dans les universités et à l’école polytechnique, divisés probablement entre ceux qui voudraient manifester pacifiquement et ceux qui veulent tout casser et préparent tranquillement mais en masse des cocktails Molotov.
L’article, et un gros titre en page 11 le souligne, explique que « des jeunes grecs parlent de guerre civile ».
Et c’est là qu’on trouve que le journal ne fait pas son travail. Raconter comment cela se passe, souligner que les jeunes sont fatigués et qu’il y a, derrière les foulards de protection contre les gaz lacrymogènes, des filles avec leurs boucles d’oreille et des garçons avec leur barbe, c’est bien pour la couleur locale, mais on aimerait bien comprendre pourquoi on en arrive là. Sauf à penser que quand de jeunes étudiants en sont çà préparer la guerre civile et à fabriquer des cocktails Molotov, tout est normal !
Le journaliste oublie t-il ce qu’est une guerre civile, ce que cela a pu donner avant-hier en Espagne ou hier en Yougoslavie et au Rwanda ? ou même en Grèce juste après la guerre ? Est-ce quelque chose qu’on peut éviter de traiter sérieusement quand on est un journal de référence ?
Il est vrai que l’article cite quelques données : les salaires de débutants à 650 euros, l’obligation pour cela de rester longtemps chez les parents, le manque de job, la faillite de l’etat , la corruption des politiques ; Mais est ce que cela vaut une guerre civile ? Qu’en est il exactement ?
Alors, regardons un peu de quoi on dispose.
Rappelons d’abord que la Grèce est depuis la chute des colonels en 1975, une démocratie parlementaire qui connaît l’alternance gauche droite. Et allons vite voire quelques chiffres. Sur Eurostat parce que ce pays fait comme nous partie de l'Union Européenne.
La Grèce à un PIB par habitant inférieur à la moyenne de l’UE, on s’en doutait. Mais la croissance y est plus forte que dans nos pays, même si elle n’est pas mirobolante. Depuis 10 ans, la croissance du PIB se situe environ 2% au dessus du notre, ce n’est pas si mal ! Le résultat se mesure sur le revenu par tête, mesuré en pouvoir d’achat (ce qui permet de tenir compte des niveaux de prix différents). En 1997, la Grèce se situait 15.2% en dessous de la moyenne de l’UE et 26% en dessous de la France. En 2007, elle se situe 2.9% en dessous de la moyenne et 12% en dessous de nous. Pas de quoi donc crier à la désespérance ;
L’Etat en faillite ? Oui, le niveau de la dette publique est très élevé et le déficit dépasse en permanence les limites de Maastricht. Mais cette dette se résorbe peu à peu, profitant des effets de la croissance : 111% du PIB en 1996, 94.8 % en 2008. Les choses sont donc en lente amélioration
Le chômage? Il est à un niveau supérieur à celui que nous connaissons mais il décroit régulièrement : 12% en 1999 et 8.3% en 2007. Il est vrai que le taux d’emploi des 15/64 ans, qui mesure souvent mieux la réalité, est plus faible que la moyenne de l’Euro : 61.4 contre 64.6 en France et 65.2 pour l’UE à 27. Mais il est en augmentation régulière, puisqu’il n’était que de 55% en 1996.
Tout cela n'a rien de fabuleux, mais a au moins l'avantage d'être plutôt dans une dynamique positive, d'amélioration lente mais réelle. En un mot, on n'est pas au Zimbabwe !
Alors ? Il reste deux réalités inquiétantes
D’abord le chômage des jeunes qui s'est situé longtemps près de 30%, même s'il a baissé à 22% en 2007. Soit plus même que dans notre pays. Mais on sait chez nous que ce chiffre reflète le fort taux de chômage des non qualifiés, les étudiants n’apparaissent pas dans le calcul. Qu’en est il en Grèce ?
Autre réalité, que la Grèce partage il est vrai avec des pays comme l’Allemagne ou l’Italie : une très faible natalité qui conduit à une pyramide d’âges en fort rétrécissement. La tranche des 0/4 ans est presque deux fois moins nombreuse que celle de 25/ 29 ans !
Voilà ce qu’on peut trouver en quelques clics sur Internet. Pour en savoir plus, il ne nous reste qu’à espérer que les journalistes se décident à faire leur travail !
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