Les deux candidates au poste de premier secrétaire du Parti Socialiste ont obtenu quasiment le même nombre de voix, ce qui ne facilitera normalement pas l’entente cordiale. Les reports de voix depuis le Congrès et entre les deux tours témoignent de la complexité des clivages internes
A priori, le partage quasiment égalitaire des suffrages ne facilitera pas la vie de la gagnante. Mais dans ce domaine, Ségolène Royal élue avec quelques voix d’avance aurait eu encore plus de mal : si les adhérents se sont partagés 50/50, le Conseil National du parti penche plus nettement pour Martine Aubry.
Le vote sur les personnes est loin d’avoir suivi le vote sur les motions : au premier tour, si l’on comprend assez bien que Ségolène Royal ait profité de l’appui de nouveaux votants et d’une partie non négligeable de ceux qui avaient voté pour la motion A, on comprend moins comment Benoît Hamon a pu augmenter son score de plusieurs points. Et on comprend encore moins comment les fidèles de ce dernier n’ont pu se reporter massivement sur Martine Aubry, comme il le leur a demandé.
Si cela prouve une nouvelle fois que nul n’est propriétaire de ses voix (et tant mieux), cela révèle aussi à quel point les motivations des adhérents peuvent être diverses. Notamment, tel ou tel qui a voté comme son secrétaire de section ou de département au moment du choix des motions, peut s’affranchir de cette « tutelle » (ou marque de confiance comme on voudra) au moment du vote sur un seul nom. C’est aussi cela la démocratie, mais cela ne facilité pas le travail des responsables !
Le score explique aussi pourquoi il n’y a pas eu de synthèse au congrès, les clivages traversant de nombreuses motions (y compris celle de S Royal probablement, mais les succès ont permis de les cacher, quand la défaite, en particulier de la motion A, révélait au contraire les lignes de fracture)
Je ne sais s’il faut se réjouir du résultat. Par certains cotés, c’est peut être ce que S Royal pouvait espérer de mieux : elle n’a pas les responsabilités mais elle gagne en crédibilité et elle garde toutes ses chances pour la présidentielle. A contrario, elle perd de très peu l’occasion de faire évoluer en profondeur le parti.
Dans tous les cas, elle a fait la preuve de sa capacité à rassembler et à organiser ses forces : si elle se représente en 2012, ce ne sera plus en amateur et avec des soutiens en nombre limité. On notera que le sexe de son adversaire lui empêchait de se poser en victime parce que femme mais que cela n’a pas contrarié une spectaculaire progression. Il semble cependant qu’elle ait trouvé une autre raison de se poser en victime, en mettant en avant des irrégularités.
Martine Aubry avait pour moi un avantage important sur Ségolène Royal : elle a eu une vraie vie professionnelle, contrairement à son adversaire qui n’a connu que les cabinets ministériels (ou élyséens) et les assemblées parlementaires. Ce n’est qu’après un long passage dans l’administration du Ministère du travail et un plus court à la DRH de Péchiney qu’elle a basculé à plein temps dans la politique. Il est vrai qu’elle a plus fréquenté les directions que le terrain.
Comme je l’ai déjà dit, Martine Aubry va s’appuyer sur une alliance hétéroclite où les anciens partisans du « non » à la constitution européenne seront majoritaires. Cela permettra sans doute d’occuper le terrain à gauche (cela n’est donc pas favorable à O Besancenot), même si comme je l’ai dit, cela risque de préparer de mauvaises surprises si le PS revient au pouvoir en 2012.
En contrepartie, cela pourrait laisser du champ libre à François Bayrou, dont les jeunes militants ressemblent comme des frères aux militants de Désirs d’Avenir. Mais le score obtenu par S Royal est suffisamment important pour que ses fans ne soient pas tentés d’aller voir du coté du Modem si la soupe y est meilleure.
Et si au final, le résultat était donc moins mauvais pour le Parti Socialiste qu’on ne le dit aujourd’hui ? Tout dépendra de la capacité de Martine Aubry à ne pas s’enfermer dans une attitude de citadelle assiégée mais au contraire à lancer une dynamique militante. On la connaît tenace mais capable de s’entêter dans un choix inadéquat (voir son attitude à propos de la Citadelle à Lille). On sait aussi que c’est tout sauf une cruche.
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