En écoutant hier le récit des Béatitudes, j’ai pensé à cette phrase de Marx : la religion est l’opium du peuple. Promettre le réconfort dans l’au-delà, dire aux pauvres que leur situation est meilleure que celle des riches, quoi de mieux pour empêcher les exploités de se révolter ?
Les résultats hasardeux du communisme, la part prise par l’église polonaise dans la chute du régime soviétique dans ce pays, ont rendu la phrase de Marx, comme d’autres de ses théories, moins à la mode. La question du sens des Béatitudes reste cependant posée.
Première remarque immédiate : le texte parle du bonheur, avec 9 phrases qui commencent par le mot « heureux ». Ce que le Dieu des Chrétiens propose aux humains, par la parole de Jésus, c’est le bonheur, c’est d’être heureux.
Mais la manière dont il le propose est paradoxale, puisque les heureux sont ceux qui sont pauvres, ceux qui pleurent, ou qui sont persécutés ! Ne vaut il mieux pas être riche et en bonne santé que pauvre et malade ?
Heureux
les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux
Je lisais il y a peu que sœur Emmanuelle, qui vient de décéder, avait trouvé la joie dans le complet dénuement qu’elle partageait avec les chiffonniers du Caire, au cœur des bidonvilles. Elle affirmait ainsi que le bonheur se trouvait là. Mais qu’a-t-elle fait ? Elle s’est empressée de construire des dispensaires, d’organiser des écoles pour les enfants, en un mot de lutter contre cette pauvreté qui pourtant devrait permettre d’accéder au Royaume de Dieu !
Pour mieux faire comprendre leurs
textes, les Evangélistes ont eu la bonne idée d’en faire 4. Le texte de Mathieu 5 3/12 ne nous parait
pas clair, allons voir son équivalent chez Luc 6 20/26. Celui-ci exprime 4
malédictions, l’inverse des béatitudes : malheur à vous, riches, car
vous avez votre consolation ! Malheur à vous qui êtes rassasiés, car vous
aurez faim !
Et si on faisait le même exercice sur les béatitudes de Mathieu ?
Ainsi la deuxième, heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés, pourrait donner
Malheureux ceux qui ont le cœur trop sec pour pleurer, pour être sensibles à la tristesse, pour s’émouvoir de ce qui est arrivé à un proche.
Et alors la première : malheureux ceux qui ont mis l’argent au cœur de leur vie, au point que cela les empêche de voir leur prochain
Ou la quatrième (heureux ceux qui ont faim et soif de justice) donnerait : malheureux ceux pour quoi la justice n’a aucune importance.
Oui, malheureux sont qui n’ont au final aucun sentiment humain, qui sont centrés sur leur seule et unique personne. Ils ne peuvent rencontrer Dieu, parce qu’ils sont incapables de rencontrer les autres humains. Mais en réalité, ils ont perdu toute humanité.
Oui heureux ceux qui, par leur humanité, sont capables d’émotion, sont capables de rencontrer en vérité les autres, sont pleinement partie prenante de l’humanité.
Les Béatitudes ne proposent pas un quelconque héroïsme, une soumission à l’ordre établi : elles affirment simplement que ce que Dieu nous promet, c’est que la clé du bonheur est de vivre pleinement notre humanité, y compris en faisant alliance avec Lui.
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