La crise économique et financière a relégué loin dans l’actualité la préparation du Congrès de Reims du Parti Socialiste. Pourtant celui-ci aura probablement un impact sur le choix de celui (ou celle) qui pourrait être élu président en 2012. N’ayant pas d’informations particulières sur les combats et la recomposition des courants, je me propose d’étudier ce qui est mis à la disposition de tout un chacun : le texte des motions soumises au vote.
Je ne me suis intéressé qu’aux 4 principales motions : la motion A menée par B Delanoë, la motion C avec B Hamon et la gauche du PS, la motion D menée par M Aubry avec l’aide des fabiusiens, la motion E menée par le maire de Lyon Gérard Collomb avec l’aide de Ségolène Royal.
Mon impression générale à la lecture était , qu’en dehors de la motion C la plus à gauche, les leaders socialistes avaient progressé par rapport à ce qu’ils disaient lors du congrès du Mans il y a 3 ans, quand la discussion portait sur la remise en cause de la loi Fillon de 2003, forcément anti-sociale. Mais le détail de la lecture, conduit a un jugement plus pondéré, avec une motion A en retrait sur la position de Hollande il y a 3 ans, et une motion D moins régressive que la motion fabiusienne d’alors.
La motion C avec
Benoît Hamon
Commençons donc par cette motion C de Benoît Hamon, motion qui accumule les à peu près et les contre vérités pour défendre des solutions indéfendables. Je cite :
Les retraites : de nouveaux financements plutôt que la
contribution croissante des salariés
La juste rétribution du travail passe aussi par le niveau des
pensions de retraite. Or le silence socialiste à ce sujet à été largement remarqué.
La réforme des retraites, imposée par la droite, aura pour effet
de réduire le pouvoir d’achat des futurs retraités. L’allongement de la durée
de cotisation se traduira par une baisse du niveau des pensions dès lors que
les entreprises font toujours partir leurs salariés à 58,5 ans, âge moyen de
départ à la retraite. Un nombre croissant de retraités ne touchera pas une
retraite à taux plein
Il est clair pour ceux qui regardent plus de 3 secondes la question qu’allonger les cotisations est un moyen d’éviter une baisse des pensions, au moment où la démographie débouche sur une augmentation sensible du nombre de personnes âgées et de leur part dans la population. L’argument de la baisse des pensions parce qu’on n’a pas cotisé suffisamment est doublement fallacieux : d’une part les trimestres de chômage sont validés pour le calcul de la retraite, d’autre part les salariés sont les premiers à vouloir anticiper leur départ : les entreprises n’ont pas à les forcer pour cela : voir ici
Les
socialistes doivent défendre sans ambiguïté le principe de la retraite par
répartition
L’un des intérêts de la loi Fillon de 2003, c’est qu’elle marque l’abandon de l’idée d’une partie de la droite de vouloir remplacer au moins partiellement la répartition par la capitalisation. La motion C fait semblant de ne pas le savoir
Le reste étant à l’avenant, passons aux choses sérieuses avec les 3 autres motions.
La motion D avec Martine
Aubry
Lors du congrès du Mans, les fabiusiens étaient vent debout contre la loi Fillon, et on y trouvait les idées suivantes :
Les français sont inquiets
pour leur retraites : va-t-on revenir à la situation des années 60, quand
retraite rimait avec pauvreté ? L’objectif est de soutenir le pouvoir
d’achat des retraités les plus modestes.
Abroger la
loi Fillon, pour ouvrir une négociation
Revaloriser
les petites retraites et revenir sur le critère des 25 années.
Mieux prendre en compte la pénibilité des emplois
Discuter un cadre général avec
les autres formations politiques et avec les syndicats, garantissant la
pérennité des retraites par répartition
Répondre au défi du vieillissement, et en particulier de la dépendance, en trouvant de nouvelles sources de financement ( à la place de la suppression d’un jour férié) auprès de l’Etat, des collectivités locales, des organismes de sécurité sociale, et d’allocations familiales, des mutuelles, des organismes collecteurs du 1% logement
Financer les besoins nouveaux par une cotisation assise sur tous les revenus
La Motion D ne parle plus d’abroger la loi Fillon (elle affirme au contraire que l’expérience est une chance pour la nation : arrêtons le gâchis qui consiste à écarter les seniors de l’entreprise), mais elle conserve l’idée de revaloriser les petites retraites. Elle propose essentiellement deux idées qui peuvent susciter l’étonnement.
Nous
demanderons aux partenaires sociaux de négocier l’obligation pour chaque
entreprise de proposer un bilan professionnel à tous les travailleurs âgés de
45 ans
Il se trouve que l’accord interprofessionnel de 2003 avait prévu cette mesure (un bilan de compétences plus exactement). Comme elle a été peu utilisée, les partenaires sociaux propose dans l’accord de début 2008 de mettre en place un système de bilan d’étape régulier, qui ne se rajouterait pas à la mesure précédente : les partenaires sociaux doivent se retrouver sur le sujet avant la fin de l’année. Mais les militants socialistes connaissent ils les accords interprofessionnels (M Aubry, certainement, mais a t-elle encore le temps pour cela ?).
Deuxième proposition :
une sur cotisation retraite temporaire pour les entreprises dont la proportion de salariés de plus de 50 ans est excessivement faible
Voilà les socialistes qui vont piquer les projets de N Sarkozy maintenant !
Motion A de
Bertrand Delanoë
Cela commence plutôt bien, après quelques mots sur le vieillissement :
Préserver nos régimes de retraite par répartition et garantir le
pouvoir d’achat des petites pensions peut impliquer,à terme,l’augmentation de
la durée de cotisation
Mais évidemment il faut des conditions :
, l’application
d’objectifs volontaristes, négociés avec les partenaires sociaux, sur l’emploi
des seniors,particulièrement faible en
France(38% contre 48% en Europe)
On
retrouve l’idée du gouvernement actuel. La condition suivante rejoint une
demande syndicale : la prise en considération des inégalités en terme d’espérance de
vie
Et le coup de grâce :
Ces
conditions ne sont à l’évidence pas remplies par les réformes successives
engagées par la droite depuis 2002. Nous devrons donc revenir sur ces décisions
injustes
Finalement, les socialistes n’ont toujours pas réussi à s’adapter au fait que c’est la droite, sous la pression de la CFDT, qui a mis en place la règle dite des carrières longues, qui permet à ceux quoi ont commencé le plus tôt de partir en retraite avant 60 ans. Et ils osent dire que c’est injuste !
Motion E de Gérard Collomb
La motion E reprend en fait la proposition de Thomas Piketty, qui permet de transformer un système à base corporatiste en un système universel. Elle annonce sa volonté de Réformer en le clarifiant le système de retraite pour faciliter la mobilité et les changements de statuts. Je n’ai pas étudié dans le détail cette solution, mais elle me parait de nature à réaliser un véritable progrès sans remettre en cause les réformes faites par la droite : une belle sortie par le haut !
Les motions socialistes sont sans doute le reflet d’une opinion publique qui sait bien qu’il fallait modifier les règles concernant les départs en retraite pour assurer leur financement, mais qui ne l’a pas vraiment accepter. La préférence pour la solution de facilité à court terme est renforcée par le poids important de la fonction publique au sein du Parti Socialiste
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