J’ai reçu hier un mail signé de Jacques Delors signalant qu’il considère que la Motion D pour le congrès de Reims est la meilleur. Je ne suis plus membre du Parti Socialiste depuis longtemps et je ne partage pas forcément cet avis mais j’apprécie beaucoup l’homme et je trouve son texte très beau, en particulier sur les valeurs
Pour résumer l’apport de Jacques Delors à notre pays, il faut rappeler trois périodes :
De 1969 à 1972, il est conseiller social auprès du premier ministre de l’époque, Jacques Chaban Delmas. Il est reconnu comme l’inspirateur de la loi sur la formation permanente en 1971
De 1981 à 1984, il est ministre de l’économie et des finances. Il mènera avec le premier ministre Pierre Mauroy, la politique dite de rigueur qui permettra d’arrêter la chute de l’emploi et mettra fin à l’inflation et aux dévaluations.
De 1985 à 1994, il est président de l’Union Européenne et mènera celle-ci notamment à la création de l’Euro
Si on analyse la motion D en fonction de ces apports on note
Une référence appuyée à la formation permanente (il est vrai que cela ne mange pas de pain pour une motion socialiste) :
permettre un accès effectif à
la formation professionnelle
Et plus loin :
Engager la montée en gamme de notre appareil productif par la recherche, l’éducation et la formation
Le souvenir de la politique de rigueur, qui a notamment permis (c’était indispensable) de rétablir au niveau historique la répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail, n’est guère à la mode chez les socialistes. Toutes les motions parlent d’un rééquilibrage nécessaire entre capital et travail, la motion C de B Hamon reprenant le slogan habituel d’Attac qui vise en fait la période 82/85 :
la valeur ajoutée consacrée à la rémunération du travail est
passée de 70% au début des années 1980 à moins de 60% aujourd’hui
La motion D présente les choses différemment
En France, au cours des trois dernières décennies, la part des dividendes dans le revenu national est passée de 2,3 % à près de 8 %.
Sur l’Europe, rappelons que la motion D réunit des « nonistes » et des « ouiistes ». La motion se situe cependant de manière ouvertement pro européenne, tout en proposant des évolutions que nos partenaires n e sont pas prêts à « acheter » comme la sempiternelle proposition de donner à la BCE des objectifs de croissance, proposition qu’il faudrait certainement revoir à la lumière de la crise actuelle.
Bref, il y a à boire et à manger dans cette motion pour un Jacques Delors, mais celui-ci ne pas l’a lu qu’avec les valeurs qu’il affiche. Il a aussi utilisée une autre valeur, belle aussi, qui s’appelle l’amour paternel et la confiance qu’il fait assez naturellement à sa fille. On ne peut le lui reprocher.
Je ne partage donc pas son avis sur la motion D, mais à vrai dire je ne suis guère enthousiasmé par les autres non plus, et je ne sais pas ce que je ferais si j’avais à choisir.
Tout ceci étant dit, place au texte de l’ancien Président le la commission européenne. Je trouve ce qui est dit sur les valeurs particulièrement intéressant.
Pour le congrès de l'espoir
Au point où en sont les choses, il est vital que les socialistes confrontent
leurs analyses et leurs projets soumis aux suffrages des militants.
L'ampleur de la crise rend plus nécessaire que jamais, en France, l'existence
d'une opposition unie, forte et capable de critiquer, de contre proposer et
parfois d'approuver les initiatives et actions du Gouvernement. C'est la
condition pour que le Parti socialiste soit à nouveau investi par l'élection
nationale et en mesure d'exercer un pouvoir juste et efficace, au service de la
France et de tous les Français.
Il s'agit, en premier lieu, de réaffirmer et de faire vivre les valeurs qui ont
fait, depuis la Dernière Guerre, les succès des mouvements social-démocrate et
socialiste, en Europe comme en France. Pour moi, ce sont la liberté, la
solidarité, la responsabilité personnelle et collective, le vouloir vivre
ensemble, le respect de l'autre.
Certes, le plus difficile est de traduire, aujourd'hui, ces valeurs dans des
politiques qui répondent aux multiples défis adressés à la France et à l'Europe
: démographiques, technologiques, écologiques, économiques et sociaux. Des
politiques qui surmontent les obstacles dressés par un individualisme exacerbé
ou par la revendication d'une société à risque zéro.
La France n'y arrivera pas si elle succombe aux attraits du populisme ou aux
illusions de la gesticulation médiatique.
Bien sûr, elle doit s'adapter, mais dans le respect du meilleur de ses
traditions. Son succès est lié à une relance de l'Europe afin que nous
puissions, nous les européens, défendre nos intérêts légitimes, agir au service
de la paix et du développement durable pour tous. Et, dans le même temps, faire
avancer, pas à pas, les régulations indispensables à l'échelle mondiale.
Puis-je rappeler, en passant, que j'avais, à cette fin, proposé dès 1993 la
création d'un Conseil de Sécurité Economique auprès de l'ONU.
L'Europe et la France, ce n'est pas seulement cet idéal d'union dans la
richesse de nos diversités. C'est aussi la voie incontournable pour affirmer
nos identités, notre patrimoine, notre souci d'équilibre entre l'individu et la
société. La France qui réussit, qui influence, c'est la France qui, non
seulement prend des initiatives, mais utilise les armes du dialogue, de
l'écoute des autres, de la persuasion, du compromis dynamique.
Malheureusement, les socialistes n'ont pas, ces dernières années, pesé
suffisamment sur le sort de la construction européenne. Ils se sont divisés
lors du référendum de 2005. D'où des rancours -tenaces ou opportunes selon les
cas- qu'il faut absolument surmonter pour retrouver tous ensemble les
fondamentaux d'une politique européenne ambitieuse. Ce fut possible et
productif durant les présidences de François Mitterrand.
C'est au regard de ces réflexions que j'ai lu avec attention et intérêt les
différentes motions proposées au Congrès de Reims.
La motion D est celle qui répond le mieux à ces orientations et qui, bien plus
encore, ranime mon espoir dans un avenir meilleur et fraternel.
Jacques DELORS
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