Une source sûre m’informe du souhait du ministère du travail de mettre fin au délit d’entrave, enlevant ainsi tout moyen pour les organisations syndicales d’obliger les patrons à respecter les lois les concernant, que ce soit dans la constitution, l’élection ou le fonctionnement des instances représentatives.
L’article L 483 I du Code du travail définit le délit et les peines encourues :
Toute entrave apportée, soit à la constitution d'un comité d'entreprise, d'un comité d'établissement ou d'un comité central d'entreprise, soit à la libre désignation de leurs membres, soit à leur fonctionnement régulier, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 433-13, L. 436-1 à L. 436-3 et des textes réglementaires pris pour leur application, sera punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement.
Cet article permet aux organisations syndicales et aux élus du personnel de faire appliquer la loi. Elles sont aussi utilisées pour essayer de bloquer ou différer des projets de la direction jugés néfastes pour les salariés, par exemple des projets de PSE.
Un très bon connaisseur des questions sociales à qui je parlais des projets gouvernementaux n’en était pas étonné et trouvé l’information conforme à la volonté affichée par Nicolas Sarkozy de ne plus laisser les patrons, seuls porteurs comme chacun sait de la vitalité économique du pays, risquer des condamnations du fait de leur activité professionnelle (je ne sais pas si cela va jusqu’au droit de dépasser les limitations de vitesse, puisque certains élus du peuple pensent qu’elles ne sont pas pour eux !) .
L’utilisation juridique du délit d’entrave permet tous les jours à des inspecteurs du travail ou à des représentants du personnel de faire respecter la loi, face à des patrons parfois ayant simplement fait une erreur, parfois ignorants, parfois de très mauvaise foi et faisant la chasse aux syndicalistes.
Il y a bien sûr aussi des excès de la part des syndicalistes.
Premier exemple, certains secrétaires de CE avaient trouvé comme moyen, pour empêcher le lancement d’un plan social, de refuser de signe l’ordre du jour pour le CE abordant ce sujet (au moins la séance où il doit donner son avis). Comme le PSE ne peut être lancé sans avis du CE (qui n’a par contre pas besoin d’être positif), ce refus entraînait blocage de la procédure. La loi ayant été revue sur ce point, si le secrétaire de CE refuse de signer l’ordre du jour, la direction peut actuellement s’adresser au tribunal qui statue dans l’urgence et lui donne généralement raison).
Il reste au CE la possibilité d’essayer de reporter son avis en arguant qu’il n’a pas eu toutes les informations nécessaires. Cela aussi peut finir au tribunal.
Deuxième exemple, dans une grand groupe multinational, qui possède de nombreuses filiales en France. Pour garantir une gestion RH homogène, ce groupe négociait (quand j’ai travaillé avec lui) les sujets en cours au niveau d’une négociation interentreprises, les accords étant ensuite déclinés entreprise par entreprise (cad que les partenaires sociaux renégocient à ce stade, en sachant que la position de la direction sera l’application de ce qui a été négocié en inter entreprises). L’un des syndicats présents dans le groupe, dominé par les trotskistes) refusait cette procédure (acceptée par les autres syndicats) et attaquait systématiquement. Il avait déjà perdu 30 fois au civil quand il est passé au pénal. On est en réalité ici dans l’abus de procédure, mais les directions d’entreprises rechignent à utiliser cette qualification.
On a un autre exemple dans l’actualité récente avec l’affaire de la Wifi dans les bibliothèques, magistralement expliquée par Denys. Certains syndicats reprochent à la direction (la mairie de Paris) d’avoir refusé les experts qu’ils avaient sollicités. Le tract qu’on trouve sur Internet évoque le délit d’entrave. Je ne sais pas s’il y a eu effectivement plainte sur le sujet (il y a souvent aussi un coté théâtre dans les relations sociales, comme en politique d’ailleurs).
Pour conclure, il me parait possible de corriger d’éventuels excès de l’utilisation du délit d’entrave, comme cela a été fait pour la signature de l’ordre du jour. Il me semble qu’on devrait plus condamner l’abus de droit, mais c’est l’avis d’un non juriste.
Par contre supprimer le délit d’entrave me parait de nature à affaiblir considérablement le syndicalisme et les délégués du personnel , en particulier dans ces entreprises où les patrons veulent « casser du syndicat » et qui sont généralement celles où le personnel aurait plus qu’ailleurs besoin d’être défendu.
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