DSK vient donc d’être blanchi de l’accusation d’abus de pouvoir qui lui était faite. Tant mieux, même si j’ignore si l’ensemble du dossier est clos. Mais peut être est ce l’occasion de nous interroger sur nos pratiques en manière de déontologie.
L’enquête du cabinet privé mandaté par le FMI a conclu que DSK n’avait pas abusé de son pouvoir lors du départ de la collaboratrice du FMI qui fut sa maîtresse, soit pour diminuer, soit pour augmenter les indemnités liées à ce départ. Les articles en ligne ne disent mots de l’autre affaire, celle qui aurait consisté à favoriser le recrutement comme stagiaire d’une ancienne élève de Sciences Po
Il est de coutume chez nous de se moquer da la pudibonderie des américains et les français n’ont jamais compris comment l’affaire de la pipe faite à Clinton pouvait conduire à le destituer. J’étais présent il y a quelques semaines à une réunion avec une vingtaine de nouveaux embauchés de mon entreprise et assis à une table avec quelques uns. Ma voisine revenait de plusieurs années aux USA et m’a expliqué que la position que nous avions à ce moment là (l’un de mes genoux devait être à 30 cm de l’un des siens) serait inadmissible aux USA. Elle trouvait cela exagéré.
Mais l’aspect sexuel des reproches faits à DSK ne constituait pas la cause profonde du reproche qui pouvait lui coûter sa place. Le sujet était le favoritisme et l’abus de pouvoir. Et la vraie question est de savoir si nos habitudes bien françaises dans ce domaine ne correspondent pas à de la corruption.
Demander à un ami bien placé de faire sauter une contravention , dans un pays vraiment démocratique est considéré comme de la corruption. Qui n’a jamais entendu un collègue se vanter de pouvoir le faire ?
Je discutais il y a peu avec un ancien responsable d’office municipal d’ HLM. Le maire avait l’habitude (comme souvent dans ce cas) de recevoir des demandeurs de logements et de s’empresser de leur écrire pour leur communiquer la bonne nouvelle quand la commission d’attribution en avait décidé ainsi. Qu’ils aient fait contourner les critères pour ce résultat (cela arrive) ou non (heureusement, cela arrive aussi), c’est déplorable (encore plus dans le premier cas évidemment). Nous sommes dans une société schizophrène qui attend de l’Etat qu’il soit le garant de l’égalité entre citoyens, et qui attend de son député qu’il aille plaider les dossiers locaux à Paris, c'est-à-dire qu’il obtienne une inégalité en leurs faveurs. Et après, on va dire qu’il est scandaleux qu’il existe des lobbys !
Tout cela participe malheureusement d’une société de défiance.
Le cas de la stagiaire est différent. Là encore, DSK est accusé de favoritisme pour l’embauche d’une jeune Française. Sa seule intervention a consisté à transmettre la candidature. A-t-il aussi fait comprendre aussi qu’il aimerait qu’on l’embauche ou quelqu’un a-t-il voulu lui faire plaisir (et se faire bien voir) de cette sorte, ? L’enquête est en cours.
Toujours est il que certains s’offusquent qu’on ait donné ce poste à une titulaire d’un simple bac+5 quand les autres sont habituellement des bacs +8 (avec un doctorat en économie). La réponse pour l’instant est que le profil exigé était bac + 5 et que le dossier a été mis avec les autres. Comment expliquer qu’en France un ancien élève de « grande » école » avec bac +5 est considéré comme meilleur qu’un bac +8 ? Nos voisins peuvent assez naturellement penser qu’ « ils sont fous ces gaulois ».
N’est on pas en face ici aussi, de ce qui s’apparente à de la corruption, avec le fameux coup de piston ? N’est ce pas aussi dans nos habitudes françaises ?
Au delà de cas particuliers qui doivent bien sûr arriver, ce sujet me parait cependant différent du précédent. Il pose le problème de l’accès différencié à l’information, ce qu’en économie on appelle l’asymétrie d’information.
Dans le recrutement et la recherche d’emploi, il s’agit pour le recruteur de faire savoir qu’il propose un poste et aux demandeurs de faire connaître leur existence et leur qualités. Dans la masse d’informations, ces informations sont difficiles à faire circuler et arriver au bon endroit. Devant un problème identique, le marché du logement a généré des agences immobilières coûteuses et des journaux spécialisés dans les petites annonces. L’ANPE qui est sensé remplir pour l’emploi la fonction des agences immobilières ne traite qu’une minorité des recrutements.
Le recrutement peut être fort cher, si on passe par un chasseur de têtes par exemple. Il existe ce qu’on appelle un marché caché ; les petites entreprises, en particulier, fonctionnent beaucoup par le bouche à oreille. On a vu dans l’informatique et le BTP des entreprises récompenser en espèces sonnantes et trébuchantes ceux de leurs salariés qui leur avaient « apporté » un candidat recruté ensuite.
Ceux qui accompagnent des chercheurs d’emplois, en particulier pour les cadres, leur conseillent d’activer leur réseau. Pour les seniors en particulier, c’est souvent le seul moyen de retrouver du travail. Par le réseau, ils vont faire connaître leur candidature et entendre parler de sociétés qui recherchent un profil semblable au leur, ou, plus souvent, qui ont un problème de recrutement pour lequel ils n’ont pas forcément pensé à leur profil (je pense en particulier au senior) mais que le dit profil amène à faire changer d’avis.
Il y a un peu plus d’un an, j’ai ainsi proposé à mon chef direct le CV de deux jeunes femmes qui cherchaient un travail dans notre domaine. Elles ont été prises et elles donnent tout à fait satisfaction. Elles mêmes sont satisfaites. Mo,n entreprise est d’autant plus contente que nous sommes sur un marché du travail en tension et que nous avons beaucoup de mal à trouver de bons profils.
Il reste qu’il est probable qu’il existe des personnes qui sont handicapées par la faiblesse de leur réseau. Au-delà des discriminations volontaires contre ceux qui n’ont pas les bons noms ou les bonnes adresses, cela constitue une « discrimination passive ». Surtout si le recrutement par réseau conduit à dédaigner les candidatures spontanées.
En réalité, le marché du travail favorise les entreprises renommées (qui reçoivent de nombreuses candidatures spontanées) et ceux qui ont un bon réseau (ceux qui ont le bon diplôme aussi, évidemment). Et il défavorise les entreprises moins connues et ceux qui manquent de réseau, lesquels se retrouvent devant la difficulté de faire diffuser l’information, soit du poste proposé, soit de la candidature.
Le problème existe d’ailleurs avant même la recherche d’emploi : on sait qu’un des avantages des enfants d’enseignants, c’est qu’ils bénéficient d’une bonne connaissance du système chaque fois qu’il s’agit de choisir la bonne orientation ou l’option qui permettra d’être dans la bonne classe, dans le bon établissement ou avec le bon professeur. C’est la meilleur accès à l’information qui fait que beaucoup de postiers ou d’électriciens (à EDF) sont fils de postiers ou d’électriciens (et bien sûr, on pourrait en dire autant de nombreuses fonctions. On ne peut pourtant reprocher aux parents de donner à leurs enfants les informations utiles pour eux, du moins tant que ces informations ne sont pas tenues secrètes par ailleurs. (je précise tout de suite que les postes pour lesquels j’ai proposé l‘an dernier des candidates étaient publiés sur notre site !)
L’un des enjeux de l’égalité des chances et de l’égalité tout court est de fournir à ceux qui sont les parents pauvres de l’accès à l’information des services qui c
ompensent ce faible accès.
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