Le feu qui s’est déclaré hier après midi (un 11 septembre !) dans le tunnel sous la Manche va t-il inciter les plus prudents à trouver d’autres moyens d’aller en Grande Bretagne ? C’est possible, et pourtant ceux qui le feront à cause de cet incident feront une grosse erreur d’analyse.
Arguer du fait que l’arrivée d’un incident peut en présager un autre (ou au contraire que puisqu’il y en a moins d’un par lustre, il ne s’en reproduira pas de sitôt) serait une mauvaise compréhension des phénomènes aléatoires qui exige d’aller immédiatement lire l’article d’Alexandre Delaigue sur les probabilités et sur l’analyse des accidents aériens.
Ayant plus travaillé les questions de sécurité que celles de statistiques, je suis pour ma part sensible à l’effet pédagogique des accidents.
On sait que, pour que ceux qui interviennent sur un incident, des pompiers par exemple, le fassent correctement, il faut qu’ils sachent ce qu’ils ont à faire, qu’ils aient les bons réflexes. Si le type d’incident éventuel est rare, il faut faire faire des exercices aux intervenants, en simulant l’incident. C’est pour cela qu’il y a des exercices incendies dans les entreprises. On comprend bien qu’uns situation réelle comme celle qui a eu lieu hier aura beaucoup appris à tous ceux qui sont intervenus.
D’autre part, même si on essaie d’anticiper sur ce qui peut arriver, les incidents réels sont l’occasion de mieux analyser dans le détail ce qui peut se passer, et d’en tirer des mesures pour que cela ne se reproduise plus. Ce qui me faisait dire quand je travaillais à la mine que les règlements étaient écrits avec du sang.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser spontanément, les accidents sans impacts sur les personnes peuvent faire plus progresser la sécurité que ceux qui ont fait des morts. C’est ainsi qu’un début d’incident survenu en 1978 dans la mine de Courrières où je travaillais a plus fait avancer la compréhension des coups de grisou, et donc la prévention, que plusieurs accidents mortels qui avaient eu lieu avant et qu’on n’avait pas compris, peut être parce que le question de trouver ou non un coupable était trop prégnante.
Les démarches qualité participatives ont montré qu’une analyse systématique des incidents permettait de réduire progressivement leur occurrence : chaque incident fait en effet progresser la maîtrise des phénomènes, supprimer certaines causes possibles.
L’incendie survenu hier dans le tunnel sous la Manche diminue la probabilité d’en avoir de nouveau et augmente la capacité des forces de sécurité à y faire face : les risques pour les personnes ayant diminué, la réaction consistant à ne plus emprunter le tunnel n’est pas une réaction sensée !
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