La démographie va inéluctablement réduire le chômage et conduire à des difficultés de recrutement pour les entreprises (on les observe déjà). C’est ce qu’affirmait un intervenant lors d’une réunion que j’ai eu cette semaine avec d’autres consultants. Je ne partage pas du tout ce point de vue, comme je l’ai déjà écrit et publié. Et pourtant, j’estime qu’il y a une tendance de fond à la réduction du chômage.
Au début des années 2000, les bons résultats observés sur le front de la croissance et de la création d’emplois en Europe et en France entre 1997 et 2000 ont redonné de l’optimisme, au point que le rapport Siebel sur l’emploi à l’horizon 2010 prévoyait pour cette date un chômage compris entre 5 et 8% selon les hypothèses, avec des créations d’emploi comprises entre 1.2 et 2.8 millions sur la période. Le rapport qui lui succède et qui vise l’horizon 2015 revient sur la question de manière plus nuancée, les résultats intermédiaires ayant été décevants, suite aux crises de 2001 (éclatement de la bulle Internet et attentats du 11 septembre)
L’arrivée en fin de carrière des générations nombreuses nées entre 1945 et 1975 devrait profondément modifier le fonctionnement du marché du travail. Mais ces transformations ne seront peut-être pas aussi spectaculaires que ce que l’on pouvait croire il y a encore quelques années. Il n’y aura pas de baisse de la population active (la population en emploi ou à la recherche d’un emploi), pas même à long terme si l’on retient les hypothèses du scénario central de projections rendu public par l’INSEE en juillet 2006 (Coudin, 2006). Il n’y aura pas non plus de pénurie générale de main d’œuvre et il existera encore des ressources sous-utilisées du côté des chômeurs, des femmes, des jeunes et des seniors.
Les transformations
proviendront essentiellement de la diminution rapide de la croissance de la population active,
liée à l’accélération des départs en fin de carrière. Ce ralentissement peut faciliter la baisse du
chômage à court terme, mais ne permet pas de résorber les déséquilibres locaux, quantitatifs
et qualitatifs, entre offre et demande de travail.
Il faut noter ici qu’il y a de la marge pour augmenter l’emploi : le taux d’activité des 15/64 ans se situe fin 2007 dans notre pays à 64.6% alors qu’il se situe nettement au dessus en Suède (74.2) aux Pays Bas (76.0) ou au Danemark ( 77.1). Dit autrement, on pourrait avoir 4 millions d’emplois supplémentaires, à condition essentiellement de ne pas mettre nos seniors si tôt en retraite.
Le nombre d’actifs va continuer à augmenter : ceux qui pensent que le « choc » démographique va faire baisser le chômage pensent en fait que celui-ci a été causé les dernières décennies par la grande différence entre les départs et les arrivées sur le marché du travail. Il n’y a pourtant qu’à voir du coté des USA pour comprendre que l’économie peut absorber à la fois une forte immigration et des jeunes arrivant nettement plus nombreux que les anciens ne partent. On a pu voir ici que c’était même possible dans un cours laps de temps.
La vraie question serait plutôt de savoir pourquoi l’économie s’est installée en France durablement dans un équilibre sous optimal en ce qui concerne l’emploi, pourquoi les mécanismes correcteurs normaux d’une économie de marché n’ont pas conduit à réduire le chômage ?
La montée du chômage dans les années 1974/ 1984 est clairement due aux difficultés économiques qui ont suivi les deux chocs pétroliers et surtout à un partage de la valeur ajoutée devenu très défavorable aux salariés. En rétablissant celui-ci à un niveau normal, le plan Delors Mauroy a stoppé l’hémorragie et permis le retour de la création d’emploi fin 1985.
La reprise qui a suivi a été stoppée ensuite par les hauts taux d’intérêts consécutifs à la réunification de l’Allemagne. La reprise 97/2001 a été favorisée par des taux d’intérêt en forte baisse, un dollar fort et un pétrole au pus bas. Nous retrouvons dans ces 3 domaines des conditions plus défavorables qu’alors, comme en 91/95, les taux d’intérêt étant nettement plus bas et le pétrole nettement plus haut.
Au-delà des questions conjoncturelles, il reste que le chômage devrait varier entre 3 / 4 % et 6 / 7 % au plus.
Je vois deux raisons à ce que cela ne soit pas le cas
La première a trait à la comparaison de l’évolution des salaires et celle de la productivité. Depuis 30 ans, les progrès de productivité sont faibles : quand on dit que la croissance est plus riche en emploi qu’avant, cela signifie que les gains de productivité sont faibles. La conséquence est que le pouvoir d’achat progresse lentement. Mais certains mécanismes poussent à l’augmentation des salaires : hausse du SMIC ou rémunération à l’ancienneté. L’économie suit donc des chemins détournés pour arriver au résultat : ce sont les jeunes qui compensent en subissant chômage, précarité et salaires diminués.
La bonne solution pour faire progresser le pouvoir d’achat serait de retrouver une hausse plus rapide de la productivité et d’être capable de monter en gamme sur les produits. Mais c’est un autre débat.
La deuxième raison tient aux acteurs, dont les comportements conduisent à une inadéquation entre l’offre et la demande.
Les jeunes sont incités par tout ce qui les entoure à faire des choix d’orientations qui privilégient ce qui est paillettes et valorisé par les médias. Il y a beaucoup trop d’étudiants dans la filière sportive et pas assez dans la maintenance. On peut de même se poser des questions quand on voit la situation dans le marketing (avec ces faux stages à peine indemnisés) et dans l’audit comptable (très bien payés avec un manque de bons candidats) : les jeunes concernés ne viennent ils pas des mêmes écoles de commerce ?
Il est vrai que la question des comportements n’est pas si simple. Quand le rapport sur les métiers en 2015 pointe le risque de manquer de main d’œuvre peu qualifiée pour les métiers d’aide à la personne, il en déduit que des femmes vont devoir se déqualifier, pas que des hommes pourraient faire le travail, alors qu’ils seront nombreux au chômage dans ce niveau de qualification.
De leur coté, les entreprises ont pris des habitudes d’exigence (peur ne pas dire de discrimination) et quand les métiers sont en tension, elles doivent revoir ces exigences, et parfois tous les schémas de formation : intégration.
Finissons par une note positive en pointant le développement de l’alternance dans la formation initiale, en particulier post bac. J’ai eu l’occasion récemment de rencontrer des jeunes en master qui ont suivi leurs études en alternance depuis 2 ou 4 ans. J’ai été impressionné par leur maturité et la manière dont ils sont déjà très opérationnels.
Les commentaires récents