La négociation entre partenaires sociaux sur la pénibilité a échouée, malgré une ultime séance, la 18ème depuis février 2005. Le consensus était possible sur la prévention mais pas sur réparation de cette pénibilité, réclamée par les syndicats sous la forme de départs anticipés. On verra sous quelle forme le gouvernement reprendra le dossier à la rentrée.
Un bon connaisseur du sujet me faisait remarquer que la définition des travaux pénibles dépend essentiellement du poids des syndicats : les puissants syndicats d’enseignants défendent mieux la pénibilité de leur métier que les faibles et dispersés syndicats du BTP. Et pourtant l’espérance de vie comme le poids des invalidités en fin de carrière ne sont guère comparables entre c es deux professions.
La variété des éléments de conditions de travail, tant physiques que psycho sociologiques ne facilite pas la réflexion. Pourtant les ergonomes ont fait de gros efforts d’analyse des conditions de travail et de leur pénibilité. Un laboratoire a même fait l’effort de produire au milieu des années 70 une méthode simplifiée (quelle horreur pour les puristes !) de cotation des conditions de travail, selon des échelles allant de 1 à 10 (selon des logiques logarithmiques), la nocivité apparaissant à partir du niveau 5. N’ayant pas le livre sous la main, je citerais de mémoire parmi les facteurs physiques le bruit ou le port de charges, parmi les facteurs psychosociologiques la cadence de répétition de la même opération ou le fait de voir ou non le résultat de son travail.
Prenons par exemple le métier de facteur, dont j’ai eu l’occasion de faire la cotation avec cette méthode. Contrairement aux employés des centres de tri (qui travaillent de nuit et ne voient pas la fin de leur cycle de travail), les facteurs ont de bonnes conditions psycho sociologiques de travail. Sous l’angle physique, il y a deux problèmes, liés d’une part au travail de tri en début de poste(en cours de mécanisation), et au port de la sacoche pendant la distribution.
Le facteur trie devant un casier. La taille de celui-ci conduit à des extensions des bras et des mouvements de torses (en particulier pour les plus petits). des casiers dits ergonomiques ont été introduits au milieu des années 90. On observe ici que la nocivité du travail sous cet aspect dépend de la taille de l’individu mais qu’il est illégal de sélectionner les facteurs sur ce critère.
La sacoche du facteur contient tout ou partie de son courrier. S’il est en vélo, il peut la poser dessus. S’il est à pied, il la porte sur un coté (d’où un déséquilibre néfaste). La solution d’un caddy tirée par une main reste asymétrique et assez peu satisfaisante. On voit aujourd’hui des caddys à 4 roues, avec une sacoche posée assez haut pour que le facteur n’ait pas besoin de se pencher pour prendre le courrier. Pour réduire le poids, la Poste a développée des dépôts relais : le facteur part avec la moitié de son courrier à distribuer et une voiture va déposer l’autre moitié sur son passage. Même avec cette solution, la sacoche fait une quinzaine de kilos en début de tournée. L’augmentation du courrier de type publicitaire et donc du poids des sacoches s’est traduit par des inaptitudes plus ou moins importants autour de la cinquantaine, avec des différences selon les individus.
Le métier de facteur ,n’est pas forcément le plus pénible : j’ai utilisé la méthode dans une base logistique, où il y a des préparateurs de commande, qui soulèvent les produits pour les ranger et les transporter. Je peux dire que ceux qui faisait ce travail pour les produits surgelés étaient à la limité maximale (quand ils ne la faisaient pas exploser) de la nocivité sur de nombreux critères. Parce qu’ils passaient du froid (-18°C) au chaud en permanence. Parce qu’ils devaient introduire les produits dans une espèce de chariot isolé en courbant le dos puis en l’étendant à l’horizontal bras tendus. J’ai vu de très nombreux métiers dans ma carrière, mais je crois que c’était le seul qui était comparable à celui de mineur en terme de nocivité. Et pourtant, il n’y avait pratiquement pas d’inaptitude. Pour une raison bien simple : les gens ne restaient pas assez longtemps pour cela. Mais ils partaient probablement avec un passif accumulé.
A travers ces deux exemples, on voit toute la difficulté de la réparation : les postes ne se ressemblent pas, (par exemple entre deux tournées de facteurs), la nocivité dépend de l’individu, et les carrières sont une succession de postes tenus. J’avoue donc mon fort scepticisme sur la question.
Il y a des domaines plus faciles que d’autres : le travail postés par exemple, où il est plus facile de reconstituer un historique.
On notera toutefois l’intérêt de la partie de la loi de 2003, celle qui concerne les carrières longues. Avant cette loi (merci la CFDT), un salarié ayant commencé à travailler à 14 ans, devait attendre l’âge de 60 ans pour partir en retraite. Et on sait que les travaux pénibles étaient assez nettement concentrés sur cette catégorie de salariés.
Au final, je vois difficilement comment faire autrement que la méthode actuelle qui consiste à laisser au corps médical le soin de constater les inaptitudes et handicaps.
Reste que l’amélioration de la prévention est indispensable, les conditions de travail s’étant généralement détériorées depuis 20 ans (par exemple avec l’augmentation du travail posté). On lira avec profit à ce sujet le livre de Philippe Askenazy, les désordres du travail.
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