Une nuit de noces qui tourne mal, un jugement d’annulation de mariage, un déchaînement médiatique, trois étapes pour une affaire dont les relents de scandale, de sexe, et de religion attirent les curieux. Mais au fait, de ces trois étapes, laquelle est la plus scandaleuse ?
De ce que j’ai pu lire ici ou là, le marié était un ingénieur d’une trentaine d’année, la mariée une jeune fille d’une vingtaine d’années étudiante (et dont pour l’instant heureusement l’anonymat semble respecté).
On peut imaginer différents scénarios qui amènent au premier événement, cette nuit de noce qui se termine mal. Du coté du futur marié, les choses sont claires : il cherche une fille sérieuse, et pour lui sérieuse = vierge. Du coté de la future mariée, on peut s’imaginer toutes sortes de choses, depuis la fille qui coure après tous les garçons qui passent jusqu’à celle qui a été victime d’un viol, en passant par une fille qui découvre sa sexualité et veut en profiter ou par celle qui aime un garçon et trouve normal de partager son intimité avec lui.
Peut être cette jeune fille aime t-elle un garçon qui ne sied pas à ses parents, parce qu’il est trop jeune, ou pas assez musulman (voire pas du tout) ou toute autre raison. Et peut être ses parents pensent ils faire pour le mieux en la mariant avec un homme qui a réussi ses études et qui semble sérieux. Probablement n’ose t-elle pas leur dire qu’elle a été jusqu’à coucher avec le garçon qui lui plait et qu’elle aimerait épouser.
On imagine assez bien l’angoisse de cette jeune fille, si ces hypothèses sont justes, qui voit s’approcher la date du mariage et le moment où son mensonge sera révélé. Peut être espère t-elle que le marié sera compréhensif ou au contraire que la découverte de la vérité lu évitera un mariage qu’elle ne souhaite pas. On n’en sait rien !
Le scandale provoqué par l’attitude du mari le soir de la nuit de noces a sans doute été grand. Les parents de la mariée lui reprochent peut être la honte qu’ils ont ressenti, ou au contraire ont-ils compris qu’ils avaient fait fausse route.
En tous les cas, on peut regretter que de telles choses arrivent dans notre pays.
Arrive la deuxième étape, avec un juge confronté à une demande d’annulation. Quel que soit ce qu’il en pense, il ne pourra faire que le scandale de la nuit de noce et que les souffrances que cela a occasionné n’aient pas eu lieu. Il doit simplement juger en droit, et accepter ou non la demande. Eolas et Jules nous ont montré que son jugement est conforme au droit. Mais le droit a ses contraintes certes, mais il laisse des marges d’évaluation des situations. Alors essayons de voir ce que peut faire le juge.
S’il refuse l’annulation, le marié pourra demander le divorce. Des pièces fournies par la mariée, on peut estimer que les époux sont prêts à recourir au divorce par consentement mutuel. De plus, comme il n’y a pas cohabitation, le marié peut demander le divorce seul et invoquer cette absence de cohabitation qui dure déjà depuis un an (il doit attendre un an de plus). Pourquoi encombrer la justice pour arriver à un résultat similaire ? En quoi la société a-t-elle à gagner au choix du divorce plutôt que de l’annulation ? En quoi les deux époux, et en particulier l’épouse serait elle mieux protégée par un divorce? On peut penser au contraire que l’annulation est pour les deux une meilleure solution. A moins que certains imaginent qu’il est préférable pour la mariée de rester avec un homme qui s’est comporté avec elle comme un goujat ?
Ce point est important : le choix est bien en réalité entre l’annulation et le divorce. Et ce choix, le demandeur l’a fait. Ses raisons ne sont pas conformes aux normes sociales dominantes, certes ! Mais croit on que les raisons des divorces comme des annulations sont toujours les plus belles ? N’y a-t-il pas du sordide à la pelle dans ces ruptures ?
Non, le jugement n’est pas scandaleux, il est sans doute la meilleure solution pour les personnes concernées.
Troisième étape, le tapage médiatique déchaîné par Libération, qui reprend une information donnée légitimement par le Dalloz (qui s’occupe de droit et de jurisprudence). Libération dont le premier article jeudi est assez neutre mais qui va ensuite hurler avec les loups. La presse est unanime dans sa condamnation ; Certains vont dire que c’est un message adressé à tous les fanatiques de la virginité pour les soutenir (si la presse n’avait pas sauté sur le sujet, quel message serait adressé ?). Evidemment, les politiques en rajoutent,n à l’exception notable de Rachida Dati, qui pour une fois soutient ses troupes.
Je penserais volontiers que c’est cette troisième étape, qui surfe sur l’émotion et ne prend pas le temps de la réflexion,(même Bruno Frappat sur son blog), qui est la plus scandaleuse
P.S. Voir aussi cet article que vient de publier Koz
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