Les sombres événements de Vitry le François vont-ils permettre de regarder enfin en face les maux qui minent nos banlieues ? La police ne peut cette fois être incriminée et la violence à frappé d’abord les proches et les voisins des jeunes casseurs. Pourquoi cette dérive et que peut on faire ?
J’ai essayé de faire quelques hypothèses, et quand j’en ai parlé à ma femme, qui travaille dans un centre social, elle m’a raconté l’histoire de Paul. Ce n’est pas son vrai nom, il est d’origine étrangère, mais nous l’appellerons Paul.
Paul est né en France, il a trois petites sœurs, et cette année il est entré au CP. Paul ne tient pas en place, il était agressif avec tout le monde et sa maîtresse à rapidement baissé les bras, le considérant comme un débile mental. Paul était capable de se déshabiller en plein hiver et de s’élancer dans la cour en slip et en chaussettes. Il était capable de faire des tas d’autres bêtises, au point que son père n’osait même pas se montrer à l’école.
Paul est venu au centre social de ma femme pour participer au soutien scolaire, mais comme il était absolument intenable et agressait les autres, il n’était pas possible de la mettre dans un petit groupe avec un bénévole, ce qui fait que ma femme le gardait avec elle. Il venait aussi le mercredi à la ludothèque et le matin à la séance « à livre ouvert » où ma femme fait découvrir un livre aux enfants. On ne sait pourquoi, peut être parce qu’il s’y sentait aimé, Paul s’est plu au centre social, au point que sa mère expliquait au bout de quelques mois que la punition qui lui faisait le plus peur, c’était de le priver de centre.
Paul a été suivi ailleurs par un psychologue et il est allé un peu mieux au fil du temps. Il a été changé de classe, ce qui lui a permis de repartir sur de nouvelles bases. Il y a deux mois, il a demandé à aller avec un groupe d’enfants et un bénévole du soutien scolaire, ce qui a été essayé et qui a marché. Evidemment, tout n’est pas réglé et Paul a encore besoin de marcher en long et en large pendant la lecture du livre. Mais il écoute, c’est sûr !
Hier, c’était la dernière soirée du soutien scolaire, et les enfants ont été invités à dire ce qui leur avait le plus plu dans l’année.
Paul a dit que ce qui lui a le plus plu, c’était la première séance à laquelle il a assisté. Ce soir là, ma femme a expliqué les règles de vie du groupe, en faisant d’abord s’exprimer ceux qui étaient là l’an dernier, et en complétant si besoin. Et Paul s’en souvenait parfaitement, au point de dire à quelle place il se trouvait. Pourtant, ce soir là, il avait déjà été repéré comme un enfant difficile.
Je ne connais pas Paul, mais je vais faire quelques hypothèses pour expliquer pourquoi il se souvient de cette séance là.
Au delà de ses difficultés comportementales, je pense que Paul s’est retrouvé confronté à l’école à des règles différentes de celles de sa famille. C’est le cas pour tous les enfants, mais ce peut l’être beaucoup plus pour un enfant étranger. Par exemple, un petit sri lankais à l’habitude de baisser les yeux quand un adulte lui parle, par respect. A’école on lui dit de regarder l’adulte qui lui parle ! Et donc Paul pouvait avoir l’impression qu’on inventait des règles pour le prendre en faute ou punir.
Expliquer les règles de vie, c’était donc sortir de l’arbitraire et lui donner les clés de lecture de la vie collective. Et c’était aussi affirmer que ces règles étaient les mêmes pour tous.
Je pense que notre société n’explique pas assez aux immigrés quelles sont les règles de vie chez nous. En particulier, certains viennent d’une culture où le garçon est roi, et où les filles sont un peu les esclaves de leur frère et doivent leur obéir. Pourtant, c’est le plus souvent la mère qui s’occupe des enfants et qui fait passer ce message. Ce faisant, elle les trompe complètement sur la société dans laquelle ils vont vivre. Pas le petit clan de la cité, mais la société qui régit l’école et ensuite l’embauche ou la justice. Si beaucoup de filles comprennent vite que l’école est le seul moyen de sortir de leur condition, les garçons se retrouvent avec des enseignants, souvent féminins, qui les mettent en situation d’infériorité, eux les mâles !
C’est à ces mères qu’il faut inlassablement expliquer qu’elles doivent changer de posture, pour le bien de leur enfant et avant qu’il ne soit trop tard. Evidemment, pour cela, il faut qu'elles mêmes découvrent la pays où elles vivent, qu'elles s'insèrent dans une communauté plus large que les seules femmes de même origine, qu'elles apprennent le français.
Vaste programme bien sûr, mais combien nécessaire pour sauver leurs garçons devenus adolescents de la haine et de la violence gratuite.
Il faut aussi arrêter les discriminations à l’embauche pour ceux qui ont réussi leurs études mais qui n’ont pas le bon prénom ou la bonne adresse ou la bonne couleur de peau. Mais c’est une autre histoire !
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