Les premières contributions pour le congrès du parti socialiste à Reims révèlent les évolutions ou les lignes de fractures. Essayons une petite analyse des points de vue de Ségolène Royal et de julien Dray tels qu’on pouvait les découvrir dans Le Monde daté du 27 juin.
Commençons par l’ancienne candidate socialiste. Le quotidien du soir publie quelques extraits d’un livre d’échanges avec Alain Touraine. Ce dialogue illustre une des qualités de la présidente régionale : celle d’aller à la rencontre (l’écoute ?) d’intellectuels intéressants.
L’article commence plutôt bien : l’auteure valorise l’action préventive (qui peut être contre la prévention, en particulier à gauche ?). Elle l’applique aux délocalisations et aux licenciements. Pour ne pas les subir, elle propose de mettre en œuvre une stratégie de compétitivité par le haut, en investissant sur la formation des salariés, la recherche et l’innovation des entreprises. Je ne peux qu’approuver cette idée qui semble rebondir sur celles développés par C Blanc. Apparemment Alain Rousset, président de la région Aquitaine qui a conseillé S Royal sur ce point, a bien travaillé. Sauf que
Sauf qu’il ne faut pas se raconter d’histoires : cela ne fera pas disparaître d’un coup de baguette magique les délocalisations, les plans de licenciement et les suppressions d’emplois. Il est possible que l’innovation limite certaines délocalisations en redonnant un avantage comparatif aux industries concernées. Mais le véritable résultat attendu, c’est la création d’emplois de haut niveaux pour remplacer les emplois détruits ou délocalisés. Donc encore des suppressions d’emplois mais plus de possibilités de reclassement que sans cette dynamique créative.
On se trouve devant la même situation avec la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) dont la négociation triennale a été rendue obligatoire par la loi du 18 janvier 2005. Si cela marche bien, les changements d’emploi pourront se faire en douceur au lieu de se faire en urgence, mais ils se feront toujours. Dans certains cas, on aura au mieux augmenté l’employabilité des salariés concernés, donc leur capacité à retrouver du travail. C’est déjà beaucoup, et il faut le faire, mais ne nous racontons pas d’histoires !
Une autre bonne résolution un peu plus loin : la volonté de réduire la dette avec un Etat efficace et une nouvelle étape de décentralisation. Si Mme Royal met derrière tout cela, une réduction des niveaux administratifs et une simplification des responsabilités, tout va bien : mais il faut lire le livre pour en savoir plus, l’article est trop court.
Entre temps, l’article a eu le temps d’évoquer ce que je considère comme une folie, surtout quand je vois l’ignorance des hauts fonctionnaires et encore plus des politiques de la réalité de la vie d’une entreprise. Il est en effet proposé que l’Etat incite les entreprises à une politique salariale plus favorable aux salariés par des incitations fiscales ou en conditionnant les aides aux pratiques dans ce domaine. J’ai vraiment envie de dire : occupez vous de vos fesses ! Quand les politiques comprendront ils que chaque fois qu’ils interviennent dans le social ils affaiblissent les syndicats, Et qu’ils feraient mieux de gérer correctement ce qui est de leur responsabilité au lieu de vouloir obliger les entreprises à faire ce que la puissance publique ne fait pas avec ses propres agents ?
Le reste de l’article n’intéresse que ceux qui se soucient de l’organisation des partis de gauche, à part un chapitre consacré aux retraites où l’ancienne candidate reprend l’idée suédoise de compte par points. Pas une mauvaise idée. Faut il expliquer qu’on peut espérer que la confrontation à la réalité (un montant de pension plus faible si on part plus jeune) incitera les salariés à retarder leur départ ?
Le papier de Julien Dray reprend tout un tas de thèmes de la vulgate socialiste (par exemple sur quelle alliance de classe veut on faire reposer la gauche) que je trouve bien éloignés des problèmes auxquels est confronté notre société. Et je dois dire que l’idée d’un Etat entrepreneur ne me dit rien qui vaille de bon. Mais ce que je considère comme le plus désespérant se trouve en milieu d’article est mérite d’être recopié intégralement :
« D’abord je l’affirme : il n’y a qu’une seule gauche, qu’un seul socialisme, riche de toutes ses cultures ; la gauche qui veut combattre par tous les moyens le projet de société porté par la droite. »
L’affirmation d’unité laisse rêveur ceux qui ont participé à la campagne référendaire et ont eu l’impression qu’un gouffre séparait à gauche les partisans du non et ceux du oui. Le « par tous les moyens » laisse pour le moins perplexe : jusqu’où cela va-t-il ?
Mais
l’essentiel n’est pas là. Si la gauche n’a pour tout projet que celui de lutter
contre celui de la droite, si elle n’est pas capable de nous en présenter un
(et si possible qui tienne la route), elle n’a pour moi aucune légitimité.
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