Le « non » irlandais prouve une nouvelle fois que les électeurs n’aiment pas répondre par un seul oui à des tas de questions groupées, surtout si la conjoncture économique réduit la confiance qu’ils portent aux politiques qui sollicitent leur accord. Mais il pose aussi la question de la capcité de la démocratie à faire trancher aux citoyens une question complexe.
Eolas considère que comprendre le traité demandant d’avoir fait un master de droit (exagère t‘il tant que cela?), il n’était pas raisonnable de demander l’avis des citoyens. Il est vrai qu’on peut s’interroger sur la clarté d’un texte qui permet à des français de le refuser parce qu’il va conduire à l’interdiction de l’avortement et aux irlandais de le refuser parce qu’il va lever cette interdiction. Mais j’incline à penser que la multiplicité des sujets est le problème essentiel : avec le temps d’une campagne, on peut expliquer des choses même compliquées. J’en veux pour preuve une conversation hier avec un jeune, où l’affaire de l’annulation d’un mariage à Lille : à mon grand étonnement, ce jeune mettait en doute les réactions premières sur la virginité parce qu’il avait entendu d’autres arguments plus techniques. Les Républicains du 19ème siècle voulaient développer l’école parce qu’ils avaient la conviction que des citoyens éduqués voteraient pour eux et non pour les conservateurs et autres aristocrates (Je pense aborder cette question dans mon œuvre toujours en devenir sur la droite et la gauche, au chapitre « émancipation »). Aujourd’hui, quand les 2/3 d’une classe d’âge obtient le bac, quand un pourcentage non négligeable fait des études longues, le niveau des réflexions politiques devrait être élevé. A entendre les énormités auxquelles peuvent adhérer certains esprits fortement diplômés, on ne peut que constater que ce n’est pas si évident. Il me semble que la gestion médiatique de la politique n’y est pas étrangère. Elle donne la priorité aux petites phrases sur le fond, aux jeux sur les enjeux. Une étude parue en 2005 montrait que lors des régionales 2004, les journaux avaient consacré jusqu’à 96.5% (pour Libération) de leur espace politique aux jeux. J’avais été frappé de la même manière de voir les Guignols se moquer sur Canal + de Balladur et de Rocard parce qu’ils étaient trop long (et en fait trop sur le fond). Il y a quelques jours, sur ce même Canal +, Claude Sérillon, invité à commenter le départ de PPDA, expliquait que quand il présentait le journal, il traitait entre 20 et 25 sujets chaque soir et que maintenant on en traite 45, évidemment pas de la même manière, faute de temps. Cependant, nos dirigeants politiques doivent être tenus pour les premiers responsables de ces échecs. Un bon dirigeant doit être capable de faire ressortir ce qui est essentiel dans un problème complexe, d’en déduire une stratégie et de l’expliquer de manière simple. Ce n’est évidemment pas ce qui a été fait sur le traité européen qui nous a été soumis en 2005. Déjà, il y avait quatre parties sans liens apparents entre elles : celle sur l’organisation de la gouvernance, celle sur la charte des droits fondamentaux et deux autres parties (sur les politiques et le fonctionnement de l’Union et sur les dispositions générales et finales) qui en réalité existaient déjà. Tous les électeurs qui ont voté non à cause d’un point situé dans l’une des deux dernières parties ont été trompés par ceux qui les ont incité à le faire mais aussi par ceux qui ont joint ces parties au texte soumis au référendum, puisque sur ces sujets le « non » était impuissant ! On aurait aimé que ceux qui avaient conçu le projet puissent nous dire : nous vous proposons un choix structurant, - qui concilie la volonté populaire, l’unité de l’Europe et le respect de la diversité des nations, - et qui donne les moyens à l’Europe de préparer votre avenir, notamment vis-à-vis du reste du monde Ce choix structurant se décline dans les modalités que nous vous proposons. Peut être les citoyens auraient ils compris. Il aurait fallu aussi expliquer que ce respect de la diversité avait impliqué des compromis dans les modalités. Et que ces compromis, loin d’être des bizarreries inadmissibles, étaient le signe du respect de la diversité. Il aurait sans doute aussi fallu expliquer que le traité revenait sur les mauvais choix faits à Nice. Mais comment Chirac ou les socialistes pouvaient ils le dire? Comment les leaders Irlandais qui ont fait revoter un peuple qui avait d’abord dit « non » à Nice pouvaient il le dire? Au point où nous sommes arrivés, nous avons besoin de responsables politiques européens capables d’entendre la demande de respect de la diversité (certains veulent pouvoir continuer à choisir au niveau de leur nation le droit à avorter ou non) et de proposer un sens à ce que nous voulons faire de l’union Européenne. Et il faut que ces responsables l’emportent parmi leurs pairs, trop souvent obnubilés par des priorités beaucoup plus court terme et beaucoup plus éloignées de l’intérêt général Ce n’est pas gagné!
Les commentaires récents