François Chérèque et Bernard Thibaut ont fait valoir cette semaine leur mécontentement sur la façon dont le gouvernement s’apprête à légiférer sur le temps de travail, en des termes qui montrent que celui-ci a touché un point extrêmement sensible du dialogue social.
Le projet de loi en question a pour objet principal la représentativité, est devait normalement retranscrire le texte sur lequel la CGT et la CFDT se sont mis d’accord avec le Médef, texte intitulé « position commune ».
Les partenaires sociaux considèrent qu’à partir du moment où ils se sont mis d’accord sur un sujet, le gouvernement n’a normalement pas à modifier dans un sens ou dans un autre cet accord. Cette position a été notamment respectée en ce qui concerne l’accord interprofessionnel sur la formation et la loi qui a suivi,qui datent de 2003.
On notera ici que cette position n’est acceptable que si l’accord en question ne se fait pas au détriment de catégories de la population non représentées dans la négociation, ou ne débouche pas sur des décisions incompatibles avec les engagements de la France (droit communautaire part exemple ) mais je ne connais pas de cas où la question s’est posée.
Le gouvernement peut aussi renforcer l’accord en y consacrant des moyens. Pour reprendre le cas du DIF , il aurait pu abonder le système.
Il reste que le gouvernement dans ces cas là n’a pratiquement aucune marge de manœuvre s’il veut respecter la négociation sociale, et que les députés n’en ont pas non plus, ce qui peut ne pas leur plaire.
Depuis plusieurs décennies, le cas ne se présentait guère, le gouvernement ayant pris l’habitude de légiférer en ne s’appuyant pas sur la négociation mais en se contentant de consulter les partenaires sociaux.
Progressivement, le pouvoir a pris conscience qu’un tel comportement contribuait à affaiblit les syndicats. La gauche française ayant tendance à vouloir décider le social (elle considère qu’elle est forcément sociale), c’est la droite qui a commencé à partir de 2002 à inciter les partenaires sociaux à se mettre d’accord avant de légiférer. Depuis, la gauche a évolué sur le sujet. Ségolène Royal prévoyait dans son programme de convoquer de grandes conférences pour débattre d’un tas de sujet (y compris de sujets en dehors du champ normal du pouvoir, mais on est là dans les coutumes françaises, parfois partagées par la droite, surtout quand elle est dirigée par un activiste à tout crin).
Le gouvernement Fillon, bien décidé à avancer sur les thèmes du contrat de travail et de sa rupture ainsi que celui de la représentativité syndicale, a donc demandé aux partenaires sociaux de se mettre d’accord, avec la menace de légiférer seul en cas de non aboutissement. Dans les deux cas, les négociations ont débouché sur un accord, non signé par toutes les parties, mais par une majorité d’entre elles.
Dans le cas de la représentativité, la CGT est signataire à coté du Médef et de la CFDT, mais pas FO, qui craint de se faire marginaliser.
Or le gouvernement modifie un point de l’accord (dit position commune), concernant le temps de travail : les signataires ont prévus la possibilité pour les entreprises de déroger au contingent maximum d’heures supplémentaires, sous la condition d’un accord majoritaire des organisations représentatives (c'est-à-dire signé par des syndicats ayant obtenu plus de 50% des voix). Le texte gouvernemental prévoit la possibilité pour la direction de choisir les salariés à qui il fait profiter de la mesure (comme dans la loi TEPA d’ailleurs) et limite à 30% le poids nécessaire pour les signataires.
La presse présente ce coup de canif comme une concession aux députés. En réalité, d’après des sources bien informées, le ministère du travail a fait savoir au groupe UMP que si des députés voulaient se faire remarquer en proposant des amendements, le ministère se ferait un plaisir de leur proposer discrètement des idées.
Les syndicats sont doublement furieux : sur le principe (le Médef a décidé de les soutenir) et sur le sujet (le temps de travail), particulièrement chatouilleux pour la CFDT. Le gouvernement réplique que le thème du temps de travail faisait partie du programme sur lequel il a été élu.
Affaire à suivre. J’espère avoir le temps de revenir rapidement sur d’autres aspects de cette affaire, mais j’ai déjà été long.
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