Versac se frotte aux conspirationnistes et inspire à Authueil un article sur la Glose. Il y a quelques jours, Eolas a cherché en vain à discuter sérieusement avec un blogueur manifestement fermé aux raisonnements. Les deux cas illustrent les méthodes de « raisonnement » qu’on retrouve chez les partisans des théories du complot mais aussi plus largement dans certains cercles très à gauche (et j’imagine aussi chez leurs petits amis très à droite).
Précisons le tout de suite : JM Le Ray, qui inspire à Eolas une réplique à propos des affaires Fuzz et autres, n’est pas un conspirationniste. Mais on trouve certaines similitudes. J’en citerai trois
D’abord le refus de l’expertise. Le Ray part d’un terrain qu’il connaît sans doute bien (Internet) mais aborde un problème dont il dit lui même qu’il l’ignore : le droit. Qu’il veuille interroger le droit en raison des conséquences qu’il juge néfastes, rien que de plus acceptable. Qu’il veuille argumenter sur le plan juridique en s’appuyant sur le bon sens, c’est déjà plus risqué, car, comme le dit Eolas dans une de ces formules dont il a le secret, le « droit s’apprend à l’université et le bon sens au bistrot ». Mais qu’il persiste à contester les explications d’Eolas sur le plan juridique, on reste pantois ! Etait il si difficile de dire que sur ce point il s’était trompé ?
Ensuite, la mauvaise foi. Le Journal d’un avocat explique précisément pourquoi la comparaison avec un kiosque à journaux ne tient pas et le contestataire réplique tranquillement qu’on ne lui a pas répondu sur ce point, s’attirant un article définitif !
Dernière méthode la confusion des mots, qu’on va trouver dans un commentaire (le 9) que Eolas et d’autres dissèquent ensuite de manière rigoureuse, détaillée et sans faille. Dire qu’une loi est lacunaire ou qu’elle n’est pas claire serait ainsi dire la même chose ! Il est vrai que ce genre de confusion permet tous les « raisonnements ». mais que ce n’est évidemment pas compatible avec les pratiques du droit, qui est au contraire très précis sur les mots.
Versac de son coté, se trouve, par les grâces d’une émission d’Arrêts sur Images, confronté au théoriciens du complot à propos du 11 septembre.
Les commentaires illustrent ce que j’appellerais la position caoutchouc, qui consiste à faire varier ses affirmations au gré de la discussion, ce qui est une façon bien commode de glisser sur des contre arguments dérangeants. On trouve ainsi une Bourinette expliquer que le mouvement reopen911 milite simplement pour la réouverture d'une enquête sur les attentats quand un peu plus haut Sebosi explique que « tous les citoyens qui appartiennent à ce mouvement international pour la vérité ont franchis le pas et répondus OUI à la question( Le gouvernement américain ou une partie de ce gouvernement serait-il capable de fomenter un événement pareil?).
Une bonne méthode pour pouvoir adopter la position caoutchouc, consiste à, aligner un nombre considérables d’arguments. On vous démontre que les arguments 1, 2 et 3 sont foireux ? Qu’à cela ne tienne, vous avez tous les suivants sur lesquels vous replier ! Eolas, encore lui, l’avait bien montré dans un article de décembre 2007, à propos de la recodification du droit du travail. Dans cette stratégie, les arguments n’ont pas besoin d’être justes, il suffit qu’ils soient nombreux !
Dans les commentaires chez Versac, un certain Magma use de ce procédé d’accumulation. Qu’importe que ses citations soient systématiquement sorties du contexte : en les mettant les unes à coté de l’autre, on donne l’illusion du bon sens.
Car évidemment, contre la pensée unique, les citoyens libres ont la chance de pouvoir se servir de leur bon sens !
Et surtout inverser la charge de la preuve. Quand la démarche scientifique impose à celui qui avance une théorie d’en apporter la démonstration et de prendre en compte toute réfutation, les partisans de la théorie du complot demandent aux autres de réfuter leurs affirmations et ne se sentent pas quitte par la réfutation d’un seul de leurs arguments : il faut bien sûr les réfuter tous ! Dans un commentaire chez Authueil (le 7), Narvic explique cela très bien.
Il faut dire qu’ils ne sont pas difficiles dans la recherche d’arguments qui vont dans le sens de leurs convictions puisque pour eux, une coïncidence est une preuve : Umberto Eco en a fait la très brillante démonstration dans son livre « le pendule de Foucault ».
Dernier point, la manipulation des statistiques. Comme on sait, c’est la forme moderne du mensonge. Qu’il est donc facile de les faire démarrer là où cela vous arrange pour votre démonstration où de ne retenir que ce que vous voulez
Dans un article sur le résultat des municipales, je m’étais livré par dérision à ce genre d’exercice pour montrer la force des petits partis. J’aboutissais à accorder moins de 10% des voix à l’UMP et le PS réunis. Naïvement, je pensais que cette conclusion démontrait par l’absurde que le raisonnement de base était vicié. Et bien, deux internautes ont fait fi de cette difficulté et ont signalé sur deux blogs différents mon article comme une démonstration de la théorie de départ !
Le Monde Diplomatique, coutumier des positions contre la pensée unique et qui se targue d’avoir une démarche sérieuse, adopte lui la méthode de la grille de lecture. Vous savez, ce genre de grille qui permet de voiler ce qu’on ne veut pas voir et de ne retenir que les faits qui vous arrange. Il y a maintenant bien longtemps, j’avais ainsi analysé un article du rédacteur en chef (sur la violence contre les femmes)à et relevé les pratiques utilisées : formules qui font plus appel à l’émotion qu’au raisonnement, affirmations fallacieuses, détournement de statistiques etc.
Le succès des thèses conspirationnistes montre sans doute que certains ont besoin de se sentir moins dupes que les autres. Le fait que nous soyons dans une société de défiance participe certainement à l’audience de ce genre de thèse.
Mais c’est aussi une preuve d’échec de l’Education nationale qui ne forme sans doute pas assez à la rigueur intellectuelle, à la démarche scientifique
Les commentaires récents