Le
destin de Barack Obama n’est plus un conte de fée… Tant mieux pour lui !
C’est
le titre de la note que m’envoie mon ami Guillaume, Français résidant à New
York. Il nous fera ensuite le point sur les primaires républicaines et s’il le
souhaite, je serais ravi qu’il continue à nous parler des élections américaines !
Lundi soir, alors que je me mettais en route pour le café où j’avais prévu de suivre la soirée électorale en compagnie des membres du groupe « Harlem for Obama », j’avais en tête le titre et l’essentiel du contenu du billet sur la primaire du New Hampshire que j’avais promis de rédiger pour le blog de mon ami Verel.
Les derniers sondages donnaient une avance d’environ 10 points à Barack Obama et le camp Clinton avait passé l’essentiel de la journée à minimiser l’impact d’une défaite considérée comme acquise. Personne ne doutait que le sénateur de l’Illinois, déjà vainqueur dans l’Iowa, s’apprêtait à faire un grand pas vers l’investiture démocrate. Et, dans un billet intitulé « Obama, jusqu’où ? », je m’apprêtais pour ma part à tirer les conséquences de cette nouvelle victoire. C’est-à-dire à tenter de répondre à la question suivante : l’impressionnante vague d’enthousiasme déclenchée par Barack Obama pouvait-elle le porter jusqu’au Super Tuesday, le 5 février, voire jusqu’à la Maison Blanche, en novembre prochain ?
Après la soirée électorale la plus longue et ennuyeuse qu’il m’ait été donné d’observer – 5 heures pour dépouiller 280000 bulletins, je me demande comment ils s’y prennent ! – la question semblait tranchée : la vague s’était brisée sur le premier écueil, un petit état de la Nouvelle-Angleterre.
En conclure que le « moment Obama » est terminé serait une grosse erreur. On sait désormais que Barack Obama ne sera pas désigné candidat du parti démocrate dans un fol élan de passion, mais il garde toutes ses chances de remporter la nomination en faisant appel à la raison des électeurs. Dans cette perspective, les démocrates du New Hampshire on rendu un grand service à leur parti.
Suite au triomphe surprise d’Obama dans l’Iowa les électeurs démocrates se sont trouvés confrontés à une demande en mariage au lendemain d’une folle nuit d’amour avec une personne rencontrée la veille. En remettant Hillary Clinton en course dans le New Hampshire ils n’ont pas définitivement éconduit l’impétrant, ils ont simplement rappelé à tous que ce genre de décision ne se prend pas à la légère.
Pour connaître le candidat démocrate il nous faut désormais attendre le vote de 22 Etats lors du Super Tuesday, le 5 février. Barack Obama ne manque pas d’atout pour emporter la décision ce jour là. Il incarne le rêve américain, il est un orateur époustouflant, il renvoie l’image d’une Amérique jeune, dynamique et surtout unie, réconciliée. En s’opposant publiquement à la guerre en Irak dès 2002 il a fait preuve des qualités de froide analyse et de courage qui font les hommes d’Etat. Plus récemment, il a démontré une impressionnante capacité à lever des fonds. Enfin, sa victoire dans l’Iowa et son bon score dans le New Hampshire prouvent qu’il dispose d’une organisation électorale performante sur le terrain.
Pour triompher le 5 février, il lui reste deux tests à passer.
D’abord il doit encore convaincre de son éligibilité. Au cours de sa carrière politique, Obama n’a encore jamais eu l’occasion d’affronter la machine électorale républicaine. Depuis des mois les candidats et les médias républicains concentrent leurs attaques sur Hillary, l’Antéchrist. En 2007, Obama a certes du faire face à une petite campagne de désinformation menée par Fox News qui a répandu des rumeurs sur son éducation islamique dans une Madrassa en Indonésie. Il n’y avait bien entendu pas l’ombre d’une preuve derrière ces affirmations, et Obama a réussi à s’en sortir en boycottant depuis la chaîne de Ruppert Murdoch, mais ne nous y trompons pas, ce n’est qu’un petit avant-goût de ce qu’il aura à affronter s’il est le candidat démocrate en Novembre. Il ne fait ici aucun doute que la couleur de sa peau sera insidieusement utilisée pour le décrédibiliser. Sera-t-il capable de faire face ?
Ensuite, Obama manque de références concrètes pour séduire les électeurs libéraux. Son bilan de sénateur est famélique. Il ne peut pas prétendre avoir fait avancer les grandes causes de la gauche américaine. Pire, son programme de candidat n’est pas de nature à emballer les militants progressistes. Son plan pour réformer l’assurance maladie est moins ambitieux que celui de ses rivaux, il a pris de positions très proches de celles de la droite sur la question de la sécurité sociale et il a réussi à se mettre à dos l’idole des libéraux, le chroniqueur du New York Times Paul Krugman.
L’équation que doit résoudre Barack Obama est en réalité très délicate : il sait que l’élection d’un Afro-Américain serait en soi une révolution, pour être éligible en novembre il sait donc qu’il ne doit pas s’aliéner les électeurs modérés car il ne peut se permettre d’être le candidat de trop de révolutions, ce qui l’amène à prendre des positions centristes, à faire l’éloge du dépassement de la politique partisane, au risque de décevoir les électeurs libéraux qui, avec Paul Krugman, pensent que l’heure d’un grand basculement à gauche a sonné, et qui pèsent lourd lors de la primaire démocrate.
Sa grande chance c’est qu’en tant que potentielle première femme élue présidente, Hillary Clinton doit résoudre une équation quasiment identique. Pour rassurer les modérés, elle a toutefois fait un choix différent : c’est sur les questions de politique étrangère qu’elle affiche des positions d’une grande fermeté, proche des républicains.
John Edwards – qui aurait du être le candidat de la gauche du parti – ne semblant pas en mesure de perturber le duel opposant Clinton et Obama, il revient aux électeurs démocrates de désigner celui de leurs deux principaux candidats qui résout le mieux son équation. Si Barack Obama sort vainqueur de ce duel, cela signifiera qu’il aura passé les deux derniers tests, qu’au delà de leur estime, il aura gagné la confiance des démocrates. Son investiture ne sera alors pas la conclusion d’un compte de fée, mais le résultat d’une bataille politique. Cela lui conférera une force supplémentaire avant d’affronter le candidat républicain. Et, s’il est élu président en novembre, il pourra remercier les électeurs du New Hampshire de lui avoir imposé quelques épreuves supplémentaires.
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