Les changements qui ressortent de la négociation des partenaires sociaux sur le marché du travail peuvent apparaître limités et pencher plus du coté de la flexibilité que de celui de la sécurité. L’avenir le dira. Ils représentent pourtant de vrais compromis.
Je voudrais évoquer principalement la rupture conventionnelle du CDI, qui représente certainement la vrai nouveauté du texte proposé à la signature des organisations syndicales.
Il s’agit d’un mode de rupture négocié exclusif de la démission et du licenciement conclu en accord entre les deux parties : salarié et employeur. Le salarié concerné bénéficiera d’une indemnité de rupture et accédera aux allocations chômage.
Notons tout de suite qu’on est ici dans la rupture individuelle et non pas collective. Parmi les précautions prévues figure la validation par le directeur départemental du travail de l’accord entre les deux parties. On peut imaginer que le rôle de celui-ci est notamment de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un plan de licenciement collectif. Le choix de la direction départementale plutôt que l’inspecteur du travail est probablement une demande du Médef qui se méfie de certains inspecteurs qui ont une conception très idéologique et personnelle de leur rôle.
J’ai déjà noté que certains salariés sont demandeurs d’une rupture à l’amiable pour pouvoir bénéficier des indemnités chômage. C’est pourtant le Médef qui a demandé cette nouvelle forme de rupture. Les entreprises voudraient donc pouvoir faire des séparations à l’amiable dans un certains nombre de cas. La forme actuelle des transactions n’est en effet pas très bien adaptée dans certains cas et du coup pas sécurisée juridiquement.
La transaction apparaît en effet comme une façon de sortir d’une procédure conflictuelle déjà entamée : la direction ayant convoqué le salarié pour entretien préalable puis ayant ensuite notifié ce licenciement. Il ne peut donc y avoir transaction sans cette procédure légale, même si de fait dans un certains nombres de cas, l’accord transactionnel s’est fait avant la lettre de notification.
Mais pour faire une notification, il faut pouvoir appuyer celle-ci sur des raisons (par exemple faute grave) et appuyer celle-ci sur des éléments factuels solides. Si la direction s’est mise d’accord avec le salarié avant la notification et qu’elle n’est pas attentive à la qualité de sa notification, elle risque de se retrouver avec un salarié qui « oublie » qu’il a transigé et qui attaque la notification en prud’homme. Certains vont donc jusqu’à postdater la transaction et la garder au chaud dans un coffre.
L’entreprise se trouve confrontée à des cas où il n’y a pas de cause réelle et sérieuse pour justifier un licenciement, mais où il y a pourtant accord des deux parties sur la séparation, ou même demande du salarié. Il peut y avoir des désaccords sur le fonctionnement ou des difficultés relationnelles. Ou une situation conflictuelle entre le salarié et son hiérarchique direct dont il est clair que les responsabilités sont partagées, et sans que le contexte de l’entreprise ne permette une séparation par mobilité interne d’une des deux parties.
On note aussi des demandes de salariés qui veulent quitter leur entreprise sans avoir de nouveau poste : parce qu’ils ne sont plus bien dans leur travail, parce qu’ils ont un projet de reconversion, parce qu’ils veulent créer leur entreprise. J’ai ainsi vu une salariée qui s’était fait agréer comme assistante matérnelle. Elle avait calculé qu’il lui faudrait 3 enfants pour avoir un revenu convenable et que cela se ferait progressivement. Elle voulait donc bénéficier des Assedic pour faire la transition, et a donc demandé d’être licenciée. J’ai vu aussi dans une autre société le cas d’une personne qui voulait se consacrer à son enfant mais qui voulait ne pas trop diminuer ses revenus.
Le nouveau système est donc une réponse à tous ces cas beaucoup mieux bordée juridiquement pour l’entreprise que la procédure de transaction .
Les négociateurs représentants les salariés ont obtenu une mesure de précaution pour le salarié : la possibilité de se rétracter dans un délai de 15 jours, système qui ressemble à ce que la loi Scrivener a organisé pour le consommateur. Cette précaution me semble très sage. Un salarié confronté à une proposition de rupture de ce type, assorti d’un mélange de menaces (sur des fautes imaginaires ou non) et de carottes (le montant de l’indemnité) peut en effet regretter ensuite de s’être laisser faire. On peut imaginer que certains employeurs indélicats feront des accords antidatés , mais ils courent le risquent que la direction départementale intervienne.
Comment va se passer la mise en œuvre ? Je serais étonné que cette mesure ne soit pas utilisée, à l’image du CDD senior qui n’a connu à ce jour qu’un peu plus d’une vingtaine d’applications. Je vois deux risques
Le premier risque est que le salarié voulant démissionner parce qu’il a trouvé un autre poste veuille obtenir des indemnités.
Le deuxième risque est que les salariés âgés utilisent ce dispositif ou soit invités à utiliser ce dispositif pour prendre une pré retraite déguisée en profitant de la dispense de recherche d’emploi après 57 ans.
On observe en effet que les PSE se font aujourd’hui très souvent sous la forme de plan de volontariat : ceux qui affichent un projet mais ont en réalité l’intention d’arrêter de travailler seraient environ 30% des effectifs concernés.
Au final,
c’est l’Unedic qui sera impacté par ce protocole d’accord !
Les commentaires récents