Ma fille a acheté il y a quelques mois un billet pour un voyage en mai prochain en Asie du sud est . Las, elle a changé d’avis mais on ne veut lui rembourser qu’une misère. Elle n’est pas vraiment contente !
Elle avait bénéficié d’un tarif assez bas (moins de 1000 euros) mais ne comprend pas pourquoi le vendeur ne veut pas reprendre le billet (alors qu’il pourra revendre la place, même plus cher actuellement) ou accepter un changement de nom. Il fallait qu’elle prenne une assurance désistement lui apprend on
On peut s’interroger sur le sens du client de la compagnie mais aussi sur ses motivations profondes et donc sur sa stratégie tarifaire
Contrairement à ce que semble imaginer ma fille, les avions ne sont pas toujours pleins! Et le taux de remplissage est un élément clé des résultats économiques de la compagnie. Ce taux peut évidemment être de 100% mais aussi nettement plus bas, selon les périodes, ce qui va donner une moyenne autour de 65% généralement.
Or, on comprend bien que les coûts de voyage pour l’avionneur sont quasiment fixes, et ne dépendent pas du nombre de voyageurs ; Il est d’ailleurs à noter que la compagnie lui propose de lui rembourser les taxes aéroportuaires, c'est-à-dire ce qui est fonction du nombre de voyageurs dans ses coûts.
Si la compagnie équilibre ses coûts avec un taux de remplissage de 65% et si elle vend tous ses billets le même prix, en passant à un taux de 68% son bénéfice avant impôt sera de 5% de son chiffres d’affaires et à contrario, avec un taux de 62% sa perte sera de 5% de son CA : on voit bien à quel point remplir l’avion est une question majeure !
Dans ces conditions, vendre un billet supplémentaire même moins cher peut être rentable, à condition qu’il soit vraiment supplémentaire (qu’il ne remplace pas un billet au prix normal). Suivant cette idée, les compagnies ont développés des pratiques tarifaires assez complexes (le yield management) dont une des illustrations peut être les billets réduits pour les seniors en période creuse : en poussant les retraités à déplacer leur voyage dans les périodes creuses, on libère une place en période forte pour ceux qui n’ont pas le choix de la date et paient leur billet au taux plein en période d’affluence.
C’est le même raisonnement qui pousse les compagnies à faire du surbooking, pour tenir compte des annulations au dernier moment : il vaut mieux avoir un passager à loger à l’hôtel et à dédommager parce qu’on a mal calculé le surbooking qu’avoir 10 ou 15 places vides. On sait aussi la limite du raisonnement, en particulier les conséquences des clients furieux sur l’image de la compagnie.
Le billet peu cher que ma fille a obtenu en le prenant longtemps à l’avance est probablement le signe qu’il se trouve dans une période où les avions ne sont pas pleins: la place que ma fille ne prendra pas est probablement perdue pour la compagnie, qui ne trouvera pas d’acheteur supplémentaire pour la remplacer.
Vendre certains billets moins cher a pour but d’amener des clients en plus, pas à faire qu’un client qui serait venu de toutes manières profite de l’occasion. On voit bien pourquoi il y a des billets moins chers à la fin : toute place vendue en plus est du boni. A contrario, une partie importante des clients potentiels ne prendra pas le risque de ne plus avoir de billet et paiera donc le tarif normal.
On voit moins bien pourquoi il y a des billets moins cher au tout début. J’imagine qu’il s’agit pour la compagnie de tester son offre pour l’ajuster si besoin (fusion de deux voyages, choix de l’avion utilisé etc.). Dans le cas du billet de ma fille, la compagnie s’était peut être réservé la possibilité de modifier certains paramètres du voyage. Mais il est probable que l’information récoltée par la vente au début soit précieuse pour la définition de la politique tarifaire ensuite.
Reste la question du refus de changer le titulaire du billet, ce qui reportait sur ma fille la charge de se trouver un remplaçant
Je vois deux raisons possibles au refus de la compagnie
La première, serait celle de la lutte contre le terrorisme et la nécessité d’avoir une bonne traçabilité de l’identité du voyageur.
La deuxième est le risque de ce qu’on appelle le marché gris (qui n’est donc pas exactement du marché noir)
Si je laisse la possibilité à mon client de revendre son billet, je risque de voir se développer des activités de petits malins qui vont acheter au début les billets moins chers (ce qui me fera perdre de la qualité d’information) et qui les revendront ensuite plus chers qu’ils ne l’ont acheté mais moins que le tarif affiché par la compagnie. Cette pratique peut être celle d’entreprises ayant pignon sur rue. La lutte contre le marché gris fait partie des pratiques d’offres de produits et services.
Voilà. Peut être que pour une fois ma fille lira mon blog ?
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