En deux billets successifs, Eolas nous met en face d’une situation en nous demandant ce que nous ferions à la place du juge puis en nous révélant ce qui a été décidé. Ses commentaires m’ont éclairé sur les situations que j’ai rencontrées comme délégué du personnel, devant les sanctions reçues par les salariés.
Eolas souligne en effet que « une décision tellement sévère qu'elle est perçue comme injuste sera d'un point de vue pédagogique désastreuse». Cette remarque rappelle que l’un des principaux buts de la sanction est d’amené la personne punie à ne plus recommencer !
Cet objectif permet à mon sens de bien comprendre pourquoi on prend en compte la situation de l’intéressé. Dans le cas exposé (un petit vol mais avec récidive), le fait que le prévenu soit père de famille et ait un travail stable le pousse à respecter les règles de la société, il est important que la sanction ne remette pas en cause ces éléments qui jouent positivement. De même le montant de l’amende est calculé en fonction des revenus du condamné, pour qu’il soit touché au porte-monnaie comme on dit, mais qu’il soit en mesure de la payer.
Cet exemple (qu’on lira avec intérêt comme tous les billets d’Eolas), m’a renvoyé à un cas vécu dans mon entreprise. Face à la sanction décidée par la direction, la personne ayant défendue le salarié insistait sur le fait qu’il y avait un risque élevé de démotivation, la sanction paraissant disproportionnée par rapport à une faute qui n’était pas contestée.
Puisque nous ne sommes pas dans un cas de licenciement, l’intérêt bien compris de l’entreprise est en effet que le salarié concerné ne réitère pas une faute du même genre, mais aussi qu’il continue à s’impliquer dans son travail. La sanction peut l’aider à comprendre qu’il est a franchi la ligne jaune mais ne doit pas être ressentie comme une injustice.
Le déroulement de la procédure, comportant notamment une convocation à un entretien préalable à la décision de sanction a d’abord pour objet un jugement réfléchi (si possible objectif et serein !) et une vérification des faits sur lesquels il s’appuie. Mais elle permet aussi la prise de conscience du caractère anormal de ce qui s’est passé.
On voit bien ici toute la difficulté de l’exercice. Il s’agit de sanctionner un dérapage par rapport à un comportement attendu. La sanction ne peut être considérée comme juste que si le sanctionné admet que son comportement n’est pas acceptable. Cela renvoie donc à une norme sociale. Dans la plupart des cas (par exemple dans le cas que j’évoquais dans mon entreprise), la personne sait bien que son comportement n’était pas normal. Mais on peut rencontrer des cas où le comportement jugé anormal par la société dans son ensemble est au contraire valorisé dans la micro société où évolue la personne. Je pense ici au hasard à ces jeunes qui se font filmer en tabassant un autre pour pouvoir s’en vanter.
Le processus du jugement et de la sanction devront amener la personne concernée à remettre en cause son système de normes. Problème pédagogique qui est loin d’être simple et que les discours à l’emporte pièce sur les sanctions nécessaires ou sur la répression qui ignorerait la prévention ignorent souvent superbement.
Pour finir sur une note positive, et toujours dans mon entreprise, je me souviens d’une toute jeune salariée ayant fait par inconscience une bêtise qu’on pourrait qualifier d’erreur de jeunesse. Elle avait écopé d’une lettre d’avertissement, sanction sans conséquences financières mais plutôt rare chez nous. Cette jeune femme est aujourd’hui, quatre ans après, considérée comme une des meilleures de son équipe, promise à un brillant avenir. Elle avait su accepter dans sa tête qu’elle avait fait une erreur, et son manager a su continuer à lui faire confiance malgré cette erreur. On aimerait que ce scénario positif soit le but recherché par ceux qui sont confrontés à la définition d’une sanction.
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