Il n’y a pas de doute sur la victoire du camp présidentiel et guère sur l’ampleur de celle-ci. Pourtant, tout n’est pas joué, et certaines situations locales, parfois à conséquences nationales, méritent l’attention
Les sondages prévoient un score proche de celui de 2002, loin de la déferlante de 1993 qui n’avait laissé au Parti Socialiste que 57 sièges, la parti communiste en conservant 23. Cette fois, le Parti Socialiste devrait retrouver un nombre d’élus assez proche de celui de ses 141 sortants et le Parti Communiste perdra quelques sièges.
Cette apparente stabilité devrait cacher des gains et des pertes des deux cotés. Le scrutin présidentiel conduit à prévoir une progression de le droite au dessus d’un axe Marseille / Le Havre et un recul en dessous.
Il faut cependant regarder avec prudence les résultats du 6 juin, les implantations locales pouvant compenser les scores obtenus ailleurs. C’est ainsi que Juppé et Montebourg pensent être (ré) élus alors que leur circonscription a donné une assez nette majorité au camp d’en face.
On peut cependant s’attendre à ce que 20 ou 30 députés sortants soient battus de chaque coté, peut être un peu plus ou un peu moins, on ne peut évidemment pas le savoir, un écart d’un point représentant des dizaines de circonscriptions qui basculent . Ipsos note que « En 2002, l'écart final entre le candidat de droite et de gauche a été inférieur à 3 points dans 84 circonscriptions, entre 3 et 5 points dans 49 autres. » Rappelons qu’un écart de 5 points s’il y a deux candidats, correspond à un score de 52.5% pour le vainqueur. A 3 points, on est en dessous de la marge d’erreur des sondages…
Deux candidats, mais il peut y en avoir trois (voire quatre mais c’est très rare) au deuxième tour. La réside une des inconnues du scrutin, combien y aura-t-il de triangulaires au deuxième tour, la question est d’importance pour le Front National et le Modem.
Il y a cinq ans, le Front National avait recueilli 11.34% des voix au premier tour, ce qui lui avait permis de provoquer 37 ( ?) triangulaires. Cette fois ci, les sondages ne lui promettent que 6% des voix. Il ne devrait donc pouvoir se maintenir que dans quelques rares circonscriptions, provoquant donc moins de gêne pour l’UMP.
Rappelons qu’il faut réunir au moins 12.5% des inscrits pour se maintenir au deuxième tour. Selon le pourcentage de votants, cela correspond à un pourcentage plus ou moins élevé de suffrages exprimés. Ainsi, avec les 35.5% d’abstention en 2002, il fallait en moyenne 19.4% des exprimés. Avec un taux d’abstention attendu de l’ordre de 20%, la barre sera plus basse, à 15.6% environ. Mais pour un Front National très affaibli dans ses zones fortes, ce sera encore trop haut.
Pour le FN, la circonscription à suivre est la 14ème du Pas de Calais, où se présente Marine Le Pen. Celle-ci a abandonné la 13ème circonscription (Lens) ou elle avait obtenu 24% des voix au premier tour et 32% au second (la droite étant éliminée) pour la 14ème (Hénin), où le candidat du FN, devenu cette fois ci son suppléant, avait fait 20% au premier tour et 32% au second. Marine Le Pen, qui risque cette fois ci d’être éliminée, joue en partie son avenir au sein de son mouvement. Nous avons tout à espérer qu’aucun leader du Front national ne puisse se prévaloir d’un bon résultat pour asseoir son leadership, la division des successeurs de Le Pen étant le meilleur garant de l’effondrement du parti après le départ de son leader, la présidentielle de 2007 ayant déjà largement entamé le travail de démolition.
Le Modem espère lui aussi avoir le maximum de candidats capable de se maintenir au deuxième tour. Les sondages de la présidentielle ont montré qu’un candidat centriste en deuxième place au premier tour a beaucoup de chances d’être premier au second tour. Contrairement au scrutin présidentiel, le système en vigueur aux législatives peut permettre au troisième de se maintenir. Mais la réalité est qu’il n’a alors quasiment aucune chance de gagner.
Lors du scrutin présidentielle, François Bayrou ne s’est que très rarement retrouvé localement à l’une des deux premières places, comme je l’ai montré ici. Faute d’une progression par rapport à ce scrutin, il ne pourrait alors que troubler le deuxième tour en provoquant des triangulaires sans chances de l’emporter.
En réalité, les sondages ne lui laissent guère d’espoir de provoquer ces fameuses triangulaires. En effet, ils prévoient pour le Modem un score pratiquement divisé par deux par rapport au score de Bayrou. Faute de candidats fortement implantés localement, il risque de disparaître presque systématiquement, à l’exception des cas où il s’agit du député sortant. En dehors de ces cas, le Modem ne devrait pas provoquer plus de 10 triangulaires, et sans doute nettement moins.
Je peux bien sûr me tromper. Mon frère qui habite le 5ème arrondissement de Paris prévoit une triangulaire dans sa circonscription, la deuxième de Paris. Il est vrai que Bayrou y a réuni 24% des suffrages (le 5ème est son meilleur score parisien) et que le Modem est favorisé par la boboisation de Paris. Si son candidat local réunit les deux tiers des voix de Bayrou, il peut être au deuxième tour. Ce n’est pas impossible mais c’est loin d’être gagné. Et il s’agit d’une des circonscriptions les plus favorables au Modem, avec un Tibéri particulièrement usé. Elle entre à priori dans les dix dont je parle plus haut.
L’enjeu défensif pour Bayrou est que les quelques députés qui l’ont suivi gardent leur siège. Ce devrait être son cas et j’imagine celui de son ami Lassale. La situation d’Anne Marie Comparini dans la première de Lyon est sans doute plus difficile. Elle risque de se retrouver dans une triangulaire. L’histoire particulière de la ville et de la région fait qu’elle obtiendra plus facilement le soutien de la gauche socialiste au deuxième tour que celui de la droite. On imagine assez bien Gérard Colomb, maire de Lyon, la soutenant contre l’UMP en prévision des municipales.
Les municipales. Elles constituent peut être le principal enjeu du scrutin, en tous les cas dans la tête de beaucoup de leaders locaux qui préparent déjà cette échéance. La gauche a très bine résisté dans les villes centres lors de la présidentielle, la droite l’emportant grâce aux zones péri urbaines.
Lyon et Paris avaient été les principales conquêtes de la gauche en 2001, dans un scrutin qui lui avait été plutôt défavorable par ailleurs. Les combats qui s’y mènent aujourd’hui ont donc une importance cruciale, pas seulement pour Delanoë et Colomb, ou Panafieu et Perben. Les Verts et le Modem regardent aussi avec beaucoup d’attention ces deux villes.
Pour le Modem, il y a bien sûr l’espoir être au second tour dans plusieurs circonscriptions, par exemple avec Marielle de Sarnez dans la 11ème de Paris, ou dans le . Paris a donné 20.73% des voix à F Bayrou, Lyon 22.09%.
Mais ce sont surtout les Verts qui vont regardé les résultats dans ces deux villes à la loupe. Ils font partie des majorités municipales et s’y agitent beaucoup, ce qui agace probablement les deux maires qui verraient peut être d’un bon œil de les remplacer dans leur liste par le Modem.
Les Verts ont deux sortants à Paris, élus d’assez peu en 2002 : Martine Billard (élue avec 50.91% en 2002) dans la 1ère et Yves Cochet (élu avec 51.83%) dans la 11ème, justement celle de Marielle de Sarnez. Il parait que Cochet agace beaucoup les socialistes locaux, qui pourraient être tentés de se reporter sur la pasionaria du centre…Dans la 1ère, S Royal a devancé le président élu de plus de 2000 voix ; donc théoriquement pas de problème. Mais là, aussi Bayrou a fait un bon score…
Toujours à Paris, le cas de la 8ème circonscription où le sortant UMP Jean De gaulle ne se représente pas : Arno Klarsfeld parachuté au dernier moment par l’UMP aura bien du mal à résister à la poussé socialiste, malgré un battage médiatique considérable.
Le Parti communiste joue son groupe à l’Assemblée Nationale, le score calamiteux de MG Buffet ne présageant rien de bon pour lui. Va-t-on vers un groupe PC+Verts+MRG ?
Quand au Nouveau Centre, ringardisé par les commentaires sur Morin, sa famille et ses chauffeurs, considéré comme une annexe de l’UMP regroupant des « traitres » à Bayrou, il risque bien d’être le seul en dehors de l’UMP et du PS à avoir un groupe à l’Assemblée. Et on imagine assez que les élus UDF locaux lorgneront vers lui quand il faudra composer des listes aux municipales avec l’UMP.
Parmi les 29 sortants UDF, 7 avaient obtenu en 2002 un score seulement légèrement supérieur à 50% . Trois ont rallié le MODEM (y a-t-il un lien ?) : Gilles Artigues, Jean Christophe Lagarde et Gérard Vignoble . Trois se retrouvent dans le Nouveau Centre : Dionis du séjour, M Perruchot et F Vercamer, le dernier Rodolphe Thomas réussissant l’exploit d’avoir les deux soutiens.
Le Nouveau Centre risque donc au pire de perdre 4 élus sur 23 sortants. La possibilité pour lui de constituer un groupe demain reste donc très probable
D’autant que certains poussent à l’UDF à des retrouvailles au sein de la famille après les législatives. Les élus du Modem s’inscriront ils comme apparentés du Nouveau Centre ? Où arriveront ils à faire un groupe avec des non inscrits des DOM Tom voire avec des radicaux de gauche ou des Verts ?
François Bayrou s’est bien gardé de présenter des candidats contre ses ex amis, à l’exception de Santini et Blanc qui avait soutenu Sarkozy dès le premier tour ;
Je suivrais bien sûr particulièrement le score de Christian Blanc dans la troisième des Yvelines. Il a la particularité d’avoir face à lui le candidat UMP qu’il avait battu dans la partielle de 2002. Maire de la principale ville de la circonscription, ce dernier se présente sans le soutien de son parti mais sa candidature et celle du candidat Modem devrait empêcher l’ancien PDG d’Air France de l’emporter au premier tour.
Autre circonscription à suivre, celle de la 1ère de l’Isère où se présente Alain Carignon contre le député UMP sortant. Vu le passé des uns et des autres, le résultat le plus moral serait une victoire socialiste. D’autant que là aussi, se sont les municipales qui se profilent. Et la ville de Grenoble mérite certainement plus de garder son maire socialiste, Michel Destot, dont le comportement dans le PSE d’Hewlett Packard fut exemplaire, que le populiste, clientéliste et ex condamné Alain Carignon.
Pour finir, un mot sur la nouvelle règle de financement des partis : il faut dorénavant 1% des voix dans 50 circonscriptions pour en bénéficier. Il y aura moins de petits soi disant partis pour y être éligible !
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