Le centre s’est coupé en deux, les réseaux Désirs d’Avenir sont utilisés comme une machine de guerre contre les éléphants du PS. A l’extrême gauche, les logiques d’appareils ont déçus les militants des collectifs pour le non qui espéraient une candidature unitaire. Partout, la jeune génération d’adhérents se trouve sur des bases très différentes de celle des vieux militants et plus encore des élus
Le cas de l’UDF est bien sûr le plus emblématique : François Bayrou a été soutenu depuis plusieurs années par des jeunes militants plus à gauche que les élus. Si la plupart des députés sortants ont refusé de le suivre dans sa rupture avec la droite, on peut penser que ce sera bientôt le cas de nombreux élus municipaux qui se représenteront en 2008 avec les candidats UMP avec qui ils travaillent généralement. Au Conseil de Paris qui vient de se couper en deux, la moyenne d’âge des élus MODEM est de 56 ans quand celle des élus du Nouveau Centre est de 64 ans ( !).
Au PS, l’incompréhension est assez forte entre les jeunes ségolénistes et les militants aguerris. D’après de nombreux échos, beaucoup de ces derniers pointent la méconnaissance des règles de fonctionnement collectifs et les discours parfois très éloignés de la vulgate socialiste (« ils ne se rendent même pas compte qu’ils ont un discours libéral »). De leur coté, les plus engagés à Désir d’Avenirs attendant déjà depuis plusieurs mois avec impatience le congrès qui leur permettra de se débarrasser de leurs adversaires au sein du parti socialiste. Quand Ségolène Royal souhaite développer Désir d’Avenir alors qu’elle a fréquemment pris ses distances avec le PS pendant la campagne, on peut se demander si les conditions d’une scission ne sont pas réunies ici aussi. Mais une scission qui ne serait pas entre les partisans du non et ceux du oui comme on a pu le penser à une époque. Une scission entre les cadres et les adhérents réunis autour d’un leader présidentiable.
Comme cela a été le cas il y a une douzaine d’années au Front National.
A l’extrême gauche, les jeunes enthousiastes des collectifs du non n’ont par contre rien pu faire contre les froides logiques des organisations trotskistes, la LCR ayant sans doute prévu depuis 2002 de profiter à fond de la jeunesse de son candidat et de son air de gendre idéal pour battre Lutte Ouvrière d’un coté, le PC de l’autre ; mais dans ce camp, ce sont la LCR ou SUD qui représentent les jeunes contre les vieux du PC ou de la CGT.
Ces jeunes font confiance à un leader qui a su faire le pari de les écouter en dehors des systèmes d’appareil, S Royal ayant le plus compris l’intérêt d’Internet de ce coté.
Qui instrumentalise qui ? La jeune génération qui saute sur l’occasion offerte pour redonner de l’air à la politique ? Certainement ! Mais on peut aussi voir (en sachant qu’il ne s’agit évidemment pas de la même chose) dans les pratiques d’un Bayrou ou d’une Royal la démarche utilisée par Mao lors de la révolution culturelle : s’appuyer sur les jeunes militants pour asseoir son pouvoir contre les vieux caciques!
On ne saurait évidemment pas réduire les luttes de clans en cours au centre et au PS à des conflits générationnels : après tout, si Montebourg soutien Ségolène Royal, c’est aussi le cas de Pierre Mauroy qui n’est pas de première jeunesse !
Et puis, la lutte des nouvelles générations pour se faire une place au soleil n’est pas nouvelle : on se souvient du manifeste des quadras de la droite, avec Noir et Carignon, Baudis et Longuet et quelques autres. Et le NPS était par certains cotés le courant des jeunes qui voulaient avoir leur part du gâteau !
Alors, rien de nouveau sous le soleil ? Cela serait aller un peu vite !
Au-delà du renouvellement des idées et des hommes, au-delà de l’accès à de nouveaux moyens de communication, il y a sans doute le résultat d’une évolution massive de la société.
D’où sortent ils tous ces jeunes, et en particulier ceux qui par dizaines de milliers ont rejoint Bayrou ou Royal ?
Il me semble que beaucoup ont fait des études supérieures, reflétant l’évolution qui fait que 20% d’une classe d’âge obtient un bac+2 et 20 autres % un bac+4 ou 5. Ils sont parfois encore étudiants, mais beaucoup sont déjà dans la vie active, souvent comme cadres.
Ils n’ont rien contre la démocratie représentative mais souhaiteraient avoir plus leur mot à dire dans les choix politiques et s’intéressent à ce titre à la démocratie directe, ou participative à la Royal. Habitués de plus en plus à travailler en réseau, utilisateurs naturels d’Internet, ils voient dans le fonctionnement représentatif un système qui peut confisquer leur parole. Et ils veulent pouvoir discuter d’égal à égal avec leurs leaders.
Cette volonté d’être de plain pied qu’avait bien vue Alain de Vulpian, par certains cotés réplique de l’attitude désinvolte d’un Daniel Cohn Bendit en 1968, se double d’un manque d’expérience du fonctionnement collectif et de ses règles qui peuvent paraître pesantes aux néophytes. Sur ce point, ils ne peuvent que choquer les vieux militants qui ont appris les moyens de permettre l’expression orale de tous, du moins en théorie.
On sait aussi que ces militants peuvent souvent être volatiles : c’est la génération des zappeurs ; ce n’est pas un hasard si le conflit se joue au PS sur la date du congrès : chacun espère ou craint que dans un an une partie des jeunes auront disparu !
Le vrai défi posé à chacune des forces politiques concernées, c’est celui que se posent déjà les syndicats qui voient leurs militants partir en retraite : ce n’est pas la victoire d’une génération sur l’autre mais la synthèse. Comment renouveler les valeurs et les intuitions fortes d’hier avec les réalités et les mots d’aujourd’hui ?
Ceux qui réussiront seront bien placés pour 2012. Pour l’instant, il y a encore du travail
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