Sur mon portable hier soir, un message me signalait que le Monde voulait l’avis d’un spécialiste de la question des seniors. Pas de chance, je n’étais pas disponible et c’était urgent. Mais je me suis demandé ce que j’aurai répondu, la raison de l’appel étant probablement les propos de Nicolas Sarkozy sur la dispense de recherche d’emploi pour les plus de 57 ans.
Dans son discours aux députés de l’UMP mercredi 20 juin, Nicolas Sarkozy a en effet souhaité que « disparaissent au plus vite les préretraites » et annoncé la suppression prochaine des dispositifs de dispense de recherche d’emploi qui permettent à des chômeurs de plus de 57 ans de ne pas être sanctionnés
La disparition du dispositif FNE des pré retraites étant programmée par la loi Fillon de 2003 pour 2008 et ne concernant qu’un nombre relativement limité de personnes, la déclaration importante concerne la dispense d’emploi pour les plus de 57 ans.
Les derniers chiffres publiés par la DARES, ceux de mars 2007, donnent un volume de 412 300 personnes concernées par ce dispositif. Si on chiffre autour de 2 millions les personnes ayant au moins 57 ans sans avoir 60 ans, les personnes concernées par le dispositif en représenteraient 20% ! Si ces personnes sont entrées dans le dispositif à 57 ans (ce qui est une façon de sous estimer les chiffres qui vont suivre) cela signifie qu’il entre et sort du dispositif en moyenne chaque mois environ 115 000 personnes.
D’où sortent tous ces chômeurs de plus de 57 ans ? Il y a bien sûr certaines personnes qui étaient en contrat précaire auparavant ou qui ont perdu une activité non salarié.
Mais pour la plupart, il s’agit de personnes licenciées. Pour raison économique ou pour d’autres raisons. Le nombre mensuel de licenciements économiques est autour des 12 000. C’est parmi eux qu’on trouve les pré retraités (par le FNE ou par des pré retraites maison). Mais les autres licenciements se situent autour de 50 000 par mois (il y a eu une légère décrue en 2007 avec 45 000 en moyenne sur les 3 derniers mois).
Le terme autres licenciements recouvre de nombreux cas de figure mais entre autres de nombreuses transactions : l’employeur et le salarié se mettent d’accord sur les conditions du départ, celui-ci pouvant être affiché sur des prétextes variés (par exemple pour faute). Au fur et à mesure que le législateur encadrait plus fortement les licenciements économiques, on a pu observer un transfert de ce type de licenciement vers les autres. En 1996, il y a eu 455 921 licenciements économiques et 375 452 autres soit un total de 831 373. En 2006, il y a eu 195 328 licenciements économiques et 589 133 autres soit un total de 784 461. Le transfert apparent est compris entre 214 et 260 milliers (la hausse d’une catégorie et la baisse de l’autre).
Parmi ces transactions, il y en a de nombreuses qui concernent des salariés âgés, à qui on va expliquer qu’ils seront dispensés de recherche d’emploi puis qu’il pourront faire jouer leurs droits à la retraite. Une indemnité de licenciement correcte et ce ne sont pas les volontaires qui manquent. Et les PSE (plans sociaux) faisant de plus en plus appel au volontariat, cette situation est fréquente. On m’a relaté le cas extrême d’une personne de 49 ans ayant commencé à travailler à 14 ans et qui a accepté un tel licenciement après qu’on lui ait expliqué combien elle allait pouvoir obtenir avec diverses allocations jusqu’à la date de liquidation de retraite.
En effet, il y a un consensus social pour traiter les réductions d’effectifs par ce qu’on appelle pudiquement des mesures d’âge. Le syndicat FO est particulièrement en pointe sur cette position. Et si le Médef s’en plaint officiellement, ses adhérents pratiquent la méthode sans état d’âme !
Alors, pourquoi changer ce système qui semble arranger tout le monde ? Parce que par ailleurs, l’équilibre des comptes sociaux passe par une augmentation progressive de l’âge de fin de carrière. Or ce n’est pas ce qu’on constate depuis 15 ans, comme le montre le rapport sur l’emploi à l’horizon 2015. Il faut bien renoncer à un mécanisme qui incite de fait les acteurs à organiser des fins de carrière anticipées !
Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle Nicolas Sarkozy veut remettre en cause ce dispositif alors que cela conduira à augmenter le taux officiel du chômage (en théorie jusqu’à 1.5 points !) .
La dispense de recherche d’emploi est une pièce importante d’un ensemble de modes de traitement de l’emploi et du chômage qui considèrent l’emploi comme un gâteau limité : d’une part il faut empêcher de le réduire (donc compliquer les licenciements) d’autre part tout ce qui diminue le nombre de convives est bon à prendre. Derrière le slogan « travailler plus pour gagner plus », il y a l’idée qu’au contraire il faut tout faire pour augmenter la taille du gâteau et qu’avoir plus de convives y participe.
Évidemment, ce type de solutions pose deux questions majeures, comme beaucoup de changement : les effets négatifs apparaissent avant les effets bénéfiques et comment fait on pour les personnes qui subissent la transition
Il faudra bien supprimer ce dispositif malthusien un jour. Autant le faire, pour le gouvernement, en début de mandat, et pour le pays au moment où l’économie se porte mieux et crée des emplois. Le gouvernement précédent avait commencé à montrer la voie en alignant à partir du 18 janvier 2006 les règles d’indemnisation des plus de 57 ans sur celles des plus de 50 ans.
Mais il faut compenser cette suppression par un renforcement des moyens d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Un renforcement a déjà été initié par le plan de cohésion sociale mais il reste du chemin à faire.
Il faut bien sûr accélérer la croissance. C’est le but des mesures fiscales et sociales prises par le gouvernement mais on sait que tous les économistes ne sont pas convaincus de son efficacité, loin de là. J’attends pour ma part des mesures plus durables pour favoriser l’innovation.
Une question pour finir : comment vont agir les acteurs face à cette évolution du système ?
Bon tout cela mérite d’être creusé !
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