Le contrat première chance proposé par la candidate socialiste a déclenché une polémique, l’extrême gauche pointant la ressemblance avec le défunt CPE, la presse et la droite l’imprécision des propos.
Ce n’est pourtant pas pour le plaisir de jouer avec la législation du travail que Dominique de Villepin hier et Ségolène Royal aujourd’hui ont abordé ce problème : il y a une vraie difficulté à l’entrée à l’emploi et à l’emploi tout court chez les jeunes non qualifiés.
Etre « jeune non qualifié », c’est cumuler deux difficultés majeures pour être au travail. La difficulté de tous les jeunes pour entrer dans un monde du travail qui favorise outrageusement ceux qui y sont déjà (les insiders) par rapport à ceux qui veulent y pénétrer (les outsiders), La difficulté de ceux qui n’ont pas de qualification dans une économie qui exige de plus en plus un vrai savoir faire, dans un monde du travail où le chômage s’est progressivement concentré depuis 30 ans sur les moins qualifiés.
L’enquête du CEREQ sur la situation au bout de trois ans des jeunes sortis du système scolaire en 2001, montre que 40% des non qualifiés sont au chômage, que 31% de ceux qui n’ont pas fini leur CAP ou leur BEP sont dans le même cas, contre 16% de l’ensemble. Quelques soit le niveau de formation, la différence est nette entre ceux quoi ont eu leur diplômes et ceux qui ne l’ont pas eu.
La question de la différence de traitement entre les insiders et les outsiders pose la question particulièrement délicate du droit du travail. La difficulté de licencier conduisant des entreprises à hésiter à embaucher et à préférer les contrats précaires, certains préconisent de revoir la protection du CDI pour réduire les différences entre contrats. De nombreux rapports ont analysé cette question
Plutôt que de s’attaquer au système dans son ensemble, Dominique de Villepin l’a pris par les deux bouts générationnels. Si le CDD pour les seniors a passé l’épreuve du feu, on sait ce qu’il en a été du CNE. La réflexion globale reste ouverte et Nicolas Sarkozy prône le contrat unique, dans la ligne du rapport Cahuc. La position réelle de la candidate socialiste sur le sujet ne m’apparaît pas clairement.
Le gouvernement me semble avoir fait l’erreur de mélanger dans le même dispositif tout les jeunes, quelque soit leur niveau de formation. Il est vrai que Martine Aubry avait ouvert son dispositif emploi jeunes aux bac + 2. Mais la cause du chômage des jeunes diplômés en 2005 ressortissait plus à la conjoncture d’une part, à des questions d’orientation d’autre part (certaines filières universitaires manquent de notoriété publique de débouchés)
Le problème du sur chômage des non qualifiés pose d’autres questions de long terme. D’abord celle du SMIC : son niveau créé un effet d’éviction pour les moins qualifiés. Ensuite celle de la formation initiale : la proportion de jeunes sortant sans qualification du système scolaire a radicalement diminué depuis 40 ans mais elle stagne depuis dix ans et on commence à observer une montée des difficultés scolaires à la sortie du primaire, après des années de progrès.
Certains préconisent le développement de l’apprentissage, sujet sur lequel on observe un fort clivage entre la droite et la gauche, une partie de cette dernière craignant que l’apprentissage conduise à une exploitation des jeunes et une exclusion de fait d’une culture de base. La droite a beau jeu de montrer l’efficacité du système. La vrai question à mon sens n’est pas de refuser l’apprentissage, au contraire, mais de l’encadrer correctement.
La solution préconisée par Ségolène Royal avec le contrat première chance conduit à mettre l’accent sur le coût du travail. L’expérience des débuts du gouvernement Jospin montre que l’approche n’est pas sans intérêt. L’exonération de charges sur les bas salaires a manifestement profité au moins qualifiés. Mais elle conduit aujourd’hui la gauche à s’offusquer des aides aux entreprises. On tourne en rond !
Parmi les phénomènes explicatif du chômage des non qualifiés figurent aussi la capacité des chercheurs d’emplois à se déqualifier (reportant le chômage sur ceux qui sont en bas de l’échelle) et les exigences des entreprises habituées à avoir le choix et sur qualifiant l’embauche.
Je pense donc que la mise en place de la stratégie de Lisbonne (l’économie de la connaissance), en développant la demande de travailleurs qualifiés, bénéficiera en cascade à tous. Mais ce ne se fera que sur la durée puisque le changement des pratiques de recrutement prendra du temps.
La mise en place de dispositif d’aide est une mesure court terme et chère. Elle peut être nécessaire en attendant l’effet des mesures à long terme. Mais ce sont certainement ces dernières qui sont les plus importantes à mettre en place.
Pour finir, rappelons qu’on va vers une forte différenciation de la situation des non qualifiés selon le sexe, au détriment des garçons. Cette question à long terme demande aussi des changements qui seront longs à mettre en œuvre car essentiellement culturels. Raison de plus pour démarrer tout de suite.
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