Je voulais depuis un moment prolonger ma réflexion sur le vote présidentiel en analysant les trois hypothèses les plus plébiscitées : Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Ségolène Royal. Comme je n’ai qu’une confiance très limitée dans le fait qu’ils tiendront leurs promesses s’ils sont élus, j’essaierais de comprendre, au-delà de leurs déclarations d’intention ce qui est réellement important pour eux.
Les hasards de l’évolution de la campagne m’amènent à réfléchir en premier à la possibilité d’un choix François Bayrou.
Je suis donc allé voir le site de l’UDF et j’ai lu l’avant projet législatif rédigé par Pierre Albertini. Un document de synthèse en 32 pages claires, bien écrites et bien structurées. Ce projet comprend un diagnostic et 4+1 axes : Une révolution civique, une véritable démocratie, croissance et solidarité, investissements pour l’avenir, la France dans le Monde et dans l’Europe
Le diagnostic insiste sur les fractures qui traversent le pays, le creusement des inégalités et la montée des communautarisme, mais refuse de voir un déclin. Pour s’en sortir, il faut dépasser le clivage gauche / droite et rassembler pour l’intérêt général tous ceux qui partagent les valeurs de la République
Les mesures qui suivent à travers les 4 axes de l’avant projet se caractérisent par leur humanisme et leur modération.
A cette lecture, je comprends pourquoi C Blanc ne peut soutenir François Bayrou et un projet qui n’est pas à la hauteur des enjeux et qui n’intègre sérieusement aucune de ses convictions.
Il semble que l’UDF n’ait pas pris conscience de la gravité d’une situation qui nous voit progressivement prendre la dernière place en Europe sur le chômage (c’est fait dans l’UE à 15), la dette (on a perdu 9 places sur 15 en 12 ans) et la croissance (en 2006 nous ne dépassons que le Portugal !). C’est cette situation qui conduit au vote extrême et au communautarisme.
Evidemment dans ces conditions, il est assez normal que le projet comporte, à coté de propositions sensées (la modération !) sur certaines questions (je pense par exemple au rôle de la loi dans les relations sociales), des mesurettes ou des mesures inadaptées sur les questions majeures qui méritent au contraire une action forte.. Quelques exemples parmi d’autres :
Sur la réforme de l’Etat, le projet constate que « la multiplication des niveaux de décision génère des dépenses inutiles et des doublons » mais se contente de proposer une plus grande clarté dans la répartition des tâches entre niveaux administratifs, sans proposer de supprimer un niveau ni prévoir une nouvelle étape de décentralisation (je croyais l’UDF girondine…)
Le volet économique est particulièrement creux, ce qui n’est pas une surprise dans notre pays. Ni de la part d’un candidat qui a pensé possible d’avoir 200 milliards de recettes annuelles avec la taxe Tobin. Il comprend un chapitre sur la régularisation de la mondialisation qui ne fait de mal à personne (quel pouvoir avons nous dans ce domaine quand nous sommes complètement isolés sur la question ?). Assurer la stabilité juridique pour l’entreprise, c’est bien, vouloir un dialogue social apaisé ou former les jeunes non qualifiés aussi, mais tout cela ne fait pas un redressement économique. Diminuer les charges par différents artifices, c’est prolonger les actions qui se sont déjà révélés insuffisantes.
Sur la dette, l’UDF semble penser qu’il suffit d’inscrire dans la constitution qu’il ne peut y avoir de déficit sur le fonctionnement pour régler la question. Je rappelle que nous avons un traité international qui nous interdit plus de 60% du PIB pour la dette publique et que cela ne semble pas nous empêcher de dormir.
Quand à la mesure de suppression de charge sur les deux premiers emplois créés, qui ne voit les distorsions et les effets d’aubaine qu’elle ne peut qu’engendrer sans pour autant d’effets positifs ?
Un mot sur le retour à la proportionnelle : il permettrait à l’UDF de se libérer de la droite et d’avoir plus de députés, il augmenterait la probabilité d’une chambre ingouvernable, mais en quoi peut il aider le pays à faire face à ses problèmes ?
Je ne suis pas contre l’idée d’une grande coalition à l’allemande, mais à deux conditions :
Une durée très limitée (2 à 3 ans maximum) sinon par définition les électeurs mécontents n’ont d’autres solutions que se tourner vers les extrêmes. Le débat démocratique nécessite que l’électeur puisse choisir entre deux forces démocratiques de gouvernement.
Un programme de réforme important qui ne peut être réalisé sans une large adhésion. Ce serait l’idéal pour notre pays actuellement, mais l’UDF ne propose pas ce programme.
Je finirais sur la personnalité de F Bayrou. Il donne la priorité à la communication sur le fond et sa priorité est avant tout personnelle. Mais après tout on peut en dire autant de ses adversaires. Mais son discours anti-système serait plus crédible s’il n’avait participé à celui-ci depuis toujours.
Depuis 5 ans qu’on le voit régulièrement sur les chaînes de télé, son discours a toujours été celui d’un opposant de principe (sans véritable contre proposition) obsédé par la remise en cause des institutions (la 6ème République). Je suis désolé, mais cela ne peut en aucune façon constituer un programme.
Son passé comme ministre de l’Education Nationale est celui d’un homme qui a choisi la cogestion avec les syndicats et l’immobilisme qui va avec. N’attendons pas de sa part autre chose.
Enfin, il semble que cet homme ait un problème de travail en équipe qui l’amène à faire fuir tous ceux dont la personnalité pourrait lui faire de l’ombre. Le résultat c’est qu’il n’a pas de premier ministrable crédible dans ses rangs.
Au final, tout cela ne me donne évidemment pas envie. Mais je m’attends à la même impression partout. Il faut donc aller un peu plus loin
Le vote François Bayrou est un
vote protestataire. Après tout, il vaut 100 fois mieux cela que le vote Le Pen.
Il constitue donc un choix possible pour le premier tour si le risque Le Pen
est écarté. Mais cela ne me parait pas un choix possible pour le deuxième et je
connais des électeurs prêts à voter pour lui au premier tour mais pas au
second. Il y a beaucoup trop d’ambiguïtés dans sa position pour pouvoir
l’élire. Surtout que Bayrou président, ce sont cinq nouvelles années
d’immobilisme pour notre pays. Et celui-ci ne peut pas se le permettre. Je ne souhaite
donc pas voir Bayrou au deuxième tour. En réalité, plus F Bayrou monte dans les
sondages, moins j’ai envie de voter pour lui au premier tour.
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