Faut il laisser les entreprises licencier leurs salariés ? Y compris quand elles font des bénéfices ? Quel doit être le rôle des syndicats, de l’Etat, des élus ? Comment accompagner les salariés licenciés pour leur permettre de retrouver un travail ? Faut il imiter le Danemark ou le Royaume Uni dans ce domaine ? Faut il augmenter les indemnités de chômage ? Doivent elles être dégressives ? Faut il les maintenir si le chômeur refuse une offre d’emploi ? Toutes ces (bonnes !) questions sont au cœur de la campagne et à juste titre !
Mais avant d’examiner le programme des candidats, faisons un peu d’histoire !
Le gouvernement Chirac par la loi du 3 janvier 1975 introduit l’obligation d’informer et de consulter le comité d’entreprise spécifiquement en cas de licenciement collectif, et resserre l’autorisation administrative de licenciement sur les seuls licenciements économiques. Dans le même temps, l’allocation supplémentaire d’attente permet de maintenir pendant un an 90 % du salaire. Cette dernière mesure ne tiendra pas devant la montée du chômage et les déficits de l’UNEDIC. L’autorisation administrative de licenciement n’en refuse pas 10%.
La gauche arrivée au pouvoir va penser régler le problème par une relance keynésienne et la nationalisation des grandes entreprises. Le tournant de la rigueur ouvre la porte des restructurations, dans les entreprises nationalisées. Devant les fermetures de la sidérurgie, le gouvernement nomme Jacques Chérèque, ancien numéro 2 de la CFDT et père de son futur numéro 1, préfet à la ré industrialisation de la Lorraine. L’idée est bien alors de créer de nouveaux emplois plutôt que de refuser l’inévitable.
Depuis 1945, le comité d’entreprise est informé de l’évolution économique de l’entreprise et des conséquences sur l’emploi. Les modalités de ce rôle sont enrichies dans le temps mais le principe reste en permanence.
L’autorisation administrative de licenciement est supprimée par J Chirac avec effet début 1987 sans qu’il y ait un effet visible sur les courbes d’emploi et de chômage Le financement des préretraites par le fond FNE devient un moyen pour l’Etat de peser sur le contenu des plans sociaux. Avec les lois De Robien puis Aubry 1, les entreprises sont fortement incitées à utiliser la réduction du temps de travail (réduction dite défensive) pour diminuer l’impact sur l’emploi des restructurations.
Les plans sociaux successifs de Renault à Vilvoorde, puis de Michelin, Lu, Marks et Spencer mettent en difficulté un L Jospin qui déclaré que l’Etat ne peut pas tout et qui est attaqué sur sa gauche par la CGT et les trotskistes. Qu’importe que le plan social de Danone offre aux salariés de nombreux reclassements dans le groupe, de forte aides à la mobilité ou au reclassement (on a pu parler de Rolls des plans sociaux).
L’idée que le gâteau de l’emploi ne peut que se contracter est telle qu’un reportage de France 3 peut suivre longuement un vendeur de 40 ans de Marks et Spencer et pleurer sur son malheur sans évoquer une seconde l’idée qu’il pourrait trouver un nouvel emploi. Quelques mois plus tard, les Galeries Lafayette reprennent le site et proposent aux salariés de les reprendre également : 95% d’entre eux refuseront, préférant profiter des indemnités de licenciement et aller chercher un travail ailleurs.
Sous la pression des communistes, la gauche qui s’approche à grand pas de l’échéance présidentielle vote une loi dite de modernisation sociale qui rend plus difficile les plans sociaux et insécurise même juridiquement la procédure. La droite supprime les articles les plus irréalistes mais conserve (loi de cohésion sociale) certains points issus des pratiques antérieures des entreprises comme l’effort de ré industrialisation des territoires concernés (pour les groupes de plus de 1000 salariés). Les accords de méthode entre les partenaires sociaux sont favorisés. Le secrétaire du CE ne peut plus bloquer la procédure en refusant de signer l’ordre du jour du Comité d’entreprise.
Aujourd’hui nous avons un système qui rend long et complique les licenciements économiques de plus de 9 salariés par mois à la fois sans pour autant les empêcher. En même temps, une partie du salariat accumule la précarité et des emplois ne trouvent pas preneurs. Le système français se caractérise par une instabilité de l’emploi (37% par an) concentrée sur une partie de la population active et par une forte insécurité de l’emploi, c'est-à-dire une longue durée de chômage.
Nos voisins n’ont généralement pas ce système : ils consacrent leur énergie à la création de nouveaux emplois et à l’accompagnement des chômeurs. Du coup, les chômeurs ne le restent pas très longtemps.
Une partie de la gauche est bien consciente du problème et lorgne vers le modèle scandinave. Le rapport n°5 du CERC présidé par Jacques Delors, note que la loi de Cohésion sociale est un progrès par rapport à la loi de Modernisation sociale. Il souhaite que les grandes entreprises anticipent mieux les restructurations et augmentent la mobilité interne, ce qui est l’esprit de l’obligation de négocier le GPEC dans la loi du 18 janvier 2005. Il demande une négociation entre partenaires sociaux pour trouver un équilibre satisfaisant entre « la flexibilité nécessaire aux entreprises et les moyens donnés aux salariés de construire une carrière professionnelle.
Les groupes de travail de DSK sur le sujet préconisaient la même démarche imitant la flexisécurité qu’ont mis en place certains de nos voisins. Malheureusement, DSK n’a pas défendu une motion propre au congrès du Mans et pu défendre ce type de position
Dans les réseaux Désir d’Avenir, Ségolène Royal a laissé entendre qu’elle cherchait son modèle dans les pays scandinaves. Elle parle aussi de flexisécurité. Mais il est peu probable que ses électeurs potentiels aient compris qu’elle souhaite échanger un licenciement plus facile contre un accompagnement plus efficace. Elle parle plutôt d’entreprise faisant des profits substantiels et ne licenciant pas ou ne délocalisant pas (proposition n° 14) de faire du CDI la règle,(proposition n°15) et de rémunération des chômeurs à 90% du dernier salaire net pendant un an.
Et vous, qu'avez vous compris de son programme?
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